Union européenne : la lente marche vers l’économie circulaire
Dans un rapport publié ce 3 juillet, la Cour des comptes européenne constate que les progrès des États membres en matière d’économie circulaire restent lents, trop même pour espérer atteindre les objectifs fixés en 2030. Elle déplore que les financements soient en grande partie utilisés pour la gestion des déchets, au détriment de la conception et des processus de production.
Le cercle vertueux de l’économie circulaire peine à se mettre en mouvement dans l’Union européenne, déplore la Cour des comptes dans un rapport publié ce 3 juillet. Examinant les résultats des plans d’action pour une économie circulaire (PAEC) lancés par la Commission européenne en 2015, puis en 2000 (la Commission a présenté en mars 2022 un nouveau paquet – voir notre article), la Cour relève que les États membres accordent "davantage d’attention à l’économie circulaire". Elle note ainsi que la quasi-totalité des États membres disposent désormais d’une stratégie en la matière. En revanche, elle considère que "peu d’éléments attestent de l’efficacité des mesures du PAEC 1". "Les progrès sont lents" et ne permettent pas d’envisager d’atteindre l’objectif d’un doublement en 2030 du "taux de circularité" moyen de 2020 (11,8% à l’époque), conclut-elle. Les résultats récents n’invitent effectivement guère à l’optimisme. Entre 2015 et 2020, ce taux n’a augmenté que de 0,5 point de pourcentage. Pis, il régresse depuis (11,7% en 2021). On relèvera qu’avec une progression de près de 19,8% de son taux entre 2015 et 2021, la France se classe sur le podium des bons élèves, derrière les Pays-Bas (+33,8%) et la Belgique (+20,5%).
Financements considérables, mais mal orientés
Les financements, une fois de plus, ne manquent pourtant pas. La Cour les qualifie même de "considérables". Il est vrai qu’entre 2016 et 2020, plus de 10 milliards d’euros étaient prévus. L’essentiel l’était dans le cadre des fonds de la politique de cohésion, Feder en tête. La Cour estime toutefois que la Commission et les États membres ne les ont "pas orientés efficacement", en privilégiant l’aval au détriment de l’amont. Elle déplore ainsi leur "faible utilisation" pour les projets de conception des produits, observant que "75% des 7,1 milliards d’euros de dépenses prévues en faveur de l’économie circulaire au titre des fonds de la politique de cohésion étaient liés à la mise en œuvre de la législation sur les déchets". Un constat qui ne devrait pas laisser insensible l’association Amorce, qui n’a de cesse de déplorer "une économie circulaire à deux vitesses, sans marge de manœuvre pour les collectivités, beaucoup plus souple à l’égard des metteurs sur le marché et des éco-organismes" (voir notre article du 14 octobre 2021). Son délégué général, Nicolas Garnier, appelait d’ailleurs il y a peu la Commission européenne "à se concentrer davantage sur les produits à l’intérieur des emballages, très peu réglementés" que sur les emballages eux-mêmes (voir notre article du 2 décembre 2022).
Des corrections insuffisantes
Deux bémols pourraient toutefois inviter à davantage d’optimisme… s’ils n’étaient pas eux-mêmes à relativiser.
D’abord, la Cour relève que dans les trois États membres qu’elle a examinés (Irlande, Pays-Bas et Pologne), les programmes opérationnels avaient été adoptés avant la publication du PAEC 1. Mais, note-t-elle, si la programmation 2021-2027 met davantage l’accent sur l’économie circulaire, "les États membres peuvent toujours choisir de consacrer une grande part des financements de l’UE à la gestion des déchets plutôt qu’à leur prévention grâce à une conception circulaire", alors que son potentiel "en matière de réduction de l’incidence sur l’environnement est moindre".
Ensuite, la Cour concède qu’elle n’a "pas été en mesure de recenser facilement les projets financés par le Feder liés à la conception circulaire". Certains pourraient donc être passés "sous le radar". Mais la Cour note dans le même temps que l’incidence des fonds prévus dans le cadre d’Horizon 2020 (le programme de financement de la recherche et de l’innovation de l’UE, désormais baptisé Horizon Europe) en faveur de l’économie circulaire "a été limitée", moins de la moitié de l’investissement prévu ayant été sollicité. Pis, "les solutions de recherche auxquelles il a abouti présentaient un niveau de maturité relativement faible, ce qui a compliqué leur déploiement immédiat par les entreprises".
De manière plus large, la Cour déplore le fait que "le cadre de suivi de la Commission présente des faiblesses". Singulièrement en ce qu’il "n’a pas pleinement pris en considération l’ensemble des aspects essentiels et ne comportait pas d’indicateurs spécifiques relatifs à la conception circulaire des produits". Mais là encore, si ce cadre est en cours de réexamen, la Cour considère qu’en l’état, le projet ne remédie pas aux faiblesses observées. En matière d’économie circulaire, si la route n’est pas droite, la pente est assurément forte.