Hébergement - Accueil des réfugiés : Bernard Cazeneuve annonce aux communes 1.000 euros par place d'hébergement créée
Des représentants de 700 communes ont répondu présents samedi 12 septembre à la "réunion de travail et d'information" organisée par le ministère de l'Intérieur pour mettre en œuvre l'accueil des réfugiés. Selon l'AFP, un certain nombre d'élus volontaires n'avaient jamais entendu parler, jusque-là, de Cada (centres d'accueil des demandeurs d'asile), d'Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides) ni d'Ofii (Office français de l'immigration et de l'intégration). Pour eux tout particulièrement, le ministère de l'Intérieur a élaboré un lexique qui se trouve dans un "kit-maires" qui fait également le point sur la compétence de l'Etat en la matière, des fiches pratiques pour les communes volontaires, des questions/réponses également pratico-pratiques...
Aux communes : un soutien de 1.000 euros par place d'hébergement créée
La toute première question qui brûlait les lèvres des élus portait naturellement sur les aspects financiers. Bernard Cazeneuve a annoncé un "soutien exceptionnel et forfaitaire" à la mobilisation des communes qui créeront sur leur territoire des places d'hébergement d'ici à 2017, pour un montant de 1.000 euros par place d'hébergement.
Son objet est de "soutenir l'action des communes dans leur action sociale et matérielle de proximité au profit des personnes hébergées, dans un contexte d'urgence humanitaire".
Il est bien précisé que cette aide ne sera attribuée "qu'à des collectivités qui n'émettent aucune conditionnalité sur les profils des personnes accueillies".
Les villes moyennes insistent pour "garder leur liberté de décision"
Caroline Cayeux, sénateur-maire de Beauvais et présidente de Villes de France (ex-Fédération nationale des villes moyennes), a estimé, en sortant de la réunion, que la "somme forfaitaire" de 1.000 euros accordée par l'Etat par place ouverte à l'hébergement, "ne pourra raisonnablement pas couvrir les frais que devront engager les communes pour l'ouverture de places d'accueil".
Mais ce qui gêne surtout Villes de France, c'est toujours l'idée que les maires pourraient perdre leur "liberté de décision". L'association d'élus a ainsi retenu de la réunion de samedi que "si le ministre de l'Intérieur a bien confirmé que dans un premier temps l'accueil se fera sur la base du volontariat des communes, il a laissé entendre que le schéma national d'accueil des réfugiés prévu par la loi sur le droit d'asile s'appliquerait en cas de carence". Cette dernière option est "récusée" par les adhérents de Villes de France qui "veulent exprimer leur attachement à leur liberté de décision en fonction de leur capacité".
Aux bailleurs publics et privés : 1.000 euros par logement
L'Etat a également prévu des aides aux bailleurs publics et privés qui acceptent de louer des locaux à une association assurant l'hébergement ou le logement des réfugiés. Il prévoit ainsi l'application du dispositif d'aides de l'Anah (Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat) pour la rénovation de biens mis sur le marché locatif à un tarif social, par conventionnement, et l'attribution d'une aide complémentaire de 1.000 euros par logement.
De plus, le ministère de l'Intérieur a annoncé une aide spécifique complémentaire aux communes qui s'engageront dans des opérations de prospection sur leur territoire afin d'accroître le volume des logements mobilisés.
Enfin, le ministère a promis la mobilisation, sur appel à projets, d'un fonds de soutien. Le montant serait annoncé prochainement (peut-être mercredi prochain, lors d'une déclaration du Premier ministre à l'Assemblée nationale), pour le financement de l'investissement pour les opérations lourdes de création de locaux d'hébergements ou de logement, portées par des opérateurs publics, associatifs ou privés. Ces places concernent notamment les Cada, dont le dispositif de 25.000 places environ aujourd'hui ne suffit pas à loger l'ensemble des demandeurs, a reconnu Bernard Cazeneuve.
D'ores et déjà, Marie-Arlette Carlotti, présidente du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées, propose de mobiliser les 77.310 logements sociaux vacants depuis plus de trois mois et en attente de locataire (un chiffre datant de 2014, sources : CGDD).
Un coordonnateur dans chaque département
Aux communes qui disposent de logements sociaux vacants, il est demandé de les signaler en préfecture. Plus exactement, de les signaler au coordonnateur départemental qui doit être nommé par chaque préfet.
