Handicap - AAH : pourquoi tant d'écarts entre départements ?
Dans sa collection de "Dossiers solidarité et santé", la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) des ministères sociaux publie une étude sur "L'allocation aux adultes handicapés attribuée dans les départements : des disparités liées au contexte sociodémographique des territoires".
Créée en 1975 pour garantir un revenu minimum aux personnes handicapées qui ne peuvent tirer des ressources d'une activité professionnelle, l'AAH, versée par les CAF mais financée par l'Etat, est devenue aujourd'hui l'un des tout premiers minima sociaux. Revalorisée de 25% entre 2007 et 2012, elle a franchi l'an dernier la barre du million de bénéficiaires (voir notre article ci-contre du 5 novembre 2013) et bénéficie d'une inscription de 8,4 milliards d'euros dans la loi de finances pour 2014 (qui devrait, comme chaque année, être complétée de 200 à 300 millions d'euros en loi de finances rectificative).
De 12 à 65 AAH pour 1.000 habitants de 20 à 59 ans
L'étude de la Drees s'intéresse aux écarts entre départements en matière de nombre de bénéficiaires. Alors que la moyenne nationale est de 33 allocataires pour 1.000 habitants en âge de percevoir l'AAH (autrement dit âgés de 20 à 59 ans), tous les départements d'Ile-de-France - Seine-Saint-Denis exceptée - affichent un taux inférieur à 22 pour 1.000, tandis les départements situés dans la partie centrale de la France (Yonne, Nièvre, Allier, Indre, Haute-Vienne, Creuse...) comptent plus de 42 bénéficiaires pour 1.000 habitants en âge de percevoir la prestation. Les deux extrêmes vont de 12 pour 1.000 à 65 pour 1.000, soit un ratio du simple au quintuple.
La Drees ne se contente pas du constat, mais cherche à expliquer ces écarts. Si l'on va au-delà des explications de base qui ne bouleversent pas les connaissances sur le sujet - "la prévalence de l'AAH est liée à celle du handicap" -, l'étude apporte des enseignements intéressants. Ainsi, les taux d'allocataires les plus élevés s'observent dans les départements "vieillissants, ruraux et pauvres". Le critère de l'âge ne semble toutefois pas le plus pertinent, dans la mesure où - la prestation étant réservée à la tranche d'âge des 20 à 59 ans - il joue de façon relativement marginale. Celui du niveau de revenu semble en revanche plus opérant, dans la mesure où l'AAH est soumise à condition de ressources. Enfin, le troisième critère - celui de la ruralité - est très lié à celui du niveau de revenu.
Les départements classés en cinq groupes
A partir de ces différents critères, une analyse factorielle permet de reconstituer cinq groupes de départements. A l'une des "extrémités" du spectre, on trouve un groupe de départements affichant plus de 40 allocataires pour 1.000 habitants de 20 à 59 ans. Il comprend l'Ariège, l'Aveyron, la Creuse, le Gers, l'Indre, le Lot, la Lozère, la Nièvre et les Hautes-Pyrénées. Ces départements se caractérisent par une population âgée, une natalité faible, une forte proportion de communes rurales isolées (20 à 50% contre 5% de moyenne nationale), un nombre élevé de places en structures pour adultes handicapés, ainsi qu'un taux de pauvreté supérieur à la moyenne. A l'autre "extrémité" figurent les départements avec un faible taux d'allocataires (moins de 26 pour 1.000), se caractérisant par une population jeune et urbaine, active et qualifiée travaillant majoritairement dans le tertiaire (donc avec un faible risque d'accidents ou maladies professionnelles), un niveau de vie "particulièrement élevé", une espérance de vie très élevée et peu de places en établissements spécialisés. Ce groupe comprend les départements d'Ile-de-France (sauf la Seine-Saint-Denis), le Rhône et la Haute-Garonne. Le trois autres groupes présentent des profils nettement moins tranchés.
Un quart des écarts s'expliquerait par des différences de pratiques
Selon l'étude, les facteurs démographiques, sociaux, sanitaires et économiques du territoire expliquent "près des trois quarts des écarts entre départements" en matière de taux d'AAH (très précisément 73%). Dans ces conditions, la Drees estime "que moins d'un quart des disparités départementales de prévalences de l'AAH s'expliquerait par les différences de pratiques des acteurs locaux du handicap (MDPH, autres acteurs publics en lien avec le handicap, associations de personnes handicapées...)".
Dernier point à signaler : l'étude observe que les écarts de prévalence de l'AAH entre départements se sont légèrement réduits entre 2008 et 2012. Cela peut tenir à des facteurs sans lien direct avec l'AAH, comme une évolution contrastée de la pauvreté entre les départements. Mais l'étude estime que cette évolution est aussi "probablement liée à l'harmonisation des pratiques d'attribution de la prestation, à une meilleure information et prise en charge des publics concernés".