Une proposition de loi pour autoriser les collectivités à financer la création de salles de cinéma
Dans la foulée de la décision du Conseil d'État jugeant que les collectivités ne peuvent subventionner la création des salles de cinéma, le sénateur Jean-Pierre Sueur, auteur il y a trente ans de la loi relative à l'action des collectivités en faveur de la lecture publique et des cinémas, a déposé une proposition de loi visant à lever cette interdiction.
La réaction ne s'est pas fait attendre ! Dans une décision du 10 mars dernier, le Conseil d'État annulait une délibération de la ville de Mont-de-Marsan accordant une subvention de 1,5 million d'euros pour la création d'un cinéma de huit salles et enjoignait également la commune d'émettre un titre exécutoire à l'encontre de l'exploitant concerné, aux fins de recouvrement du montant de la subvention versée (voir notre article du 20 avril 2021). Le Conseil d'État considérait en effet qu'en évoquant la possibilité d'"attribuer des subventions à des entreprises existantes ayant pour objet l'exploitation de salles de spectacle", la loi du 13 juillet 1992 relative à l'action des collectivités locales en faveur de la lecture publique et des salles de spectacles cinématographiques (dite "loi Sueur") autorise les collectivités à subventionner le fonctionnement des salles de cinéma, mais pas leur création.
Moins de deux mois après cette décision, une proposition de loi sénatoriale prévoit donc de modifier la loi de 1992. Trente ans après le texte qu'il avait présenté comme secrétaire d'État chargé des collectivités locales, l'auteur de la proposition de loi n'est autre que... Jean-Pierre Sueur, aujourd'hui sénateur du Loiret, soutenu par une trentaine de députés socialistes. Le texte tient en deux articles identiques modifiant les articles L.2251-4 et L.3232-4 du Code général des collectivités territoriales (un pour les communes, un pour les départements). Après l'expression "entreprises existantes", ces deux articles ajoutent "pour la création, l'extension, la modernisation et le fonctionnement des salles de spectacle cinématographique", levant ainsi toute ambiguïté sur le cas des subventions pour la création de salles de cinéma.
Selon l'exposé des motifs, la décision du Conseil d'État "constitue une limitation notable des effets de la loi précitée, eu égard à l'esprit dans lequel elle a été élaborée, adoptée et mise en œuvre depuis sa promulgation, comme en attestent les prises de position récentes de toutes les instances représentatives du cinéma, et notamment de la Fédération nationale des cinémas français" (ce qui, au demeurant, n'est pas un argument juridique et n'infère en rien la position actuelle du Conseil d'État).
À noter : dans une question écrite du 11 février 2021, donc avant la décision du Conseil d'État, Jean-Pierre Sueur demandait à la ministre de la Culture de porter – en raison de l'impact de la crise sanitaire – de 30% à 50% du chiffre d'affaires annuel le montant maximal des subventions que les collectivités peuvent accorder aux salles de cinéma. Dans sa réponse, Roselyne Bachelot confirme que "cette limite est insuffisante dans cette période de crise sanitaire". Elle annonce qu'un décret, en cours d'examen au Conseil d'État, va prochainement porter de 30% à 60% le taux maximal du montant de subvention pouvant être accordé par les collectivités territoriales à une salle de cinéma. Cette mesure – provisoire – s'appliquera aux demandes de subvention présentées jusqu'au 1er janvier 2023.
Références : Sénat, proposition de loi modifiant la loi n°92-651 du 13 juillet 1992 relative à l'action des collectivités locales en faveur de la lecture publique et des salles de spectacle cinématographique (enregistrée à la présidence du Sénat le 3 mai 2021). |