Adaptation, simplification, déconcentration : le triptyque de Michel Barnier pour les territoires

Préparation de "contrats de simplification" avec les collectivités, "nouvel effort" de déconcentration, mise en avant de nécessaires relations de confiance avec les élus locaux, assouplissement des modalités du gel de l'artificialisation des sols ("ZAN")… Dévoilant sa feuille de route devant le Sénat le 2 octobre, Michel Barnier a précisé notamment sa politique en direction des collectivités, et plus largement des territoires. 

Dans un hémicycle calme et attentif, le Premier ministre s'est décrit comme un partisan de la décentralisation, évoquant la "grande loi Defferre" de 1982 qui lui a donné son essor. "Sur tous les sujets qui concernent la vie des gens, la décision doit être prise au plus près d'eux. C'est ce que font chaque jour les élus locaux", a déclaré Michel Barnier devant le Sénat, le 2 octobre, en rappelant qu'il avait été l'un d'eux, en tant que président du conseil général de la Savoie pendant 17 ans. 

Devant la chambre des territoires, il s'est engagé à ce que son gouvernement entretienne "des relations régulières et profondes" avec les élus locaux. "Nous devons pouvoir partager avec eux les objectifs de l'action gouvernementale", a-t-il dit au cours de cette allocution d'environ 45 minutes. En ajoutant que "les élus doivent aussi savoir que nous respectons leur rôle, leurs responsabilités et leurs compétences".

"Il nous faut bâtir un nouveau contrat de responsabilité entre les collectivités locales et l’État. Nous respecterons les compétences des collectivités et examinerons les possibilités de les renforcer", avait déclaré le Premier ministre la veille, lors de son discours de politique générale devant l'Assemblée nationale (voir notre article dédié). Dans l'hémicycle du Sénat, il n'a toutefois pas répété ces termes.

"Redonner du pouvoir d'agir aux élus"

Devant les députés, Michel Barnier avait aussi lancé l'idée de faciliter les projets locaux "empêchés en raison de la complexité de la réglementation". Devant les sénateurs, il a détaillé sa méthode. "Nous allons nous engager, État et collectivités, dans une forme de contrats de simplification pour identifier les actions locales qui sont aujourd'hui entravées", a-t-il dit. "Ce choc de simplification sera réalisé sur le terrain et à partir du terrain", "dans un dialogue étroit entre les préfets et élus locaux". "S'il faut", des "mesures législatives" seront prises "en réponse aux constats rencontrés sur le terrain". Cette simplification "redonnera du pouvoir d'agir aux élus, notamment aux "nombreux maires de petites communes qui sont découragés (…) face à l'amoncellement des normes", a promis l'ex-commissaire européen.

"La simplification passe aussi par un nouvel effort de déconcentration", a-t-il estimé. Concrètement, le pouvoir de décision des préfets va être accru. "Dans les toutes prochaines semaines", "des leviers renforcés" leur seront conférés "pour assurer la cohérence et l'efficacité de l'action de l'État et de tous ses opérateurs". Michel Barnier a aussi indiqué qu'il signerait "très prochainement" une instruction à tous les préfets par laquelle ces derniers seront autorisés à "déroger, expérimenter et différencier". "Il faut que nous apprenions à adapter nos politiques aux réalités très diverses des territoires", a résumé le chef du gouvernement. Pour rappel, les préfets peuvent déroger aux normes réglementaires depuis un décret d'avril 2020, mais leurs marges de manœuvre dans ce domaine sont très encadrées.

ZAN : "nous donner de la souplesse"

Devant un Sénat qui souhaite depuis plusieurs années des possibilités de différenciation plus grande dans le domaine de la gestion de l'eau - mais aussi de l'assainissement -, il a répété que son gouvernement réunirait "une grande conférence nationale" sur cette question de l'eau. Sans dire s'il comptait aller dans le sens du Sénat, il a déclaré vouloir "remettre à plat et en perspective la politique de l'eau".

Sur la mise en œuvre du "zéro artificialisation nette" (ZAN), il a été plus explicite. "On ne va pas remettre en cause cette politique dans son essence et ses objectifs", a-t-il affirmé, se présentant comme attaché au principe de "sobriété". "Dans notre pays, les espaces et les ressources naturels ne sont ni gratuits, ni inépuisables", mais "nous pouvons quand même nous donner de la souplesse, sur la base de contractualisations locales correctement encadrées, pour mieux concilier le développement des territoires" avec cet objectif, a-t-il déclaré sous les applaudissements de sénateurs de droite.

Six mois après la promulgation de la loi d'origine sénatoriale renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux, Michel Barnier s'est dit "très sensible" au sujet des violences envers les élus, évoquant la récente agression du maire de Saint-Brieuc, Hervé Guihard. Il s'est dit "soucieux que celles et ceux qui exercent une autorité publique ou rendent un service public soient partout et toujours respectés et protégés". "Nous nous inspirerons de vos travaux en ce qui concerne le statut de l'élu local", a-t-il par ailleurs promis aux sénateurs, qui ont voté en mars (voir notre article) une proposition de loi sur le sujet.

 

Les collectivités associées à l'effort de limitation des dépenses publiques

Le Premier ministre a confirmé que son gouvernement demandera aux collectivités de participer à la réduction du déficit à 5% du PIB en 2025. En indiquant vouloir discuter "rapidement" avec leurs représentants du sujet de la maîtrise de l'évolution des dépenses. "Nous examinerons les possibilités d'économies avec les collectivités territoriales - pas sans elles ni contre elles", a-t-il déclaré.

Le gouvernement souhaite que les collectivités parviennent à un "lissage", ou "une modération" de leurs dépenses en 2025. Les collectivités locales, qui sont "des bons gestionnaires", sont "très responsables dans la gestion de leurs finances publiques", fait-on remarquer dans l'entourage du Premier ministre et à Bercy. Où visiblement, après la polémique suscitée par l'ex-ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, sur les dépenses des collectivités, on a décidé de tenir un autre discours à leur endroit.

 

 

 

 

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