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Ruralité - Vanik Berberian : les communes nouvelles ne peuvent être que "le fruit d'une décision de la population"

Le sentiment d'abandon exprimé lors des élections régionales pousse l'Association des maires ruraux de France à monter au créneau. Dans la perspective de 2017, elle entend interroger les futurs candidats à l'élection présidentielle sur leur "conception de l'aménagement du territoire", oublié selon elle de la réforme territoriale. "2016 sera l'année où l'on va mettre en évidence les incohérences de la loi Notr", prévient son président, Vanik Berberian.

La mise en application de la réforme territoriale "ne va pas être aussi simple que cela", a prévenu le président de l'Association des maires ruraux de France (AMRF), Vanik Berberian, lors de ses vœux à la presse, jeudi 28 janvier, au Sénat. "Il y a le principe de la loi et le principe de réalité." Un ton qui tranche avec l'optimisme affiché par François Hollande, lors de ses vœux aux territoires ruraux le 16 janvier à Tulle. Le président de la République s'était alors montré très satisfait de sa réforme territoriale : "Personne ne pensait que nous irions au bout. Nous y sommes", avait-il lancé, se félicitant notamment de la nouvelle carte intercommunale et du succès des communes nouvelles. "C'est à la demande des maires que ce processus [de fusion] a pu s'amplifier. Nous allons continuer à donner les incitations financières", avait déclaré le chef de l'Etat. Environ 300 communes nouvelles ont été créées à ce jour, regroupant un millier d'anciennes communes, sous l'effet de la loi du 16 mars 2015 relative à l'amélioration du régime des communes nouvelles qui a institué des incitations financières, notamment une majoration de la Dotation globale de fonctionnement (DGF). Le message porté par André Vallini, secrétaire d'Etat à la Réforme territoriale sur sa carte de vœux est dans la même veine : "2016 sera l'année… des communes nouvelles", peut-on y lire. Or pour le maire de Gargilesse-Dampierre (Indre), les communes nouvelles "ne sont pas le sujet" attendu par les élus. "Cela ne veut pas dire que les maires ruraux soient contre", a-t-il dit. Mais "la carotte financière est méprisante" et la commune nouvelle est "une décision éminemment historique" qui devrait être "le fruit d'une décision de la population et pas du conseil municipal", a-t-il souligné. Car, selon lui, les maires n'ont "pas pour mandat de décider de la vie ou de la mort de la commune". En l'état, la loi ne prévoit de ne consulter la population que s'il n'y a pas unanimité entre les communes concernées.

"23 millions d'habitants qu'on a tendance à mépriser"

Cette crainte se manifeste aussi avec la création des communautés d'au moins 15.000 habitants d'ici au 1er janvier 2017, comme le prévoit la loi Notr du 7 août 2015. "Il y a deux conceptions qui s'affrontent", a-t-il commenté : celle des maires ruraux pour qui l'intercommunalité est un moyen de "faire à plusieurs ce qu'on ne peut pas faire seul" et celle de l'ADCF (Assemblée des communautés de France) qui est "à terme, de remplacer la commune". "C'est une très grave erreur", a martelé l'élu. "La commune n'est pas qu'un périmètre administratif, c'est une communauté de citoyens. Or, on ne va pas s'attacher à une interco, c'est un outil", a-t-il mis en garde, rappelant les interventions unanimes lors de la grande réunion des maires au Palais des congrès, le 18 novembre 2015, dans le contexte des attentats : "Tout le monde a mis en évidence l'importance du maire." Dans l'élaboration des schémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI), certains préfets "font un zèle extraordinaire" et "regardent à la longue vue", a-t-il dénoncé.
"2016 sera l'année où l'on va mettre en évidence les incohérences de la loi Notr", a lancé Vanik Berberian, comme en écho à la carte de vœux du secrétaire d'Etat qu'il venait de rencontrer le matin même au sujet des normes (le secrétaire d'Etat aurait annoncé l'élaboration d'un "guide de bonne conduite"). Dans la perspective de 2017, l'AMRF entend interroger les candidats à l'élection présidentielle sur leur "conception de l'aménagement du territoire". Les élections régionales ont à ce titre constitué un "vrai traumatisme". "Il y a une prise de conscience que les ruraux sont exclus du champ général de la République. Ce sont 23 millions d'habitants qu'on a un peu tendance à mépriser. Les services publics ont un peu tendance à se réduire comme peau de chagrin." Vanik Berberian dénonce une "vision éminemment urbaine de notre société" centrée sur "la métropolisation". Le report en 2017 de la réforme de la DGF n'est selon lui qu'un leurre. "C'est vraiment prendre les gens pour des ânes", a-t-il même lâché.

"Les larbins de la République"

Interrogé sur le "bug" concernant la suppression des indemnités de certains présidents et vice-présidents de syndicats de communes (en passe d'être résolu par un amendement gouvernemental à la proposition de loi de Jean-Pierre Sueur examinée le 3 février au Sénat, voir ci-contre notre article du 27 février), Vanik Berberian a glissé vers les indemnités des maires. Afin de susciter des vocations dans les petites communes, la loi du 31 mars 2015 "visant à faciliter l'exercice, par les élus locaux, de leur mandat" oblige à appliquer l'indemnité maximale pour les maires de communes de moins de 500 et 1.000 habitants (soit respectivement 648 et 1.178 euros bruts par mois). Or certains élus se sont récemment plaints de cette mesure alors que, suite à leur élection en 2014, ils avaient décidé de baisser leur indemnité par mesure d'économie. Ils réclament d'appliquer le régime prévu pour les villes de plus de 1.000 habitants, permettant au conseil municipal de décider, à la demande du maire, d'une indemnité moindre. Selon le président de l'AMRF, ce débat relève de la "démagogie". "C'est à l'Etat d'assumer le coût de la démocratie. Car le maire est aussi le représentant de l'Etat." "Il y a une vraie disparité en matière d'indemnité (…) Les maires ruraux sont les larbins de la République", a-t-il dit, rappelant que les maires de grandes villes perçoivent pour leur part quelque 5.500 euros.

Dix mesures chocs

Et pourtant, Vanik Berberian veut croire que "dans ce paysage, il y a des lueurs". André Vallini aurait ainsi reçu de François Hollande la liste des "dix mesures chocs" que l'AMRF a formulées suite aux élections régionales. Le chef de l'Etat lui aurait demandé de "tout régler". Le président de l'AMRF fait de l'accès au très haut débit la première des priorités pour lutter contre le sentiment d'abandon. Il a également réclamé la mobilisation immédiate "de plusieurs milliers de médecins" et s'est félicité du déploiement des maisons de services au public. "1.000, c'est pas mal mais ce n'est pas suffisant."
 

 

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