Accouchement "sous X" : le Conseil d'État valide le secret de la naissance
Le dispositif français sur l'accès aux origines personnelles contrevient-il à la Convention européenne des droits de l'homme ? Le Conseil d'État répond par la négative. Il peut bien être refusé de révéler à une personne "l'identité de la femme ayant accouché d'elle, lorsque cette dernière a manifesté la volonté de taire son identité lors de l'accouchement et a renouvelé expressément cette volonté en réponse à la demande de levée du secret".
Dans un arrêt du 16 octobre 2019, publié au recueil Lebon, le Conseil d'État prend une position très claire sur l'accouchement dit improprement "sous X" et l'accès aux origines personnelles. La question était de savoir si le dispositif français en la matière contrevient ou non à l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, prévoyant notamment, de façon très large, que "toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance". À cette question, la réponse du Conseil d'État est clairement négative.
Une erreur de référence juridique, mais sans conséquence
En l'espèce, Mme B... F... demandait au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler une décision du 12 mars 2012 par laquelle le Conseil national pour l'accès aux origines personnelles (Cnaop) refusait de lui communiquer l'identité de sa mère biologique. Devant le rejet de sa demande, l'intéressée a saisi la cour administrative d'appel de Paris, qui a également rejeté la demande et confirmé le jugement du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie dans un arrêt du 30 janvier 2018. D'où la saisine du Conseil d'État. L'argument avancé était que le refus ainsi opposé porte atteinte au respect de sa vie privée et familiale, garanti par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.
Dans sa décision du 16 octobre, le Conseil d'État réforme certes l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris mais en raison d'une erreur sur le texte de référence. La décision du Conseil d'État procède donc à un remplacement du texte de référence – qui se trouve être en définitif l'acte dit "loi" du 15 avril 1943 (et donc un reliquat du régime de Vichy) – "par une substitution de pur droit qui n'implique l'appréciation d'aucune circonstance de fait".
Un juste équilibre entre respect du secret et souhait légitime de l'enfant
L'important se situe sur le fond. Il résulte en effet des article L.147-1 et suivants du code de l'action sociale et des familles (Casf) "que le Cnaop est tenu de refuser de satisfaire à la demande d'une personne, visant à connaître l'identité de la femme ayant accouché d'elle, lorsque cette dernière a manifesté la volonté de taire son identité lors de l'accouchement et a renouvelé expressément cette volonté en réponse à la demande de levée du secret".
Ces mêmes articles du Casf prévoient la possibilité de lever le secret de l'identité de la mère de naissance, en permettant de solliciter la réversibilité du secret de son identité sous réserve de l'accord de celle-ci. Le Conseil d'État estime que ces dispositions "définissent ainsi un équilibre entre le respect dû au droit à l'anonymat garanti à la mère lorsqu'elle a accouché et le souhait légitime de l'enfant né dans ces conditions de connaître ses origines".
Considérant que Mme B... F... "a pu disposer, hormis l'identité de sa mère biologique encore en vie, d'informations relatives à sa naissance recueillies par le Cnaop", le Conseil d'État juge qu'elle "n'était pas fondée à soutenir que les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales avaient été méconnues". Dans ces conditions, et exception faite de la confusion sur la référence de textes, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de qualification juridique.
Références : Conseil d'État (2e et 7e chambres réunies), arrêt n°420230 du 16 octobre 2019, Mme B... F... |