Finances - Bras de fer entre l'Assemblée nationale et le Sénat sur la dépense fiscale
Le 30 juin, l'Assemblée nationale introduisait, dans le projet de loi de règlement des comptes pour l'année 2007, un article 10 prévoyant qu'est jointe au projet de loi de finances de l'année une annexe récapitulant les dispositions relatives aux règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature adoptées depuis le dépôt du projet de loi de finances de l'année précédente : il s'agirait donc d'un "jaune" budgétaire particulier. Cette annexe doit préciser, pour chacune de ces dispositions, la loi qui l'a créée, son objet, la période pendant laquelle il est prévu de l'appliquer et son effet, pour l'année de son entrée en vigueur et les trois années suivantes, sur les recettes de l'Etat, des collectivités territoriales et des autres personnes morales bénéficiaires. Toutefois, le 8 juillet, examinant en première lecture ce texte, le Sénat a adopté un amendement de Philippe Marini, supprimant cette disposition, contre l'avis du gouvernement. Le motif avancé par le Sénat est discutable. Il tient à l'inconstitutionnalité de la disposition de l'Assemblée nationale : selon le sénateur, seule une loi organique pourrait comporter une disposition prescrivant la jonction d'une annexe à la loi de finances.
Il pourrait plutôt s'agir, de la part du Sénat, d'une mesure de rétorsion préventive, la Haute Assemblée ayant compris que l'Assemblée nationale s'apprêtait, le lendemain, à ne pas retenir, cette fois dans le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions, son idée de prévoir la validation, par la loi de finances, des modifications fiscales opérées dans l'année, sans laquelle ces dernières ne pourraient entrer en vigueur.
C'est, d'ailleurs, ce qui s'est passé. Le 9 juillet, l'Assemblée nationale supprimait, à l'initiative de Jean-Luc Warsmann, rapporteur du texte, l'alinéa 4 ter de l'article 11 du projet de loi constitutionnelle, au motif, très politique, que cette validation obligatoire en loi de finances serait "préjudiciable à une action rapide du législateur". Le bras de fer devra trouver sa conclusion dans les jours à venir, le Congrès devant être convoqué le 21 juillet pour adopter définitivement le projet de loi constitutionnelle, parallèlement à l'adoption du projet de loi de règlement des comptes. Mais comme l'affirmait Eric Woerth au Sénat, juste avant que ce dernier ne supprime la création de l'annexe dédiée à la dépense fiscale : "Je ne sais quel sera le destin de la position du Sénat dans la réforme constitutionnelle, mais à supposer qu'elle prospère, vous aurez en tout état de cause besoin de faire le point dans un document résumant les dépenses fiscales et sociales"...
Philippe Bluteau, avocat / Cabinet de Castelnau