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Grand Paris - Vers une autorité organisatrice du logement en Ile-de-France ?

A l'occasion du Salon de l'habitat francilien, organisé du 23 au 25 octobre 2012, élus et experts ont cherché à savoir si les 73 gares prévues dans le cadre du Grand Paris Express seraient des déclencheurs de développement urbain. Si la réponse est plutôt positive, l'organisation à mettre en place est plus incertaine. Pour la région Ile-de-France, il faudrait créer une autorité organisatrice du logement d'Ile-de-France.

Les gares prévues dans le cadre du Grand Paris Express seront-elles des déclencheurs d'urbanisation ? A l'occasion des Assises et du Salon de l'habitat francilien, organisés à Paris du 23 au 25 octobre 2012, élus et experts se sont interrogés sur le sujet. D'après Catherine Barbé, directrice de l'aménagement et de l'urbanisme de la Société du Grand Paris (SGP), les futures gares sont en effet un accélérateur de projets urbains. "Dans certains territoires, il y a des projets préexistants mais l'arrivée d'une gare les accélère comme dans le cas, à Villejuif, de la zone d'aménagement concertée (ZAC) Cancer Campus, où sans gare, il aurait été difficile d'imaginer un développement", a ainsi expliqué Catherine Barbé.
Les gares peuvent aussi jouer le rôle de développement dans des territoires, plus nombreux, où il y a peu d'études autour de l'urbanisation. "L'arrivée d'une gare dans ce cas peut provoquer des phénomènes de développement urbain", explique la responsable de la SGP.
Au total, Catherine Barbé évalue à 4.000 hectares le potentiel de mutation foncière autour des 73 gares prévues par le Grand Paris. Les élus sont conscients de ce potentiel de développement. D'après un sondage, publié au Journal du Dimanche et réalisé pour l'Association des maires d'Ile-de-France (Amif) en octobre, les trois quarts des élus interrogés pensent que le Grand Paris Express va favoriser la construction de logements en Ile-de-France. En revanche, ils sont seulement 29% à penser être réellement concernés sur leur territoire, dont 54% pour les villes de plus de 5.000 habitants.
"On travaille sur un projet exceptionnel, totalement innovant et comparable à ce que nous avons vécu avec la constitution du réseau RER, a signalé pour sa part Jean-Michel Paumier, membre des commissions "aménagement du territoire" et "transport" du conseil économique, social et environnemental de la région Ile-de-France (Ceser-IDF). Un projet unique qui va marquer le 21e siècle qui, en partant d'un projet de transport, va permettre d'améliorer l'environnement, l'emploi, l'habitat..." Les maires, eux, sont plus prudents. "C'est un défi magnifique, a signalé Claude Capillon, maire de Rosny-sous-Bois. Nous avons programmé 1.324 logements par an. Mais le problème c'est que le logement, c'est pour demain (entre deux et six ans), alors que pour le Grand Paris, le temps n'est pas le même." Même interrogation au conseil régional d'Ile-de-France. Pierre Serne, vice-président de la région Ile-de-France en charge des transports et des mobilités, explique ainsi que la région n'a pas attendu le Grand Paris pour lancer des chantiers.

"On ne peut pas continuer chacun dans son coin pour le logement"

