Cour des comptes - Une recomposition du paysage hospitalier "inachevée et imparfaite"
La Cour des comptes n'est pas convaincue par la façon dont sont menées les restructurations hospitalières. Dans son rapport public annuel 2013, elle juge ainsi la recomposition du paysage hospitalier "inachevée et imparfaite". Une position qui rejoint celle de l'Inspection générale des affaires sociales, dans son récent rapport sur le bilan de quinze années de restructurations hospitalières (voir notre article ci-contre du 31 juillet 2012). Mais là où l'Igas développait une approche "macroéconomique" en passant en revue les résultats chiffrés de l'ensemble des opérations menées, la Cour des comptes adopte une approche "microéconomique", en analysant trois opérations. Il s'agit en l'occurrence de restructurations "identifiées à l'occasion de contrôles récents effectués par les chambres régionales des comptes : les hôpitaux de Perpignan dans les Pyrénées-Orientales (1.151 lits), du Nord-Deux-Sèvres dans les Deux-Sèvres (316 lits) et d'Albertville-Moutiers en Savoie (544 lits)".
Cet angle différent n'empêche pas des constats communs. Ainsi, le rapport relève le manque de préparation des objectifs, qui nuit à la mise en œuvre de l'opération projetée. La très longue gestation des projets - entre dix et vingt ans pour rendre les arbitrages nécessaires - pèse également sur l'efficacité de l'opération. Cette lenteur favorise aussi les "atermoiements", les changements de programmes et les erreurs de conception. La cour souligne toutefois que "ces retards et ces hésitations dans le contenu même des projets ne sont pas imputables aux seuls établissements, mais aussi aux tutelles : les agences régionales et les autorités ministérielles".
Ces hésitations et ces retards dans la conduite des projets conduisent inévitablement à des surcoûts et à des difficultés de financement, "qui risquent de peser longtemps sur l'équilibre budgétaire des établissements sans que l'offre de soins ait été améliorée". L'enveloppe financière de la restructuration - et de la reconstruction - de l'hôpital de Perpignan est ainsi passée de 95 millions d'euros en 1995 à 190 millions en 2012. Les changements de programmes ont également conduit à des dépenses en pure perte : 4,8 millions d'euros pour dédommager des architectes entre 1995 et 1999, 9,96 millions d'euros d'indemnisation des entreprises pour retard...
Une offre de soins qui reste inadaptée
Plus grave : l'offre de soins reste toujours inadaptée à l'issue des opérations étudiées. Le rapport évoque ainsi "un véritable contresens au regard des normes d'hospitalisation" dans le cas de Perpignan, avec l'absence d'étage dédié aux circuits logistiques. Dans la Tarentaise, l'activité du nouvel établissement demeure "stagnante en chirurgie et surtout saisonnière car liée aux sports d'hiver". Mais surtout, "Dans un contexte de proximité avec deux très importants centres hospitaliers généraux (Chambéry et Annecy) et un centre hospitalier régional et universitaire (Grenoble), ce projet n'améliore en rien l'efficience de l'organisation des soins dans la vallée de la Tarentaise, alors même que le centre hospitalier de Bourg-Saint-Maurice a été maintenu grâce à des dotations exceptionnelles compensant une activité insuffisante".
Alors que la T2A (tarification à l'activité) met de plus en plus en évidence une offre excédentaire par rapport aux besoins tout en révélant l'insuffisance de l'activité de certains établissements, la Cour des comptes "persiste dans ses recommandations de 2008 visant à relancer et à rationaliser les plans de restructuration". Elle demande également une redéfinition des projets existants qui n'apparaissent pas aujourd'hui satisfaisants et recommande aux pouvoirs publics de s'assurer que "les projets de restructurations hospitalières dégagent effectivement toutes les économies de fonctionnement dont elles offrent la possibilité".