Dès lors, sachez que les personnes peuvent être accueillies "sans restriction de durée et rapidement" avec le soutien d'une association prenant à bail le logement. Dans le cas où les logements proposés sont de grande surface, il est possible d'organiser la cohabitation de plusieurs ménages ou personnes isolées.
Aux communes qui ne savent pas quoi répondre à des habitants se proposant d'accueillir un demandeur d'asile ou un réfugié, il leur est cette fois demandé de les orienter vers les associations et les organismes spécialisés dans l'hébergement et l'accompagnement des demandeurs d'asile ou de logement. Ces acteurs sont "vos interlocuteurs naturels dans la constitution de votre projet", insiste le ministère.
Indispensables associations
Car chaque réfugié relogé bénéficiera d'un accompagnement social "global" et "renforcé" par ces associations et organismes spécialisées. Ils prennent en charge, "en lien avec l'ensemble des partenaires et notamment les élus concernés" : la bonne installation dans le logement ; l'établissement de l'ensemble des droits qui ne seraient pas encore ouverts ; l'apprentissage de la langue française en complément de l'action menée par l'Ofii ; l'aide à l'inscription scolaire le cas échéant ; l'accès à l'emploi.
L'ensemble des dons matériels sont également à diriger vers des structures associatives qui pourront organiser leur mise à disposition aux réfugiés installés dans la commune ou à proximité. Lorsque le logement est loué vide, ces associations peuvent ainsi procéder à un ameublement minimal (lits, tables, chaises, équipements divers). "Vos Ccas et vos Cias peuvent bien évidemment, si vous le souhaitez, jouer un rôle central pour l'ensemble de ces questions", précise le ministère.
La question de la concurrence avec les sans-abri
En clôture de la réunion de samedi, le Premier ministre, Manuel Valls, s'est engagé à ce que ces nouvelles aides aux réfugiés ne se fassent pas au détriment des sans-abri, promettant de débloquer les crédits nécessaires pour les sans-domicile fixe notamment pour l'hiver. "Je veux le dire avec force : nous veillerons, en ces circonstances particulières, à ce qu'il n'y ait aucun effet de ricochet, aucune concurrence entre l'exercice de tous nos devoirs de solidarité", a-t-il assuré.
Par ailleurs, il n'y aura "aucune confusion - et elle existe - entre réfugiés, demandeurs d'asile, immigration légale, immigration irrégulière", a-t-il promis.
Une chance pour les communes rurales ?
Lors du comité interministériel aux ruralités, ce lundi 14 septembre à Vesoul (voir notre article dans notre édition du jour en lien ci-contre), le président de la République a eu un mot pour les maires ruraux "qui les premiers se sont portés volontaires" pour accueillir des réfugiés.
La veille, Najat Vallaud-Belkacem avait estimé, lors du "12/13 dimanche" de France 3, que l'accueil des enfants réfugiés pouvait être "une chance" pour certaines communes rurales qui ont des classes menacées de fermeture pour cause de baisse de la démographie. Une idée de Jean-Pierre Raffarin que la ministre de l'Education nationale dit appliquer. "C'est le travail que conduit avec nous le ministre de l'Intérieur pour bien répartir sur le territoire l'accueil des réfugiés." "J'ai d'ailleurs déjà eu beaucoup de remontées de ces communes rurales qui voient dans l'accueil de ces enfants réfugiés une opportunité", a-t-elle souligné.
L'Education nationale estime que 8.000 à 10.000 enfants de réfugiés seraient accueillis en France dans les 2 ans (une estimation "à la louche", s'appuyant sur l'idée qu'un réfugié sur trois est mineur).
"On a la chance d'avoir dans notre école française un dispositif qui s'appelle les centres académiques de scolarisation des enfants allophones, qui nous permet d'avoir des classes spécifiques pour accueillir ces enfants, leur faire apprendre très vite le français et un certain nombre de valeurs républicaines avant de les mettre dans des classes ordinaires. C'est comme cela que les choses vont se passer", a-t-elle expliqué, en précisant que 45.000 enfants allophones fréquentaient déjà ces structures, mais sans préciser si elle comptait développer des antennes à ces Casnav (centres académiques pour la scolarisation des enfants allophones nouvellement arrivés et des enfants issus de familles itinérantes et de voyageurs)... en territoire rural.