"Avec ou sans Grand Paris, il faut travailler sur les transports, détaille-t-il, en fonction des besoins et des évolutions, on adapte le réseau..." Et dans certaines zones, il faut gérer l'entre-deux : accueillir les nouvelles populations avec les transports existants qu'il faut améliorer.
70.000 logements par an doivent être construits dans le cadre du Grand Paris. Mais quelle organisation est mise en place pour atteindre cet objectif ? Les contrats de développement territorial (CDT) sont normalement là pour ça. Ils permettent de définir les objectifs de construction de logements territoire par territoire. "Ils peuvent être considérés comme de bons outils de coordination mais il n'y a pas de financement à la clé", explique Pierre Serne. Une vingtaine d'accords-cadres, prémisses des CDT, ont été signés à l'heure actuelle, qui définissent les objectifs sans donner, en effet, d'engagements chiffrés de la part des parties prenantes. "On ne peut pas continuer chacun dans son coin pour le logement", insiste Pierre Serne, qui estime qu'une autorité organisatrice, en charge de coordonner et mettre en synergie tous les efforts dans ce domaine, prendrait toute sa logique.
Jean-Michel Paumier est du même avis. "Il faut traiter l'importante question du logement, a-t-il souligné durant le débat, et voir comment dans ces secteurs densifiés des gares on va réussir à réaliser les 70.000 logements par an prévus et nécessaires pour la population actuelle et son renouvellement. La question du logement devrait peut-être faire l'objet d'un traitement particulier, comme le transport, avec la constitution d'une autorité organisatrice."
L'idée de cette autorité est défendue par Jean-Paul Huchon, président du conseil régional d'Ile-de-France, et intégrée dans le nouveau schéma régional de développement de l'Ile-de-France (Sdrif) qui a été présenté le 25 octobre. "Aujourd'hui éclatée entre l'Etat, les communes, les intercommunalités, les départements et la région, la compétence logement fait intervenir une multiplicité d'acteurs sans chef de file, explique ainsi le Sdrif. Ce défaut de gouvernance n'est pas étranger à la crise francilienne du logement." Cette autorité organisatrice du logement (AOL) aurait pour vocation de travailler sur l'ensemble de la chaîne du logement. Elle serait "dotée d'une compétence générale de programmation sur l'ensemble de son territoire, et aurait pour objectif d'accroître la production de logements abordables en Ile-de-France, en privilégiant la coopération entre les acteurs, la mutualisation des interventions et la contractualisation", détaille le document.
Les maires concernés par le Grand Paris sont quant à eux plus sceptiques quant à la création d'une telle autorité, à l'image de Claude Capillon, qui a précisé qu'il ne fallait pas qu'elle dépossède les maires de leurs compétences en la matière…

Le milliard manquant, un vrai faux débat

Au-delà du logement, les gares pourraient aussi permettre le développement du commerce. Et d'après les données de Sophie Simonet, consultante en urbanisme et commerce, le potentiel de développement est réel. La consultante a fait état d'une mutation qui a en ce moment lieu dans ce domaine. Le modèle des centres commerciaux s'essouffle. Et côté commerce spécialisé, la Fédération pour l'urbanisme et le développement du commerce spécialisé (Procos) signale les premières chutes de chiffre d'affaires au niveau national (- 0,6% en cumul sur l'année à huit mois, contre +0,3% en 2011 et +2,3% en 2010). A l'inverse, les sites internet, type Amazon, Apple Store, progressent, tout comme les modèles qui mêlent commande sur internet et retrait sur place. Au milieu de cette mutation, les gares peuvent aider le commerce à tirer son épingle du jeu.
"Toutes les enseignes en gare ont un chiffre d'affaire deux à trois fois supérieur à celui des commerces de centre-ville, avec un taux de satisfaction des consommateurs très important", a détaillé Sophie Simonet, qui estime qu'il faut réfléchir à ce potentiel, les futures gares du Grand Paris Express devant accueillir entre 2.000 et 5.000 voyageurs par jour. "Pour chacune d'entre elles, il faudrait faire une étude au cas par cas, pour savoir quel type de commerce établir en priorité, mais de grâce n'oublions pas le commerce !", a-t-elle demandé.
Le potentiel de développement déclenché par les gares semble donc être bien là, mais reste à résoudre la question du financement. L'absence dans la loi de programmation budgétaire 2013-2015 du milliard d'euros qui devait constituer la première tranche de la dotation en capital de la SGP avait fortement fait réagir les élus, qui craignaient un coup d'arrêt du Grand Paris. Mais Pierre Serne explique que c'est un vrai faux débat. "Les travaux du Grand Paris vont commencer en 2014, donc d'ici là la SGP n'a pas de besoins financiers lourds. Pour l'instant, elle dispose de ressources fiscales propres, à hauteur de 500 millions d'euros par an, via la taxe spéciale d'équipement (TSE), qui est versée depuis deux ans. On arrive donc déjà à un milliard sur deux ans. L'Etat donnera ensuite au fur et à mesure."
Le rapport sur les coûts réels du Grand Paris, qui doit permettre de séquencer les travaux, devrait être rendu d'ici la deuxième quinzaine de novembre, permettant au gouvernement, d'ici la fin de l'année, de définir le plan de financement et le séquencement du projet.

 

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