PLF 2011 - "Volet recettes" : les modifications votées par le Sénat
Parmi la série de modifications minutieusement apportées par les sénateurs lors de leur examen de la première partie - volet recettes - du projet de loi de finances (PLF) pour 2011, on notera le coup de pouce donné dans un large consensus aux collectivités qui luttent pour maintenir ou développer la présence de médecins en milieu rural. Sur proposition du groupe centriste (voir l'amendement), le financement apporté par les communes à la construction de maisons de santé sera ainsi éligible au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), dès lors que celles-ci se situent dans des zones de revitalisation rurale (ZRR) ou dans des territoires ruraux de développement prioritaire (TRDP). Aujourd'hui, cet avantage existe seulement pour les communes classées dans les zones déficitaires en offre de soins. Ce qui, aux yeux des sénateurs, est bien trop restrictif, d'autant que ce zonage est pour certains "dépassé". Malgré sa détermination à garder le cap de la réduction des déficits, le gouvernement s'en est remis à la "sagesse du Sénat". Quelques réserves sont venues de certains sénateurs qui, comme Eric Doligé, ont pointé l'absence d'étude préalable sur le coût de la mesure.
Un amendement du rapporteur général Philippe Marini attribue à l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) les 200 millions de recettes annuelles prévues pour la Société du Grand Paris entre 2011 et 2013. La contribution de 340 millions d'euros demandée par l'Etat aux HLM, qui avait suscité un tollé, est réduite d'autant. La taxe sur les plus-values immobilières qui était destinée à financer le Grand Paris est supprimée et remplacée par un panier de taxes. Cette mesure figurait dans le collectif budgétaire. Les sénateurs l'introduisent donc dans le projet de loi de finances pour 2011.
Le Sénat a adopté un autre amendement du rapporteur général, qui vise la répartition du produit des amendes de police. Le projet de loi de finances voté par les députés fige cette répartition : les collectivités obtiendraient 53% du produit et l'Etat 47%. Mais avec le développement du procès-verbal électronique, cette règle pourrait s'avérer peu favorable aux collectivités locales. L'amendement lui substitue donc une règle plus favorable (pour plus de détails sur cette disposition, voir ci-contre notre article "Une nouvelle clef de répartition du produit des amendes de police").
L'aide au relogement réformée
Par ailleurs, les sénateurs ont étendu le champ des bénéficiaires du fonds d'aide pour le relogement d'urgence (Faru) aux "établissements publics locaux ainsi qu'à certains groupements d'intérêt public compétents, par exemple les centres communaux d'action sociale" (CCAS) (voir l'amendement). Aujourd'hui, ces organismes ne bénéficient qu'indirectement de ce fonds créé par la loi de finances pour 2006 en vue du relogement des personnes perdant leur logement dans des circonstances exceptionnelles (incendie, inondation...). Il faut que la commune demande l'aide et la reverse aux CCAS, ce qui est relativement compliqué. Le Faru sera "plus opérationnel", a conclu le gouvernement, à l'origine de la mesure. En même temps, les sénateurs ont voté un prélèvement de 12 millions d'euros sur le Faru au profit de la dotation globale de fonctionnement (DGF) des collectivités locales (voir l'amendement). Les députés, qui ont été les premiers à décider ce prélèvement, avaient retenu un montant de 8 millions à la demande du gouvernement. Le prélèvement ne remettra pas en cause le Faru, puisqu'en cinq ans, les crédits du fonds n'ont été consommés qu'à hauteur de 1,5 million d'euros. L'opposition a toutefois dénoncé cette amputation, y voyant "une contradiction" à l'heure où l'extension des bénéficiaires pourrait avoir pour conséquence d'accroître les besoins.
La Chambre haute a aussi garanti la pérennité des conventions en cours entre les collectivités locales et l'Etat concernant le financement d'actions de prévention de la délinquance et d'aide aux victimes (voir l'amendement). La cause : l'utilisation du fonds interministériel pour la prévention de la délinquance (FIPD) pour le financement de la vidéosurveillance, qui connaît, comme l'on sait, un rapide développement. En commission, les sénateurs avaient décidé de ramener de 35 à 25 millions d'euros le prélèvement du produit des amendes forfaitaires "hors radars" affecté à ce fonds.
Financement des trains Corail
Conformément aux annonces faites par le président de la République, le 4 novembre dernier à Troyes, le gouvernement a amendé le dispositif budgétaire permettant de financer les "trains d'équilibre du territoire". Il a instauré une taxe de 75 millions d'euros sur le résultat de la SNCF (voir l'amendement). L'objectif est d'alléger la contribution financière des lignes à grande vitesse, sans modifier le schéma de financement (175 millions d'euros au total pour le secteur ferroviaire et 35 millions d'euros pour le secteur routier). L'opposition a dénoncé une décision qui va amener la SNCF à fermer les lignes de train Corail les moins rentables et obliger les conseils régionaux à trouver des palliatifs (voir ci-contre notre article "Une nouvelle clef de répartition du produit des amendes de police").
Des amendements de l'opposition ayant pour but d'accroître la compensation des départements pour les allocations sociales qu'ils versent ont été retoqués. Cependant, la Haute Assemblée a validé un amendement du gouvernement qui améliore les conditions dans lesquelles l'Etat compense onze départements au titre du RSA-socle majoré - qui correspond à l'ancienne allocation de parent isolé. Ces onze départements présentent des comptes dans lesquels la dépense au titre de cette allocation est "manifestement sous-évaluée", a reconnu le ministre du Budget.
Avec l'accord du gouvernement, le palais du Luxembourg a créé une taxe supplémentaire sur la Française des jeux de 24 millions d'euros par an entre 2011 et 2015 pour financer les projets de construction ou de rénovation des stades qui accueilleront l'Euro 2016 de football (lire l'amendement).
Les sénateurs ont voulu prêter secours aux communes qui ont engagé des projets d'éoliennes avant le 1er janvier 2010 mais qui, "pour des raisons souvent administratives", ont vu ou verront ces projets se réaliser bien plus tard (lire l'amendement). Les recettes que ces communes pouvaient attendre de leurs investissements ne seront peut-être pas au rendez-vous, compte tenu du remplacement de la taxe professionnelle par de nouveaux impôts. Les projets en question étant alors menacés (pour en savoir plus, voir ci-contre notre article "Le Sénat vote le budget consacré à l'écologie").
Enfin, on retiendra qu'au cours d'une seconde délibération, le gouvernement a fait annuler deux amendements de l'opposition adoptés le 24 novembre à un moment où la majorité s'était trouvée numériquement minoritaire dans l'hémicycle. Le premier augmentait de un milliard d'euros la dotation globale de fonctionnement. Quant au second, il majorait de 30 millions d'euros le produit des amendes radars affecté aux départements.
Une commission mixte paritaire devra trouver, le 13 décembre, une version commune à l'Assemblée nationale et au Sénat. D'ici là, les sénateurs auront achevé leur examen du second volet du PLF, entamé le 25 novembre. Un examen devant notamment, ce mardi 30 novembre, passer par le vote des crédits relevant des missions "relations avec les collectivités territoriales" et "politique des territoires".