ZAN et garantie universelle : une condamnation de l’aménagement du territoire, selon la Fédération des Scot
Michel Heinrich, président de la Fédération des Scot, sonne l’alarme. En "jetant des confettis d’un hectare partout en France", la loi visant à faciliter la mise en oeuvre de l'objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) que s’apprêtent à voter les parlementaires va selon lui condamner toute possibilité d’aménagement du territoire.
"La mort de l’aménagement du territoire en France". C’est selon Michel Heinrich, président de la Fédération nationale des Scot, ce que s’apprêtent à signer les parlementaires en votant définitivement, ces 12 et 13 juillet, la proposition de loi visant à faciliter la mise en œuvre de l’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) des terres en 2050, telle que révisée par la commission mixte paritaire (voir notre article du 6 juillet).
Équation impossible
Dans son viseur, l’élu pointe auprès de Localtis la "garantie rurale". Promue par le Sénat, elle devait initialement offrir l’assurance aux seules communes peu denses et très peu denses de pouvoir artificialiser 1 hectare d’ici 2031 (le compteur tournant depuis la loi Climat). Mais elle s’est depuis muée en "garantie universelle", puisque bénéficiant désormais à toutes les communes sans condition de densité – en excluant toutefois celles relevant du règlement national d’urbanisme (RNU) (voir notre article du 26 juin).
Or, pour Michel Heinrich, cette extension rend tout simplement "l’équation impossible". Il déroule le raisonnement : "Pendant la période 2011-2021, 28% des communes avaient artificialisé moins d’un hectare. Il fallait continuer à prendre la calculette. Si l’on donne au minimum 26.000 hectares aux communes pour la garantie universelle – les 34.945 communes françaises moins les environ 9.000 au RNU, à qui il suffit toutefois de délibérer pour manifester l’intention de réaliser un document d’urbanisme et récupérer l’hectare –, qu’on retire 12.500 hectares pour les grands projets d’envergure et que l’on se projette en 2024, quand les documents régionaux répartiront les objectifs de foncier et que l’on aura consommé 3 ans de foncier depuis le vote de la loi, soit sûrement 60.000 hectares, le total représentera déjà 98.500 hectares ! À rapporter aux 125.000 hectares que nous avons collectivement, pour toute la France, comme le dit le ministère. Et nous n’avons pas encore parlé des projets d’envergure régionale, ni des besoins fonciers des métropoles, villes moyennes, des bourgs centres !".
Enfer pavé de bonnes intentions
L’enveloppe ainsi réduite comme peau de chagrin, Michel Heinrich prédit des lendemains difficiles pour les élus locaux… et leurs concitoyens : "Il ne leur restera aucun foncier pour la décennie qui vient. À forces d’exonération multiples et cumulatives – les pistes cyclables, les projets de réindustrialisation, les grands projets d’intérêt national et européen, de transition écologique, l’agrivoltaïsme, toutes certainement pour de bonnes raisons –, les efforts de sobriété foncière vont se concentrer sur le logement, une politique déjà fragilisée par la crise du Covid, le renchérissement des matières premières et les premières tensions sur les disponibilités de foncier liées à la spéculation induite par le ZAN."
Des confettis jetés au hasard
La méthode semble autant l’ulcérer que le résultat : "Cette garantie universelle donne l’impression qu’on a jeté des confettis d’un hectare partout en France au détriment d’une véritable politique d’aménagement du territoire. Était-il si difficile de faire confiance à la capacité de dialogue des élus dans les territoires ? Ils savent pourtant élaborer des stratégies territoriales de transition à l’échelle des bassins de vie, mener des projets structurants, économiques, au sein des intercommunalités", s’emporte-t-il. Pour l’élu, "il est vraiment temps que la France retrouve des compétences et une vision d’aménagement du territoire, stratégique, et quitte son approche en tableur Excel, surtout quand visiblement, le mode addition n’est pas son fort et qu’elle a du mal à se projeter dans la mise en œuvre opérationnelle des lois qu’elle fait voter".