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Adoption - La Cour de cassation ouvre la voie à l'adoption d'enfants nés par PMA

Dans deux avis identiques du 22 septembre 2014, la Cour de cassation fait un grand pas vers la reconnaissance de l'adoption, par un couple de lesbiennes, de l'enfant de l'une d'entre elles né après une procréation médicalement assistée (PMA), réalisée à l'étranger.
En l'occurrence, il ne s'agit pas d'un arrêt, mais d'un simple avis émis par la Cour de cassation à partir d'une saisine de la cour d'appel de Poitiers et du tribunal de grande instance d'Avignon. Mais il est clair que la position exprimée par la Cour serait reprise si une affaire de ce type était portée devant elle, faisant ainsi jurisprudence.

Des jugements jusqu'alors contradictoires

Pour mémoire, il faut rappeler que si la France reconnaît l'adoption par des couples homosexuels, la loi réserve la PMA aux couples hétérosexuels qui ne peuvent avoir d'enfants pour des raisons médicales. Mais il est très facile de tourner cette règle et d'accéder à la PMA dans certains pays voisins (Espagne, Belgique...).
Plusieurs jugements de cours d'appel ont déjà été rendus sur des cas relevant de cette situation. Jusqu'à présent, les juges penchaient plutôt pour une reconnaissance de l'adoption des enfants nés dans ces conditions. Mais au moins deux cours d'appel - celles de Versailles et d'Aix-en-Provence - ont pris une position contraire et refusé l'adoption à la conjointe de la femme inséminée (pour cette dernière, mère biologique, la question de l'adoption ne se pose pas), en considérant que la PMA à l'étranger était illégale dans la mesure où elle consistait à se soustraire volontairement à la loi française (voir notre article ci-contre du 5 mai 2014). Il s'agissait donc de clarifier ces contradictions.
Dans ses deux avis très brefs du 22 septembre 2014, la Cour de cassation prend une position sans ambiguïté, en estimant que "le recours à l'assistance médicale à la procréation, sous la forme d'une insémination artificielle avec donneur anonyme à l'étranger, ne fait pas obstacle au prononcé de l'adoption, par l'épouse de la mère, de l'enfant né de cette procréation, dès lors que les conditions légales de l'adoption sont réunies et qu'elle est conforme à l'intérêt de l'enfant".

Pas de fraude à la loi

La Cour de cassation écarte ainsi la solution fondée sur la fraude à la loi en matière d'insémination artificielle avec donneur anonyme pratiquée à l'étranger, retenue pourtant par les cours d'appels de Versailles et d'Aix-en-Provence. Dans son communiqué, elle précise qu'"en effet, en France, certes sous conditions, cette pratique médicale est autorisée : dès lors, le fait que des femmes y aient eu recours à l'étranger ne heurte aucun principe essentiel du droit français". Elle s'appuie également sur le fait que la loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe - et autorisant l'adoption - permet "l'établissement d'un lien de filiation entre un enfant et deux personnes de même sexe, sans aucune restriction relative au mode de conception de cet enfant".

Le débat reprend de plus belle

Comme on pouvait s'y attendre, cet avis a aussitôt rouvert le débat. Dans un tweet, le député Laurent Wauquiez, député de la Haute-Loire, estime que "l'avis de la Cour de cassation sur ‪la PMA et la GPA [cette dernière n'étant en réalité absolument pas évoquée dans le texte, Ndlr] renforce mes convictions d'avoir une loi qui empêche que l'on aille dans cette direction". De même, Hervé Mariton, député de la Drôme et membre de l'Entente parlementaire pour la famille, estime que "pour éviter cela, il faut un retour sur la loi Taubira".
A l'inverse, la ministre de la Justice a souligné que "ces avis mettront fin à plusieurs mois d'insécurité juridique pour les familles homoparentales" et "favoriseront une harmonisation de la jurisprudence". Pour Christiane Taubira, "l'adoption est désormais clairement ouverte, sous toutes ses formes, à tous les couples mariés, conformément à la loi du 17 mai 2013".