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Offre de soins - Restructurations hospitalières : beaucoup de bruit pour pas grand-chose ?

L'Inspection générale des affaires sociales (Igas) dresse le bilan de quinze années de fusions entre établissements hospitaliers. Si elles soulèvent parfois de vives réactions des élus et des populations locales, ces opérations ne sont pourtant pas si nombreuses. N'obéissant pas toujours à une stratégie très claire, elles ne sont pas non plus une solution universelle.

Dans un rapport de près de 300 pages intitulé "Fusions et regroupements hospitaliers : quel bilan pour les quinze dernières années ?", l'Igas établit un bilan à la fois quantitatif et qualitatif des fusions intervenues dans les établissements publics de santé (EPS) au cours de cette période. Celles-ci semblent en effet avoir connu une accélération depuis la fin des années 1980 sous l'effet de différents facteurs. La pression de la démographie médicale des spécialistes - autrement dit la difficulté à recruter certaines spécialités - a pu jouer un rôle incitatif, même si le rapport relève que "les régions les plus sous-dotées en médecins ne sont pas forcément celles où il y a eu le plus de restructurations (cf. Picardie ou Champagne-Ardenne)". Il en est de même pour la pression croissante des gardes et astreintes, plus faciles à mutualiser dans les structures importantes. L'Igas cite également la concurrence entre l'hôpital public et les cliniques, qui a joué essentiellement en chirurgie, secteur dans lequel ces dernières sont les plus dynamiques.

Rigueur pour l'obstétrique, flottements pour la chirurgie et la médecine

Mais c'est sans doute la politique des pouvoirs publics qui a joué le rôle le plus important, même si ses interventions ont porté davantage sur les fermetures ou conversions d'activités que sur les fusions d'établissements. Ceci est particulièrement vrai en obstétrique - l'une des trois disciplines de court séjour -, profondément transformée par les différents plans Périnatalité. Afin de renforcer la sécurité des accouchements en les concentrant dans des services présentant une activité et un équipement suffisants, le nombre de maternités est passé de 1.369 sites en 1975 à 554 en 2008 (sans que cela remette en cause, le plus souvent, le maintien de l'hôpital concerné). En revanche, les pouvoirs publics se sont montrés "beaucoup plus ambivalents" dans le secteur de la chirurgie - un quart des blocs opératoires ont un temps d'ouverture trop faible - et la restructuration reste quasiment inexistante en médecine, à l'exception de la cancérologie.

Des fusions très inégalement réparties sur le territoire

S'appuyant notamment sur les chiffres publiés il y a près de quatre ans par Dexia dans son étude sur le même sujet (voir notre article ci-contre du 21 janvier 2009), l'Igas dénombre 90 fusions entre EPS réalisées ou programmées entre 1995 et 2015 (la liste détaillée est fournie en annexe 10 du rapport). Ce chiffre signifie qu'en quinze ans, 9% des EPS ont fusionné entre eux. Le rapport relève au passage qu'il n'existe pas de suivi centralisé de ces fusions, ce qui "constitue un vrai handicap pour les acteurs nationaux de la gestion hospitalière". L'Igas précise d'ailleurs que "la mission ne peut pas affirmer que cette base constitue un recensement exhaustif de toutes les fusions hospitalières de ces dernières années [...]". Ces fusions ont atteint un pic à la fin des années 1990 (12 opérations recensées en 2000), puis ont "connu un coup d'arrêt à partir de 2001", pour s'établir entre 3 et 8 par an. Compte tenu du délai nécessaire à la concrétisation d'une fusion, le pic de la fin des années 1990 correspond à l'aboutissement des opérations initiées par les agences régionales de l'hospitalisation (ARH) dès leur création en 1996.
En termes de typologie, il apparaît que les établissements privés - et notamment les cliniques - sont davantage touchés par les fusions que les EPS : par exemple, le nombre de cliniques a baissé de 8% entre 2003 et 2008, contre seulement 1,4% pour les EPS. En revanche, ces derniers sont davantage touchés en termes de lits, compte tenu de leur taille moyenne plus importante.

Fusions, absorptions, restructurations...

Les fusions n'impliquent le plus souvent que deux établissements, avec une surreprésentation des petits centres hospitaliers. De plus, les fusions hospitalières se font rarement entre égaux. Si 14% d'entre elles sont jugées égalitaires par l'Igas et 27% "relativement égalitaires", 55% des fusions sont inégalitaires et correspondent souvent, de facto, à des absorptions.
Enfin, la répartition géographique des fusions est, elle aussi, très inégalitaire. Entre 1995 et 2011, trois régions n'ont ainsi connu aucune fusion : Alsace, Centre et Nord-Pas-de-Calais. A l'inverse, Rhône-Alpes a connu 12 fusions (contre seulement 3 en Paca), l'Ile-de-France 11, Pays de la Loire 10 et la Bretagne 9. Ainsi que le relève le rapport, "il n'y a aucun lien entre le nombre de fusions observées et la taille de la région, mesurée en nombre d'EPS comme en nombre d'habitants, ni entre le nombre de fusions observées et le taux d'équipement hospitalier des régions".
La fusion n'est toutefois que la forme la plus extrême et la plus symbolique de la restructuration. L'étude de Dexia, reprise par l'Igas, recensait ainsi 1.146 "opérations de recomposition" entre 1995 et 2005. Celles-ci recouvrent notamment les conversions de services ou d'activité (426 opérations sur la période), les extensions d'activité de court séjour (75), les coopérations formalisées (99), les regroupements sur un même site (64)...

