Archives

Finances - Valeurs locatives, urbanisme... encore des réformes fiscales en vue !

Le ministre du Budget vient de présenter le projet de loi de finances rectificative pour 2010. Celui-ci pose notamment les principes de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels, qui entrera dans les faits en 2014, et engage la réforme de la fiscalité de l'urbanisme. Le fonds de soutien en faveur des départements en difficulté et le nouveau mécanisme de financement du Grand Paris font aussi partie de ce collectif budgétaire.

Le projet de loi de finances rectificative pour 2010 (PLFR 2010) - le quatrième de l'année - que le ministre du Budget a présenté en Conseil des ministres le 17 novembre, lance deux chantiers fiscaux d'importance pour les collectivités locales : l'un concerne la révision des valeurs locatives des locaux commerciaux et l'autre la fiscalité de l'urbanisme. Les élus locaux accueillent plutôt avec satisfaction ces deux réformes à l'élaboration desquelles ils ont été associés au cours de ces derniers mois.
Annoncée le 1er juillet dernier par François Baroin, la révision des valeurs locatives des 3 millions de locaux commerciaux est rendue nécessaire par l'obsolescence de valeurs cadastrales fondées sur des références de 1970. La multiplication d'actions contentieuses par les professionnels pousse le gouvernement à ajuster ces valeurs locatives à la réalité. La méthode employée pour les déterminer ne changera pas fondamentalement, le gouvernement ayant renoncé à une révision à chaque changement de propriétaire. Les valeurs locatives seront calées sur les prix du marché locatif. Elles seront calculées en fonction d'une grille tarifaire et de secteurs homogènes, ainsi que selon une classification en sous groupes et catégories de locaux. Les élus locaux disposeront d'un pouvoir décisionnel un peu accru pour fixer les évaluations.
La réforme se fera "à produit constant pour les collectivités territoriales", confirme le ministère du Budget. Les premiers travaux, qui seront réalisés dans cinq départements "tests" (Hérault, Bas-Rhin, Pas-de-Calais, Paris et Haute-Vienne) permettront de mieux cerner l'impact de la révision. Les constats alimenteront le rapport que le gouvernement devra remettre au Parlement avant le 30 septembre 2011. "Le cas échéant, le résultat des simulations permettra d'ajuster le contenu ou les modalités de la réforme, notamment les modalités de lissage des bases envisageables pour les années suivantes", commente Bercy. La réforme n'entrera dans les faits qu'en 2014. Elle concernera les locaux commerciaux, ainsi que ceux des professions libérales. Les valeurs locatives des 46 millions de logements des ménages pourraient être révisées dans une seconde phase. La réforme entend définitivement mettre un terme aux difficultés liées au vieillissement des valeurs locatives par la mise en place d'un système de mise à jour permanente.

