Urgence sanitaire : la commission des lois de l'Assemblée supprime l'exonération de responsabilité des élus et employeurs

En commission des lois, les députés ont supprimé la rédaction du Sénat sur l'exonération de responsabilité des élus et des employeurs pour des contaminations liées au coronavirus pendant l'état d'urgence sanitaire. Ils proposent de "tenir compte de l'état des connaissances scientifiques au moment des faits".

Après son adoption par le Sénat (voir nos articles ci-dessous des 4, 5 et 6 mai 2020), la commission des lois de l'Assemblée nationale a examiné et adopté à son tour, le 6 mai, le projet de loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions, présenté au conseil des ministres du 2 mai. L'examen du texte devait ensuite débuter ce jeudi à 15h en séance publique et se poursuivra jusqu'à tard dans la nuit, la commission mixte paritaire devant se réunir, en principe, dès vendredi 8 mai. Localtis reviendra sur le texte définitif dans sa prochaine édition.

Prolongation raccourcie et atténuation de responsabilité factice

En attendant, la commission des lois est restée, lors de sa réunion du 6 mai, globalement fidèle à la version du texte adoptée la veille par le Sénat. Elle est cependant revenue sur quelques-uns des amendements du Sénat mais a aussi, à son tour, modifié certains articles ou introduit des dispositions nouvelles. Sur les 397 amendements déposés, 23 ont ainsi été adoptés par la commission et figurent donc dans le texte discuté en séance publique.

L'article Ier proroge toutes les dispositions de la loi du 23 mars 2020 "d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19" (voir nos articles ci-dessous des 18, 23 et 25 mars 2020). Il faut rappeler en effet que le projet de loi en cours d'examen n'est pas un texte autonome, mais complète ou ajoute quelques dispositions à la loi initiale (voir notre article ci-dessous du 4 mai 2020).

Dans une concession faite à un amendement du Sénat, la commission des lois de l'Assemblée a conservé la date du 10 juillet pour l'échéance du deuxième acte de l'état d'urgence sanitaire (qui débutera le 23 mai), au lieu du 23 juillet qui figurait dans le texte initial du gouvernement. La prolongation de l'état d'urgence sanitaire pourrait donc être finalement d'un mois et demi au lieu de deux… sous réserve d'une troisième prolongation.

En revanche, les députés sont sur la même ligne que le Premier ministre sur la question de la responsabilité des élus et des employeurs. S'exprimant le 6 mai devant les sénateurs, lors de la séance des questions au gouvernement, Édouard Philippe – qui n'a pas manqué de rappeler qu'il a été maire du Havre – a expliqué qu'"à [ses] yeux, le dispositif actuel est bon", même s'il se dit "favorable à l'idée de préciser le droit existant, déjà très protecteur" (allusion à la loi , dite "loi Fauchon", du 10 juillet 2000 tendant à préciser la définition des délits non intentionnels). La commission des lois a donc supprimé la rédaction du Sénat (voir nos articles ci-dessous des 4 et 5 mai 2020) et adopté un amendement précisant que pour l'application de l'article 121-3 du Code pénal (imprudence, négligence ou manquement à une obligation de prudence), "il est tenu compte, en cas de catastrophe sanitaire, de l'état des connaissances scientifiques au moment des faits". Cette disposition ne modifie en réalité en rien l'ordre juridique, dans la mesure où les juges tiennent déjà compte depuis longtemps de l'état des connaissances scientifiques, comme on l'a vu dans diverses affaires sanitaires (amiante, sang contaminé, hormone de croissance...).

Garanties supplémentaires sur la détention provisoire et la gestion des cas contacts

Contrairement au Sénat, la commission des lois n'a pas supprimé intégralement les dispositions exorbitantes du droit commun sur la prolongation des détentions provisoires, mais les a aménagées en introduisant plusieurs garanties. Face aux inquiétudes sur la montée des violences intrafamiliales, elle a également introduit une disposition nouvelle imposant que les enfants victimes de violences ne puissent être amenés à vivre sous le même toit que l'auteur de ces violences dans le cadre de mesures de quarantaine ou d'isolement.

Sur la mise en place des enquêtes sur les cas contacts, la commission des lois est revenue sur le mode de rémunération des médecins généralistes. Si elle ne conteste pas les 55 euros envisagés par le directeur de la Cnam pour une consultation d'un patient Covid-19, elle a introduit un amendement précisant que "la collecte de ces données ne peut donner lieu à rémunération", alors qu'il était envisagé une rémunération de 2 euros pour chaque nom de personne contact et de 4 euros avec l'adresse.

La commission des lois a également introduit une disposition imposant l'anonymisation des données recueillies, lorsque celles-ci sont utilisées pour la surveillance épidémiologique aux niveaux national et local, ainsi que pour la recherche sur le virus et les moyens de lutter contre sa propagation. Enfin, elle a renforcé le contrôle du Parlement sur la question spécifique du traitement des données à caractère personnel, en renforçant notamment les obligations d'information sur les mesures prises par le gouvernement..

Références : projet de loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions (adopté par le Sénat le 5 mai 2020, examiné en séance publique par l'Assemblée nationale le 7 mai 2020).

 

 

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