L'"état d'urgence sanitaire" est déclaré
Le projet de loi présenté ce 18 mars en conseil des ministres vient autoriser la déclaration d'un "état d'urgence sanitaire" sur tout ou partie du territoire, avec des restrictions de libertés et des possibilités de réquisitions. Le volet "Mesures d’urgence économique et d’adaptation à la lutte contre l’épidémie de Covid-19" inclut une série de dispositions d'ordre social et de possibles dérogations aux règles de fonctionnement des collectivités locales, avec un champ d'application très large.
Le "projet de loi d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19" présenté ce mercredi 18 mars après-midi en conseil des ministres prévoit une longue série de mesures exceptionnelles, limitant pour certaines les libertés.
Il entend notamment autoriser la déclaration d'un "état d'urgence sanitaire" sur tout ou partie du territoire métropolitain et en outre-mer "en cas de catastrophe sanitaire, notamment d'épidémie mettant en jeu par sa nature et sa gravité, la santé de la population", selon le texte ayant circulé mercredi de source parlementaire (à télécharger ci-dessous). Ceci, sur le modèle de l'état d'urgence déjà prévu par la loi et activé notamment à la suite des attentats de 2015.
Cet état d'urgence sanitaire sera déclaré par décret en conseil des ministres après l'adoption du projet de loi. Sa prorogation au-delà de douze jours ne pourra être autorisée que par la loi et cette loi autorisant la prorogation au-delà de douze jours de l'état d'urgence sanitaire "fixe sa durée définitive".
L'Assemblée nationale et le Sénat seront informés "sans délai" des mesures prises pendant cet état d'urgence. Concrètement, le Premier ministre, Édouard Philippe, pourra prendre par décret "les mesures générales limitant la liberté d'aller et venir, la liberté d'entreprendre et la liberté de réunion et permettant de procéder aux réquisitions de tout bien et services nécessaires afin de lutter contre la catastrophe sanitaire", détaille le texte. Ces mesures sont "proportionnées aux risques encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu", et "il est mis fin sans délai aux mesures (...) dès lors qu'elles ne sont plus nécessaires", est-il précisé.
La déclaration de l’état d’urgence sanitaire donne en outre "pouvoir au ministre de la Santé de prescrire par arrêté motivé toutes les autres mesures générales et les mesures individuelles visant à lutter contre la catastrophe". Lorsque les mesures ne doivent s’appliquer que "dans un champ géographique qui n’excède pas le territoire d’un département", ces mesures peuvent être prises par le préfet de département, après avis du directeur général de l’agence régionale de santé.
Collectivités : dérogations sur le fonctionnement et les compétences
Ce même projet de loi comprend deux autres volets. Le premier porte sur les "dispositions électorales", autrement dit sur le report du second tour des élections municipales (voir notre article dédié dans notre édition du jour).
Le deuxième (titre III du projet de loi), intitulé "Mesures d’urgence économique et d’adaptation à la lutte contre l’épidémie de Covid-19", prévoit que le gouvernement est habilité à prendre par ordonnances une série de mesures pour soutenir les entreprises et notamment "limiter les cessations d'activité" et les licenciements. Sont ainsi prévues des mesures de "soutien à la trésorerie", "d'aide directe ou indirecte" et de facilitation du recours à l'activité partielle (sur ces mesures liées à l'économie, voir là aussi notre article dédié).
Mais ce titre III comprend aussi d'autres dispositions. Y figure ainsi la possibilité de prolonger pour une durée de six mois, la validité des titres de séjour des étrangers en situation régulière. Sont concernés les "visas de long séjour, titres de séjour, autorisations provisoires de séjour, récépissés de demande de titre de séjour" ainsi que les "attestations de demande d'asile qui ont expiré entre le 16 mars et le 15 mai 2020". Également prévue, l'adaptation de certaines dispositions en matière de justice, dont la possibilité d'intervention à distance d'un avocat par exemple pour la prolongation d'une garde à vue.
On y trouve par ailleurs une série de dispositions d'ordre social, dont la possibilité d'étendre à "titre exceptionnel et temporaire" le nombre d'enfants qu'un assistant maternel agréé est autorisé à accueillir simultanément. Ou encore la possibilité d'adapter les conditions d'ouverture ou de prolongation des droits ou de prestations aux personnes en situation de handicap, aux personnes en situation de pauvreté, notamment les bénéficiaires de minima et prestations sociales, et aux personnes âgées. Il s'agit aussi de permettre aux établissements et services sociaux et médicosociaux "d’adapter les conditions d’organisation et de fonctionnement de l’établissement ou du service et de dispenser des prestations ou de prendre en charge des publics destinataires figurant en dehors de leur acte d'autorisation".
Enfin, le texte prévoit la possibilité de déroger aux règles de fonctionnement et de gouvernance des collectivités territoriales et des établissements publics locaux pour "assurer la continuité de fonctionnement des institutions locales et de l’exercice de leurs compétences".
Il pourra s'agir des règles régissant : "leurs assemblées délibérantes et leurs exécutifs", "les délégations que peuvent consentir ces assemblées délibérantes à leurs exécutifs", "l’exercice de leurs compétences par les collectivités locales" ; l’adoption et l’exécution des budgets (ainsi que la "communication des informations indispensables à leur établissement prévues par le code général des collectivités territoriales"), les dates limites d’adoption des délibérations relatives au taux, au tarif ou à l’assiette des impôts directs locaux. Et, enfin, "les règles applicables en matière de consultations et de procédures d’enquête publique ou exigeant une consultation d’une commission consultative ou d’un organe délibérant d’une collectivité territoriale ou de ses établissements publics". La portée de ce projet de loi est donc potentiellement très large pour les collectivités.