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Institutions - Une réforme marginale pour les collectivités

La réforme des institutions adoptée en Congrès n'aura au final qu'une incidence limitée sur les collectivités, au-delà des nouvelles dispositions concernant notamment le Sénat, l'outre-mer ou encore l'exercice des mandats locaux.

Le Parlement réuni en Congrès à Versailles a adopté ce 21 juillet le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Cinquième République. Certaines modifications du texte constitutionnel intéressent directement les collectivités territoriales et les élus locaux, même si les réformes adoptées sur ce sujet se révèlent au final nettement moins nombreuses que celles proposées au fil des débats parlementaires.
Ont ainsi été évoquées, avant d'être écartées, la refonte du mode d'élection des sénateurs, la prise en compte de la population des collectivités territoriales dans le corps électoral et la répartition des sièges de la Chambre Haute, ou encore l'évaluation des finances locales par le Parlement. D'autres amendements proposaient par exemple la suppression de la priorité d'examen au Sénat des textes intéressant les collectivités territoriales, le droit de vote des étrangers aux élections locales ou l'inclusion des EPCI à fiscalité propre dans la liste des collectivités territoriales.

 

Dispositions générales : référendum, défenseur des droits et langues régionales...

L'article 11 de la Constitution définit dorénavant la possibilité et les conditions d'organisation d'un référendum d'initiative populaire et parlementaire, requérant la réunion des voix d'un cinquième des membres du Parlement et le soutien d'un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. Cette initiative prend la forme d'une proposition de loi qui, si elle n'a pas été examinée par les deux assemblées dans un délai de deux mois, sera soumise à référendum par le président de la République.
Est également institué, par l'insertion d'un titre XI bis, un "défenseur des droits", dont la mission sera de veiller au "respect des droits et libertés par les administrations de l'Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics ainsi que par tout organisme investi d'une mission de service public". Toute personne s'estimant lésée par le fonctionnement d'un service public pourra saisir ce défenseur, qui peut également se saisir d'office. Nommé par le président de la République pour un mandat de six ans non-renouvelable, il remplacera l'actuel médiateur de la République et se verra également confier d'autres attributions actuellement réparties entre diverses autorités. Ses attributions précises, cependant, ainsi que les modalités d'intervention de cette nouvelle autorité seront ultérieurement fixées par une loi organique.
Les langues régionales voient par ailleurs leur rôle reconnu constitutionnellement, quoique de façon surtout symbolique. Le titre XII, consacré aux collectivités territoriales, est ainsi augmenté d'un article 75-1 disposant que ces langues "appartiennent au patrimoine de la France." Rappelons qu'avait été proposée, lors des débats au Parlement, que la reconnaissance des langues régionales soit inscrite dans l'article 2 du texte constitutionnel (lire ci-contre : "L'Assemblée nationale introduit les langues régionales dans la Constitution")

 

Sénat

Le quatrième alinéa du nouvel article 24 fixe à 348 le nombre maximal de membres du Sénat. L'alinéa suivant étend par ailleurs à l'Assemblée nationale la représentation des Français établis hors de France, qui n'est dès lors plus assurée par le seul Sénat. En vertu du nouvel article 39 de la Constitution, la Chambre Haute perd également la priorité obligatoire d'examen des projets de loi relatifs aux instances représentatives des Français établis hors de France. Le Sénat conserve en revanche la priorité d'examen des textes ayant pour principal objet l'organisation des collectivités territoriales, selon une disposition introduite en 2003 sous le gouvernement Raffarin. 
Il est ajouté à l'article 25 un alinéa ainsi rédigé : "Une commission indépendante, dont la loi fixe la composition et les règles d'organisation et de fonctionnement, se prononce par un avis public sur les projets de texte et propositions de loi délimitant les circonscriptions pour l'élection des députés ou modifiant la répartition des sièges de députés ou de sénateurs."
L'article 34 de la Constitution, qui délimite le domaine de la loi, est également modifié. Le huitième alinéa dispose maintenant que la loi règle le régime électoral des assemblées parlementaires, des assemblées locales "et des instances représentatives des Français établis hors de France ainsi que les conditions d'exercice des mandats électoraux et des fonctions électives des membres des assemblées délibérantes des collectivités territoriales." Dans un communiqué du 22 juillet, Jean Puech, président de l'Observatoire de la décentralisation et sénateur à l'origine de l'amendement en ce sens adopté fin juin, se félicite que la réforme du texte constitutionnel "consacre la place de l'élu local dans nos institutions".

 

Outre-mer

Plusieurs modifications de la Constitution concernent enfin les collectivités d'outre-mer (COM) et la Nouvelle-Calédonie. Par le nouvel article 72-3, Saint-Barthélemy et Saint-Martin, devenues collectivités d'outre-mer depuis la loi organique du 21 février 2007, quittent le statut de collectivités d'outre-mer à organisation transitoire. Ce même article ajoute Clipperton aux terres dont la loi détermine le régime législatif et l'organisation particulière. Cette disposition ne concernait jusqu'à aujourd'hui que les Terres australes et antarctiques françaises.
L'article 73 disposait que dans les départements et régions d'outre-mer, les lois et règlements peuvent faire l'objet d'adaptations "tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités", adaptations qui peuvent être décidées par ces collectivités elles-mêmes dans les matières où s'exerce leur compétence et sous condition d'habilitation par la loi. Ces collectivités peuvent également fixer des règles applicables sur leur territoire dans un nombre limité de matières relevant du domaine de la loi, sous la même condition d'habilitation par la loi. Dorénavant, ces habilitations pourront être décidées par règlement, et les départements et régions d'outre-mer pourront édicter des règles dans un certain nombre de domaines relevant du règlement.
Dernière modification : le premier alinéa de l'article 74-1 autorise le gouvernement à adapter par ordonnances, dans les COM visées à l'article 74 du texte constitutionnel et en Nouvelle-Calédonie, "les dispositions de nature législative en vigueur en métropole à l'organisation particulière de la collectivité concernée", sous réserve que la loi n'ait pas expressément exclu le recours à cette procédure pour les dispositions en cause.

 

Aurélien Fabre