Culture / Economie - Tournages 2015 : les productions en hausse, les délocalisations aussi et le crédit d'impôt à la rescousse
La Ficam (Fédération des industries du cinéma, de l'audiovisuel et du multimédia) publie son baromètre 2015 des tournages de longs métrages. Pour la Fédération, ce bilan "confirme les alertes lancées par la Ficam soulignant que la croissance de la production de longs métrages s'accompagnait d'une forte inflation de la délocalisation des films à gros budgets notamment".
Du Capitole...
Les résultats de l'an dernier peuvent en effet sembler paradoxaux. Côté production, l'année 2015 atteint le niveau record de 189 projets de longs métrages mis en production, contre 148 en 2014 (+28%). Le record précédent se situait en 2010 avec 168 films. Pour être complet, il faut y ajouter 34 films documentaires (+26%) et 3 longs métrages d'animation (-25%).
Cette tendance haussière se retrouve dans le nombre de semaines de tournage, qui augmente de 29% pour atteindre 1.408 semaines. Et c'est carrément l'explosion pour les montants investis dans les productions, qui s'envolent de 56% entre 2014 et 2015 pour atteindre 1.070 millions d'euros.
Cette croissance spectaculaire est due principalement au doublement du nombre de films au budget supérieur à 10 millions d'euros, passé de 14 à 28 en un an...
... à la roche Tarpéienne
En termes d'impact sur le territoire - les tournages engendrant une série de retombées économiques locales - tous ces beaux résultats sont mis à mal par "une forte hausse des délocalisations". Selon la Ficam, 36% des productions de longs métrages ont en effet été délocalisées l'an dernier, contre 24% en 2014.
Les productions supérieures à 10 millions d'euros atteignent même un taux de délocalisation, encore jamais vu, de 74%. Le baromètre précise même que, sur les quatre films de plus de 20 millions d'euros de budget produits en 2015, trois sont quasi entièrement délocalisés - "Les Visiteurs 3", "The Lake", "HHHH" - et un ("L'Odyssée") voit la totalité de ses travaux d'effets visuels réalisée à l'étranger.
Conséquence, "le volume des dépenses françaises affectées aux industries techniques progresse de 15%, bien loin des 56% de progression de l'investissement global dans le cinéma en 2015". Même situation du côté des prestations d'effets visuels - domaine dans lequel la France est reconnue comme l'un des tout premiers mondiaux -, et qui atteint pourtant le taux record de 60% de délocalisations, "impactant lourdement l'emploi de cette filière".
Heureusement, il y a le PLF !
Heureusement, comme dans tout bon film qui se respecte, le héros arrive à la fin pour sauver le monde. Et, en l'occurrence, le héros s'appelle la loi de finances pour 2016 du 29 décembre 2015. Celle-ci comporte en effet trois nouvelles mesures fiscales en faveur de la localisation des tournages, qui viennent s'ajouter à celles des années antérieures (voir nos articles ci-contre). Ces dispositions - qui ont fait grincer les dents de certains parlementaires de l'opposition comme de la majorité - représentent un "coup de pouce" supplémentaire de 45 millions d'euros, ce qui fait passer le total du crédit d'impôt cinéma de 53 à 98 millions d'euros, soit un quasi-doublement (voir le détail dans notre article ci-contre du 5 octobre 2015).
Comme l'indique la Ficam : "Gageons que le renforcement des crédits d'impôt récemment adopté permettra, tout au long de l'année 2016, d'inverser radicalement cette tendance et rendra aux industries techniques du tournage et de la post-production ainsi qu'aux techniciens de la filière le bénéfice d'une croissance, si elle devait se confirmer."
Course à la carotte fiscale en Europe
Le communiqué de la Ficam indique pudiquement qu'"un retournement sensible de la situation s'est déjà opéré depuis le début de l'année", allusion à la décision de Luc Besson - qui menaçait d'aller tourner à l'étranger son film "Valérian" au budget hollywoodien - d'y renoncer après avoir obtenu satisfaction dans la loi de finances.
Si la relocalisation des tournages en France devrait effectivement marquer des points en 2016, tout le problème est que les pays européens sont engagés dans une course sans fin à la carotte fiscale pour accueillir les tournages, sous l'œil indifférent - culture oblige - de la Commission, que l'on a connu pourtant nettement plus chatouilleuse sur les aides fiscales à l'industrie ou à l'agriculture. Les pays les plus en pointe aujourd'hui - comme la Belgique ou la Hongrie - vont sans doute réagir à leur tour et il est fort probable que la France devra un jour remettre au pot. Au point de renforcer encore la singularité de l'industrie cinématographique, devenue le secteur le plus aidé de toute l'économie européenne...
En attendant, Fleur Pellerin, la ministre de la Culture, est à Los Angeles, du 3 au 6 février, "pour promouvoir l'élargissement du crédit d'impôt international dédié au cinéma". La ministre entend aussi profiter de son déplacement afin de "rappeler la richesse des savoir-faire français qui font de la France une terre de cinéma et de fiction audiovisuelle".