Achèvement du Plan France Très Haut Débit : la filière en quête du plan B
Réunie à Strasbourg les 15 et 16 octobre 2024 dans le cadre de l'Université de la transition numérique des territoires (l'ex-Université THD), la filière télécom a exhorté les pouvoirs publics à prendre les mesures nécessaires pour achever le Plan France Très Haut Débit alors que les échéances sur le cuivre se rapprochent. Dans le contexte budgétaire actuel, la filière est condamnée à faire preuve d'imagination pour avancer sur ses dossiers.
Alors que les décrets d'attribution des ministres viennent à peine de tomber, c'est en l'absence de représentants du gouvernement que s'est tenue l'édition 2024 de l'Université de la transition numérique des territoires (anciennement Université THD). Mais une fois de plus, les sujets d'avenir que souhaiterait porter la filière - territoires connectés, datacenters de proximité, développement à l'international… - ont été rattrapés par les irritants persistants du Plan France Très Haut Débit. Aux dossiers complétude des déploiements et qualité des raccordements s'ajoutait cette année l'austérité budgétaire. Un motif de plus pour que Philippe Legrand, président d'Infranum, appelle les acteurs à "être solidaires" en portant des revendications communes auprès de l'Etat.
15 millions pour aider les particuliers
Obtenir une rallonge pour achever le Plan France Très Haut Débit relèverait cependant de l'exploit. À ce jour, dans le projet de loi de finances pour 2025 déposé au Parlement, une seule ligne nouvelle est à signaler. Un peu plus de 15 millions d'euros sont inscrits pour aider les foyers les plus démunis à financer la partie privative de leur raccordement à la fibre. Un financement qui devrait avant tout être affecté aux communes qui arrêtent le cuivre. "Cela concerne potentiellement 26.000 foyers", calcule Ariel Turpin de l'Avicca. En revanche, aucun financement n'est prévu pour Mayotte qui avait fait les frais du dernier coup de rabot budgétaire. L'obtention de financements à long terme, avec la création d'un fonds de péréquation pour financer la vie des réseaux, semble pour sa part mal partie. Infranum a bien tenté de faire passer l'alimentation de ce fonds comme une simple "réaffectation d'une partie de l'Ifer" (imposition forfaitaire des entreprises de réseaux payé par les opérateurs) mais il n'est pas certain que Bercy voit les choses de cette manière. Quant à l'idée de créer une contribution des utilisateurs des réseaux, comme elle existe pour l'eau et l'électricité, elle est loin de faire consensus chez les opérateurs.
Augmentation des tarifs des RIP à l'étude
À courte échéance, le scénario le plus probable est que les réseaux d'initiative publique (RIP) augmentent leurs tarifs de gros. Outre les raccordements complexes, les opérateurs d'infrastructures doivent en effet faire face à une augmentation du prix de l'énergie ou encore à des réparations liées aux intempéries sans avoir fait le plein de clients. "C'est quand même la moindre des choses que les coûts subis par les réseaux, RIP ou pas, puissent être répercutés sur les utilisateurs", a asséné Philippe Legrand. "L'Arcep y travaille mais nous avons besoin de poser les bonnes questions avec les bonnes données", lui a répondu Marie-Christine Servant, membre du collège de l'Arcep. L'autorité est en train de récupérer et consolider les données des 80 RIP, leur analyse s'annonçant "pas simple". Ce scénario n'est cependant pas idéal. "Une augmentation tarifaire sans cadre national pour organiser la péréquation pourrait aboutir à des inégalités entre territoires ou entre opérateurs d'infrastructure", craint Ariel Turpin.
Dérapage du calendrier du cuivre
Du côté de la fermeture du cuivre, les acteurs ont une fois de plus appelé l'État à faire pression sur les opérateurs pour achever les déploiements dans la zone dense. "Là où il y avait de l'ADSL, il n'y a aucune raison qu'il n'y ait pas la fibre", a estimé Séverine Reynaud, vice-présidente du département de la Loire et de l'Avicca. Une remarque qui vise essentiellement les grandes villes où le taux de couverture dépasse rarement 95%. De ce fait, le calendrier de fermeture du cuivre envisagé par Orange devient intenable dans ces zones urbaines. Selon le dernier décompte de l'Avicca, pas moins de 351 communes (le chiffre de 500 a même été évoqué) devraient être contraintes par l'Arcep de reporter la fermeture commerciale du cuivre initialement prévue pour le 31 janvier 2026.
Communication sur le cuivre à venir
Sur le volet communication, en revanche, les choses bougent enfin à l'heure où le chantier du cuivre devrait concerner "la moitié des foyers français fin 2025", comme l'a souligné Bénédicte Javelot, en charge du dossier chez Orange. Le GIP un temps espéré ne verra pas le jour mais les acteurs se sont mis d'accord sur les messages. Orange concession, l'opérateur d'infrastructures d'Orange, a en effet mis sur la table une proposition de communication grand public. Incarnée par un "monsieur ADSL" et une "madame Fibre", cette communication a l'aval de la filière. Tout récemment, la direction générale des entreprises a déclaré apporter son soutien à l'initiative. "Si l'État ne met pas d'argent sur la table, il apportera son sceau, ce qui n'est pas rien", a précisé un représentant de l'Arcep ayant participé à la réunion.
On peut du reste imaginer que ce sera là une des premières annonces du ou de la ministre désigné(e) pour être l'interlocuteur/trice de la filière télécom.
› Gouvernement Barnier : trois ministres pour la filière numérique"Le portage politique du numérique a diminué d'année en année", a déploré Patrick Chaize, rappelant que le portefeuille numérique était, il y a quelques années, directement rattaché au Premier ministre. De fait, pas moins de trois ministres au sein du gouvernement Barnier vont se partager les dossiers numériques intéressant les collectivités territoriales. Marc Ferracci, secrétaire d'État à l'Industrie, se retrouve ainsi chargé de la politique des "postes et communications électroniques". Il récupère la tutelle de la puissante direction générale des entreprises. Ce dossier est cependant partagé avec Catherine Vautrin, ministre du Partenariat avec les territoires et de la Décentralisation. Celle-ci "pilote le déploiement des infrastructures numériques, en lien avec le ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie et le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche" et assure également la mise en œuvre de la stratégie d'inclusion numérique. Enfin, la secrétaire d'État Clara Chappaz sera à la manœuvre sur l'intelligence artificielle mais interviendra aussi sur le cyber avec pour baptême du feu la transposition de la directive NIS 2 annoncée pour novembre 2024. Cette dispersion du dossier laisse "amère" l'Avicca car à l'évidence, le temps gouvernemental consacré au numérique ne sera pas à la hauteur des enjeux. |