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Patrimoine - Une nouvelle contrainte pour les chantiers d'archéologie préventive

Au-delà de l'emploi et des entreprises, la crise aura fait au moins une autre victime : l'archéologie préventive. Le 21 octobre dernier, le Sénat adoptait en première lecture le projet de loi pour le logement et la lutte contre l'exclusion. Or les sénateurs y ont introduit un amendement qui complète l'article L.531-6 du Code du patrimoine en prévoyant que "si, dans les six mois qui suivent l'arrêté d'autorisation de fouilles sur des terrains destinés à la construction de logements sociaux, aucune opération de fouilles n'a été engagée, l'autorité administrative prononce le retrait de l'autorisation". L'objectif de cette disposition sans grand rapport avec l'intitulé du projet de loi est officiellement d'accélérer les opérations immobilières et d'urbanisme. Mais la mesure traduit aussi l'irritation croissante des élus face à la lenteur des chantiers d'archéologie préventive.
Après les sénateurs, c'est au tour des députés d'instaurer de nouvelles limites contraignantes, à l'occasion de l'adoption, en première lecture, du projet de loi pour l'accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés. Une première mesure consiste à ramener de un mois à trois semaines - à compter de la réception du dossier - le délai de délivrance par l'Etat des prescriptions de diagnostic (article L.522-2 du Code du patrimoine). Le même amendement, présenté par la rapporteure et la commission des finances, prévoit également que "lorsque, du fait de l'opérateur, les travaux nécessaires à la réalisation du diagnostic ne sont pas engagés dans un délai de six mois suivant la conclusion de la convention mentionnée au premier alinéa, la prescription est réputée caduque" (article L.523-7). Une fois le diagnostic posé, l'amendement introduit une nouvelle limite, en prévoyant que "lorsque, du fait de l'opérateur, les travaux nécessaires aux opérations archéologiques ne sont pas engagés dans un délai de six mois suivant la délivrance de l'autorisation mentionnée au deuxième alinéa, l'Etat en prononce le retrait" (article L.523-9). L'amendement prend bien soin de préciser que "ce retrait vaut renonciation à la mise en oeuvre des prescriptions édictées en application de l'article L.522-2". Autre limite posée par le texte : l'Etat doit retirer l'autorisation lorsque, du fait de l'opérateur, les travaux ne sont pas achevés à l'issue d'un délai de 18 mois (prorogeable une fois par décision motivée). Les prescriptions deviennent alors caduques. Ces différentes règles sont également applicables aux diagnostics et aux chantiers menés par l'Institut national de recherches archéologique préventives (Inrap).
Seul verrou posé par le texte : les articles L.531-14 à L.531-16 du Code du patrimoine (sur les découvertes fortuites) sont applicables au cas de figure. En d'autres termes, si après avoir retiré la prescription de diagnostic ou l'autorisation de travaux, des éléments archéologiques intéressants apparaissent au cours du chantier, leur inventeur est tenu d'informer les autorités, qui déclenchent alors la procédure applicable aux découvertes fortuites. Mais - à supposer que le signalement soit bien effectué - le chantier et les engins de terrassement ont souvent déjà provoqué des dégâts irrémédiables.
Le gouvernement s'étant déclaré favorable à cet amendement et ayant même félicité la rapporteure et le président de la commission, "car c'est un sujet difficile et l'équilibre n'était pas facile à trouver", ces dispositions devraient figurer dans le texte promulgué. En revanche, l'amendement sénatorial au projet de loi Logement devrait tomber, dans la mesure où son objet est désormais satisfait par l'amendement de l'Assemblée sur un texte qui doit être promulgué très rapidement. S'il n'est pas choquant en soi de prévoir que les travaux d'archéologie préventive doivent débuter au plus tard un an après la prescription de diagnostic, la concrétisation de cet engagement risque d'être une autre affaire. Les capacités de l'Inrap n'étant pas extensibles, les collectivités pourraient bien être amenées - comme certaines d'entre elles l'ont déjà fait - à développer leurs propres services d'archéologie préventive, afin de faire face à ces nouvelles contraintes...

 

Jean-Noël Escudié / PCA

 

Référence :  article 2 ter (nouveau) du projet de loi pour l'accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés (adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 8 janvier 2009).

 

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