Culture - Le Sénat grignote les fouilles d'archéologie préventive
Dans le parcours très chahuté du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion, un amendement est passé inaperçu. Il est vrai qu'il ne concerne qu'indirectement le logement social, mais a beaucoup plus à voir avec la préservation du patrimoine archéologique. Présenté par Daniel Dubois, sénateur de la Somme, et adopté sans difficulté, il complète l'article L.531-6 du Code du patrimoine, en y insérant un alinéa prévoyant que "si dans les six mois qui suivent l'arrêté d'autorisation de fouilles sur des terrains destinés à la construction de logements sociaux aucune opération de fouilles n'a été engagée, l'autorité administrative prononce le retrait de l'autorisation".
Ce texte d'apparence anodine et ajouté pour la bonne cause - la construction rapide de logements sociaux - est en fait la première brèche dans le dispositif des fouilles d'archéologie préventive. Jusqu'à présent, l'article L.531-6 du Code du patrimoine ne prévoit en effet que deux cas de figure pouvant justifier un retrait de l'autorisation de fouilles : "si les prescriptions imposées pour l'exécution des recherches ou pour la conservation des découvertes faites ne sont pas observées" et "si, en raison de l'importance de ces découvertes, l'autorité administrative estime devoir poursuivre elle-même l'exécution des fouilles ou procéder à l'acquisition des terrains". De plus, dans ces deux cas, dès que l'administration notifie son intention de provoquer le retrait de l'autorisation, "les terrains où étaient réalisées les fouilles sont considérés comme classés parmi les monuments historiques et tous les effets du classement leur sont applicables" jusqu'à la décision finale. La disposition introduite par l'amendement sénatorial est beaucoup plus expéditive, puisqu'elle fait au contraire retomber le terrain dans le droit commun et autorise de fait la reprise des travaux de construction des logements sociaux.
Dans son rôle de représentant des collectivités territoriales, le Sénat avait déjà à plusieurs reprises tenté d'assouplir le dispositif - il est vrai assez rigide - régissant les fouilles d'archéologie préventive. Les tentatives visaient d'ailleurs moins le principe de ces fouilles que la lenteur de leur mise en oeuvre - plusieurs mois peuvent s'écouler entre la décision d'autoriser les fouilles et le début de leur exécution. L'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) - lui aussi régulièrement dans le collimateur du Sénat - fait valoir le manque de moyens pour expliquer ces délais. Le renforcement de ses moyens, pas plus que l'introduction d'opérateurs privés ou gérés directement par les collectivités, n'ont suffi à améliorer la situation de façon significative. De leur côté, les collectivités mettent en avant l'impact budgétaire et organisationnel de ces retards qui paralysent d'importantes opérations d'aménagement ou de rénovation urbaine.
Le rapporteur de la commission des affaires économiques s'est déclaré favorable à cet amendement. Manifestement peu au fait du débat sur l'archéologie préventive, la ministre du Logement s'est dite "très sensible" aux arguments avancés et persuadée "que tous les élus présents dans cet hémicycle pourraient tenir les mêmes propos", avant de s'en remettre à la sagesse du Sénat. Sa collègue de la Culture pourrait bien avoir une vision différente. Une hypothèse d'ailleurs prise en compte par l'auteur de l'amendement, qui a lui-même entrouvert une porte en affirmant que "d'ici à la réunion de la commission mixte paritaire, la réflexion va s'affiner".
Jean-Noël Escudié / PCA
Référence : article 10 bis (nouveau) du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion (texte examiné en première lecture par le Sénat depuis le 14 octobre 2008).