Zones à faibles émissions-mobilité : les dérogations précisées par décret
Un décret paru le 24 décembre détermine les seuils limites de pollution permettant aux agglomérations de plus de 150.000 habitants d’être écartées de l’obligation d’instaurer une zone à faibles émissions-mobilité (ZFE-m), comme le prévoit la loi Climat et Résilience.
D’ici fin 2024, la loi Climat et Résilience (article 119) prévoit d’étendre le dispositif des zones à faibles émissions-mobilité (ZFE-m) à toutes les agglomérations de plus de 150.000 habitants (soit 33 agglomérations supplémentaires en plus des 11 ZFE-m déjà opérationnelles). Le texte renvoie toutefois au décret le soin de définir les conditions d’instauration, et en particulier les modalités de dérogations à la création d’une ZFE-m pour des motifs légitimes ou en cas d’actions alternatives mises en place produisant le même effet qu’une ZFE-m. C’est l’objet du texte paru ce 24 décembre.
Anticipation de la révision de la directive européenne
S’agissant des motifs légitimes, ils s’entendent "au sens sanitaire", insiste le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, rappelant que "l’objectif premier est de fonder le principe dérogatoire sur un critère sanitaire faisant autorité à l’échelle internationale", c’est-à-dire sur les nouvelles lignes directrices en matière de qualité de l’air publiées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) le 22 septembre dernier. Le gouvernement espère ainsi avoir un coup d’avance en anticipant l’alignement des normes européennes - dans le cadre de la révision engagée de la directive n° 02008/50/CE du 21 mai 2008 sur la qualité de l’air ambiant - sur les recommandations plus exigeantes de l’OMS. Pour rappel, déjà condamné en octobre 2019 par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) pour des dépassements constatés sur ses émissions de dioxyde d’azote (12 agglomérations), l’État a également écopé d’une astreinte record de 10 millions d’euros suite à une décision du Conseil d’État en date du 4 août 2021.
Au moins trois années sur les cinq dernières
L’évolution la plus marquée entre les seuils de référence de 2005 et de 2021 de l’OMS concerne le dioxyde d’azote (NO2), avec un abaissement de 40 µg/m3 à 10 µg/m3 pour la moyenne annuelle. Et comme le prévoit la Commission européenne, "la prise en compte des valeurs limites s’étudie sur les cinq dernières années", explique par ailleurs le ministère. Au terme du décret, l’agglomération pourra donc déroger à l’obligation d’instaurer une ZFE-m dès lors que les concentrations moyennes annuelles en NO2 mesurées sur le territoire sont inférieures ou égales à 10 μg/m3 au moins trois années sur les cinq dernières années civiles, ou qu’au moins 95% de la population de chaque commune de l’agglomération n’est pas exposée à ce seuil. Les actions équivalentes à une ZFE-m sont également définies par le texte, comme celles permettant d’atteindre ce critère "dans des délais plus courts ou similaires" à ceux procédant de la mise en place d’une ZFE-m. Cette évaluation est transmise pour avis au préfet par les collectivités concernées, et modifiée si nécessaire pour tenir compte de cet avis, ajoute le texte.
Lors du passage du texte devant le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN), les élus ont fait valoir "l’impérieuse nécessité de déployer des mesures d’accompagnement financières et matérielles", selon eux "aujourd’hui insuffisantes, notamment en faveur des populations les plus précaires". De son côté, le ministère a rappelé que "des dispositifs d’aide sont déjà en œuvre ou à venir tels que la prime à la conversion renforcée en territoire ZFE-m, le micro-crédit pour les véhicules propres, la mise en place d’un prêt à taux zéro expérimenté à partir du 1er juillet 2023 pour les agglomérations de strates supérieures qui dépassent aujourd’hui les normes de qualité de l’air, les mesures de soutien à l’achat d’un vélo, avec ou sans assistance électrique, et enfin le lancement d’appels à projets pour développer les transports en commun en véhicules propres".
Référence : décret n° 2022-1641 du 23 décembre 2022 relatif aux conditions de l'instauration d'une zone à faibles émissions mobilité dans les agglomérations de plus de 150.000 habitants situées sur le territoire métropolitain, JO du 24 décembre 2022, texte n° 97. |