Un bilan qualitatif très mitigé

Si l'impact quantitatif des fusions n'est pas négligeable, le bilan qualitatif de ces opérations établi par l'Igas semble pour le moins mitigé, même si le rapport prend soin de préciser que "la lenteur des processus d'optimisation post-fusion limite la capacité à mesurer son impact direct sur l'efficience du nouvel ensemble".
L'Igas relève notamment que "les fusions hospitalières sont présentées comme des leviers de restructuration, mais l'intérêt théorique de ces opérations est loin d'être uniformément démontré". Tout d'abord, si des économies d'échelle peuvent naître d'une montée en taille, il apparaît néanmoins assez rapidement un seuil au-delà duquel les inconvénients liés à la taille l'emportent sur les avantages. L'Igas en veut notamment pour preuve que "les derniers éléments sur la rentabilité économique des EPS montrent que le degré de bonne santé économique des hôpitaux publics semble inversement proportionnel à leur taille, tant en niveau absolu qu'en fonction de la proportion d'établissements de la catégorie en déficit". Les taux de rentabilité les plus élevés s'observent ainsi chez les hôpitaux locaux (2,3% de rentabilité) et les petits centres hospitaliers (0,9%). Ces établissements sont également ceux qui affichent le plus faible taux de structures déficitaires.
Par ailleurs, l'Igas relève que "certains facteurs compromettent dès l'origine un rapprochement entre deux structures : un temps de trajet trop important entre elles, des bassins de vie trop différents, l'absence de complémentarité dans leurs activités ; les fusions entre hôpitaux de grande taille paraissent particulièrement délicates, notamment lorsque les hôpitaux sont de taille relativement équivalente". L'Igas considère également que les acteurs doivent savoir saisir les "faits générateurs", autrement dit les "moments critiques" nécessitant des décisions stratégiques : évolution de la concurrence locale, décision majeure d'investissement, départ d'une compétence rare... Elle observe enfin que "l'implication des responsables est déterminante pour assurer la conduite du projet de fusion". L'agence régionale doit assumer clairement son rôle de régulateur - notamment auprès des élus et du corps médical -, tandis qu'une fois la fusion décidée, les directeurs d'établissement et les représentants de la communauté médicale ont un rôle de premier plan, notamment auprès des personnels.
Mais les fusions pêchent aussi au niveau national. L'Igas estime ainsi que "les orientations de la politique nationale en matière de restructurations hospitalières manquent de clarté". Elle juge en effet que les objectifs définis au niveau national restent "généraux et peu opérationnels". Les restructurations sont en effet une question peu abordée par les schémas régionaux de l'organisation des soins (Sros).
Conclusion logique : "Les fusions ne peuvent pas être l'unique outil des restructurations hospitalières". "Opérations lourdes, longues et aux résultats incertains, les fusions doivent être réservées aux situations pour lesquelles elles apportent une réponse véritable, ce qui est loin d'être le cas pour tous les établissements confrontés à la nécessité de se restructurer".

Les restructurations ne sont pas terminées

Pour autant, le temps des restructurations et des fusions est loin d'être achevé. L'Igas rappelle ainsi que "si le mouvement de restructuration paraît quasiment terminé dans le secteur de l'obstétrique, il est loin d'être achevé dans le secteur de la chirurgie, et n'en est qu'à ses balbutiements en médecine. Les évolutions nécessaires exigeront des évolutions profondes dans le fonctionnement des EPS ; dans certains cas, c'est leur existence même qui est remise en cause".
Pour s'y préparer, le rapport de l'Igas formule un certain nombre de préconisations. Il recommande notamment au ministère de la Santé de "clarifier son discours en direction des ARS [agences régionales de santé, NDLR] et des acteurs de l'hospitalisation sur la nécessité et les finalités des restructurations hospitalières". Pour cela, l'Igas demande notamment la reconstitution de l'observatoire des recompositions hospitalières et la création, auprès de la direction générale de l'offre de soins (DGOS), d'une cellule spécialement chargée de suivre et d'appuyer les opérations menées par les ARS. Elle invite aussi ces dernières "à jouer pleinement leur rôle de régulateur". De façon plus large, le rapport préconise "une plus grande professionnalisation des procédures de fusion", avec une conduite en mode projet et un renforcement des outils d'accompagnement social à la disposition des directions. Enfin, les maires de petites villes relèveront avec satisfaction qu'"en obstétrique, l'enjeu est désormais plutôt de s'interroger sur la possibilité d'accorder des dérogations de longue durée aux maternités dont la disparition dégraderait notablement l'accès aux soins, et sur les moyens à employer pour améliorer l'organisation du pyramidage entre maternités de niveau I, II et III".

 

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