Innovation - 13 pôles de compétitivité à "reconfigurer en profondeur"
"Le dispositif des pôles de compétitivité semble suffisamment prometteur pour être maintenu dans ses grands principes." C'est l'une des conclusions du rapport d'audit sur les pôles réalisé par les cabinets Boston Consulting Group et CM International entre novembre 2007 et juin 2008, à la demande du gouvernement. Un audit qui confirme les bienfaits du dispositif : "La plupart des pôles font preuve à ce jour d'un dynamisme prometteur", indique ainsi la synthèse de ce rapport remis le 18 juin à Hubert Falco, secrétaire d'Etat à l'Aménagement du territoire et Luc Chatel, son homologue à l'Industrie. "Le nombre de projets soumis aux financeurs est en forte croissance depuis la création du dispositif, et le niveau d'implication des PME dans ces projets est fort." L'étude note toutefois des différences de maturité entre les pôles : "Certains ont très rapidement stabilisé leur mode de gouvernance, défini leurs priorités stratégiques et organisé leurs équipes d'animation ; d'autres continuent de peiner à trouver un équilibre entre les différentes parties prenantes au pôle, embrassent sans priorité un nombre très large de thématiques ou ne parviennent pas à identifier clairement les missions clés de leurs salariés." Elle met ainsi en exergue trois catégories de pôles : ceux, au nombre de 39, qui ont atteint les objectifs de la politique des pôles, ceux qui ont atteint partiellement ces objectifs et qui doivent travailler à l'amélioration de certaines dimensions de leur action (19), et enfin, ceux qui mériteraient d'être "reconfigurés en profondeur", à savoir les 13 restants. Mais l'étude reste en revanche discrète sur le devenir de ces pôles jugés moins efficaces que d'autres. Dans leurs recommandations faites au gouvernement pour améliorer la politique des pôles, les deux cabinets se contentent de préconiser "une animation dynamique du portefeuille des pôles par les pouvoirs publics via une politique active de labellisation/délabellisation". "Délabellisation", le mot est lâché : les rumeurs vont bon train et certains annoncent déjà leur suppression. "La présentation orale des deux cabinets a dû aller plus loin que le rapport et demander la délabellisation immédiate de ces pôles", explique Philippe Martin, professeur à l'Université Paris-I Panthéon-Sorbonne et auteur de l'étude "Les pôles de compétitivité : que peut-on en attendre ?".
Dix pôles concentrent 55% des financements
Le principe de la délabellisation avait été jusque-là mis de côté. Lors d'une réunion de travail organisée à Paris en juillet 2007 entre les représentants des pôles et les membres du groupe de travail interministériel pour l'aménagement et la compétitivité des territoires, à la question d'un directeur de pôle qui s'inquiétait de la disparition de certains pôles, la Diact s'était montrée rassurante : "Il n'y a pas de pôle en panne, notre volonté n'est pas de tuer les initiatives prises sur le terrain", avait ainsi répondu Marie-France Barthet, conseillère chargée des pôles de compétitivité à la Diact. Reste à savoir si cette idée de délabellisation de certains pôles pourra faire son chemin, avec les réticences qui ne tarderont pas à pointer leur nez, notamment du côté des régions. "Le dispositif intègrerait ainsi la carotte, les subventions, et le bâton, la délabellisation, explique Philippe Martin, mais il faut voir si ça suit, certaines régions ou villes risquent de ruer dans les brancards !"
Le rapport semble vouloir ménager la chèvre et le chou et ne souhaite "pas de refocalisation drastique du dispositif des pôles de compétitivité sur un nombre très restreint". Hubert Falco n'avait pourtant pas hésité, en avril dernier, à évoquer un "toilettage des pôles" pour recentrer les crédits sur "ceux qui jouent le jeu". La concentration pourrait se faire par "la sélectivité des mécanismes de financement des projets". Les auteurs expliquent ainsi que dix pôles sur 71 concentrent environ 55% des financements des projets cumulés depuis le lancement du dispositif. En clair, il faut laisser la sélection naturelle faire son effet.
Des contrats de financement sur trois ans
Dès le lancement du dispositif, certains s'étaient déjà positionnés par rapport à cette "sélection naturelle". Le cabinet KPMG, auteur du premier bilan sur les pôles, avait ainsi annoncé un "écrémage" naturel, dû au surnombre des pôles, avec une raison simple : "Toutes les régions ont voulu leur pôle."
Pour améliorer le dispositif, le rapport propose aussi d'améliorer l'évaluation à travers un portefeuille d'indicateurs, comme le nombre de chercheurs, le nombre de créations d'entreprises ou encore le nombre de brevets. Il préconise aussi un meilleur contrôle, avec notamment la mise en place d'un comité d'orientation des pôles et le développement de contrats stratégiques entre les pôles et leurs soutiens publics, à savoir l'Etat et les collectivités territoriales. Des contrats d'une durée de trois ans qui incluraient les engagements de l'Etat et des collectivités en matière de financement et d'animation, des objectifs clairs et des indicateurs quantifiés de succès. Une idée qui ne convainc pas Philippe Martin, pour qui ces nouvelles instances risquent d'être lourdes. "Mieux vaut déterminer des objectifs clairs et laisser ensuite les pôles se débrouiller seuls et faire la démonstration de leur réussite, assure-t-il, si les entreprises arrivent à se mettre d'accord, on poursuit les financements, sinon, on délabellise." Quoiqu'il en soit, le gouvernement va utiliser l'audit pour définir les orientations de la politique des pôles pour les années à venir. Jusqu'à maintenant, le gouvernement a labellisé 71 pôles de compétitivité et s'est engagé à leur consacrer 500 millions d'euros par an de 2006 à 2008, soit un total de 1,5 milliard d'euros. Un comité interministériel d'aménagement et de compétitivité des territoires doit avoir lieu prochainement, sous la présidence du Premier ministre. D'après le gouvernement, les décisions se feront à partir d'un dialogue avec les pôles et en association avec les élus concernés. Les discussions ne font que commencer.
Emilie Zapalski