Lutte contre l'étalement urbain

La réforme de la fiscalité de l'urbanisme a, quant à elle, pour objectif d'améliorer la lisibilité des dispositions existantes, principalement en remplaçant la taxe locale d'équipement (TLE) et la kyrielle de taxes et participations connexes par une taxe locale d'aménagement unique. Celle-ci serait établie "sur la construction, reconstruction, agrandissement des bâtiments et aménagements de toute nature nécessitant une autorisation d'urbanisme". Son assiette, plus simple, serait constituée par la valeur déterminée forfaitairement par mètre carré de la surface de la construction.
Comme pour la TLE, les communes et les groupements à fiscalité propre fixeraient le taux de la taxe dans une fourchette comprise entre 1 et 5%. Mais ils pourraient aussi pratiquer, s'ils le souhaitent, un taux différent par secteur de leur territoire. Ce taux pourrait, sous certaines conditions, être porté jusqu'à 20% dans certains secteurs. Avec cette taxe, les collectivités sont en principe assurées d'obtenir les mêmes ressources qu'avant la réforme, soit environ 1 milliard d'euros. Des ressources qui, comme auparavant, seront destinées à financer des équipements publics.
A côté de la taxe locale d'aménagement, les communes situées dans des "zones urbaines ou à urbaniser" auront la faculté de mettre en œuvre un versement pour sous-densité (VSD), dont les principes sont porteurs d'une "petite révolution", selon l'Assemblée des communautés de France. Les communes ou les groupements détermineront un seuil minimal de densité pour des secteurs, en deçà duquel les constructeurs devraient s'acquitter du versement pour sous-densité. La logique est donc complètement inverse de celle du versement pour dépassement du plafond local de densité, créé en 1975, qui doit disparaître.
La réforme de la fiscalité de l'urbanisme devrait "inciter à construire davantage de logements, tout en préservant les espaces agricoles et les espaces naturels et sensibles et en intégrant les exigences du développement durable", conclut le ministère du Budget. Elle s'appliquera aux demandes d'autorisation déposées à compter du 1er mars 2012.
La commission des finances de l'Assemblée nationale devrait examiner ce projet de loi de finances rectificative le 1er décembre prochain, pour une adoption finale avant la fin de l'année. En sachant que d'autres mesures de ce collectif budgétaire concernent les collectivités locales. Dont la mise en place du fonds exceptionnel de soutien en faveur des départements en difficulté financière, doté de 150 millions d'euros. Ce fonds sera alimenté par les excédents de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) et du fonds consacré au RSA activité. En sachant aussi qu'il pourrait être augmenté de dispositions supplémentaires pour donner suite au projet de loi de finances initiale que vient d'adopter l'Assemblée. Y compris, là encore, sur des sujets touchant aux finances locales. François Baroin a par exemple indiqué ce 18 novembre aux députés que la question du calcul de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) au niveau des groupes "doit être évaluée plus précisément avant son adoption" et leur a donc proposé de "travailler à cette évaluation d'ici au collectif."

Thomas Beurey / Projets publics

Un nouveau mécanisme de financement du Grand Paris

Le collectif budgétaire 2010 prévoit un nouveau mécanisme de financement des projets du Grand Paris, notamment pour la construction d'une double boucle de métro automatique dont le coût est estimé à 22,7 milliards d'euros.
Issu des préconisations formulées par Gilles Carrez dans son rapport du 30 septembre 2009 sur le financement du Grand Paris, le nouveau dispositif repose sur une refonte de la taxe sur les bureaux, locaux commerciaux et de stockage en Ile-de-France, due par les propriétaires, et sur la création d'une taxe spéciale d'équipement propre au Grand Paris. Concernant la taxe sur les bureaux, les changements apportés visent à augmenter son rendement en révisant son champ d'application, ses tarifs et son zonage sur une logique d'agglomération. Les tarifs bénéficieraient d'un rattrapage sur le niveau de l'indice des coûts de construction depuis 1999, année de leur dernière réévaluation. Le zonage serait modifié et se ferait par référence à "l'unité urbaine de Paris", avec application de tarifs géographiquement différenciés pour toutes les catégories de locaux imposables. La taxe serait en outre étendue aux surfaces de stationnement, à l'exception de celles de moins de 500 m2. "Le surcroît de recettes (…) bénéficierait à la Société du Grand Paris, ainsi qu'à la région Ile-de-France dans une moindre mesure. L'Etat conserverait la part qui lui est affectée par le canal du budget général, de même que l'UESL (Union d'économie sociale du logement)", indique le dossier de presse de présentation du PLFR 2010.
Par ailleurs, "afin de financer le réseau de transport public du Grand Paris", souligne ce document, le collectif budgétaire propose de créer une "taxe spéciale d'équipement spécifique, qui emprunterait la plupart de ses caractéristiques à la TSE perçue au profit des établissements publics fonciers". Y seraient assujetties "les différentes catégories de contribuables de l'ensemble de la région Ile-de-France (ménages, propriétaires et entreprises)".
Enfin, la taxe forfaitaire sur le produit de la valorisation des terrains nus et des immeubles bâtis, instituée par la loi n°2010-788 du 12 juillet 2010 relative au Grand Paris, serait supprimée.
Anne Lenormand