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Abstention : des sénateurs appellent à "redynamiser la culture citoyenne"

Comment expliquer l’abstention, et notamment celle des jeunes, pour mieux inverser la tendance ? Dans un rapport présenté le 8 juin, des sénateurs estiment qu’il y a avant tout un problème de "culture citoyenne" aujourd’hui déficitaire et qu’il faut remettre la formation du citoyen au cœur des apprentissages, en recentrant l’enseignement moral et civique sur la connaissance des institutions et en valorisant le rôle des élus. Ils plaident également pour des "pratiques démocratiques" impliquant davantage les jeunes et proposent la création d’un statut de l’élu étudiant.   

S’il franchit un nouveau record en dépassant les 52%, le niveau d’abstention au premier tour des élections législatives avait été largement prédit, notamment par les sénateurs de la mission d’information "Comment redynamiser la culture citoyenne ?" qui présentaient leur rapport le 8 juin 2022 à la presse. Est-il possible de réduire la distance entre citoyens et institutions et d’inverser la tendance en termes de participation aux élections ? Pour y répondre, le Sénat s’est intéressé à la notion de "culture citoyenne" définie comme "ce qui permet à chacun de s’inscrire dans un projet commun par des références partagées", selon le sénateur Henri Cabanel (RDSE, Hérault), rapporteur de cette mission. Pour ce dernier, "notre pays connaît tant de fractures et de défis que l’on a du mal, parfois, à trouver quelles références nous partageons vraiment tous" aujourd’hui. Cette nouvelle contribution fait écho à de récents travaux parlementaires (voir nos articles ci-dessous) et en particulier au rapport de l’Assemblée nationale de mars dernier sur les politiques publiques de formation à la citoyenneté (voir notre article).

Jeunes : "un sentiment d’illégitimité pour aller voter"

Pour "redynamiser" cette culture citoyenne, deux grandes priorités sont mises en avant par le Sénat : la formation du citoyen, autour d’un recentrage de l’enseignement moral et civique (EMC) sur la connaissance des institutions, et l’évolution des "pratiques démocratiques" pour impliquer davantage les citoyens et en particulier les jeunes.

Chez les jeunes avec lesquels ils ont échangé, y compris de jeunes majeurs et des étudiants en droit, les sénateurs constatent "un sentiment d’illégitimité pour aller voter, tout simplement parce qu’ils ne connaissent pas suffisamment les institutions, le rôle d’un député, alors d’un sénateur je vous en parle à peine, et même d’un conseil municipal parfois", alerte Stéphane Piednoir (LR, Maine-et-Loire), président de la mission d’information. L’EMC dans son format actuel ne permet pas de transmettre des "connaissances solides" sur les institutions, déplorent les sénateurs. Ces derniers s’étonnent ainsi du fait que le mot "ministre" ne soit cité qu’une fois dans un seul manuel d’EMC, et cela pour illustrer l’"affaire Cahuzac". "Si l’on veut rapprocher nos concitoyens de leurs élus et de leurs institutions, peut-être que l’on pourrait, sans occulter évidemment les affaires qui peuvent arriver ici ou là, valoriser le travail des élus et des ministres", estime Stéphane Piednoir qui appelle à fournir aux élèves "des outils objectifs" et "ne [versant] pas dans un pessimisme voire dans une critique systématique".

Lever les incertitudes sur l’avenir du service national universel

Analysant dans son rapport les différentes étapes du "parcours citoyen", la mission d’information préconise de "recentrer" la journée défense et citoyenneté "sur l’essentiel" : les enjeux de défense et de sécurité, le repérage des jeunes en difficulté et la présentation des différents dispositifs d’engagement (service civique, sécurité civile, réserves…). Les sénateurs demandent également au gouvernement de "lever les incertitudes relatives à l’avenir du service national universel" (SNU) concernant le caractère volontaire ou obligatoire du dispositif et de "préciser son cadre juridique (législatif et, le cas échéant, constitutionnel) après un débat parlementaire".

Sur le service civique, la mission recommande de "pérenniser les moyens dégagés dans le cadre du plan de relance" et de mettre particulièrement l’accent sur le développement du dispositif en milieu rural en prévoyant une aide de l’État spécifique.

Créer un statut de l’élu étudiant

Les sénateurs appellent dans leur rapport à "mobiliser l’échelon local pour faire des jeunes des acteurs à part entière de la vie démocratique". Ils proposent la création d’un "statut de l’élu étudiant", similaire au statut d’élu salarié, pour offrir des aménagements de scolarité aux élus municipaux, départementaux et régionaux poursuivant des études supérieures.   

"Nous invitons les collectivités territoriales à davantage associer les conseils des jeunes", ajoute Henri Cabanel. Les sénateurs ont en effet observé que, si les conseils de jeunes étaient nombreux localement, ces instances étaient souvent "à côté des conseils municipaux" et en manque de "vrais projets". "Les jeunes ne veulent pas être que sur la photo, ils veulent être actifs", résume le rapporteur de la mission.     

Les collectivités sont également invitées à prendre part à la formation des jeunes dans le cadre de l’EMC – via des partenariats entre l’Éducation nationale et les associations locales d’élus –, à organiser "une participation active" des jeunes pendant les commémorations et à s’approprier de bonnes pratiques telles que les journées citoyennes (voir notre article de juin 2021), "qui contribuent utilement à renforcer la solidarité entre les générations".

Préparer la mise en œuvre du vote électronique par des expérimentations locales 

Dense, le rapport comporte 23 recommandations, parmi lesquelles figure une invitation à "expérimenter le vote électronique lors de scrutins locaux" dans les collectivités volontaires, afin d’alimenter la réflexion du pays sur ce sujet. "Il est bien évident que c’est inscrit dans l’histoire", tranche Henri Cabanel, considérant que les retours d’expérience issus d’expérimentations sont nécessaires pour "s’y préparer".

Pour lutter contre l’abstention, les sénateurs appellent enfin à "mieux informer les citoyens", par des campagnes d’information plus complètes et ciblées (sur les réseaux sociaux notamment) et par une communication électronique de la propagande électorale aux électeurs qui le souhaitent, parallèlement à l’envoi postal classique.

 

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