Un rapport sénatorial propose dix mesures d’urgence pour protéger les sapeurs-pompiers du risque accru de développer un cancer

Deux sénatrices appellent les pouvoirs publics à se mobiliser davantage pour mieux prévenir et détecter le risque de cancer lié à l’activité des sapeurs-pompiers. Une profession particulièrement exposée, notamment aux "polluants éternels", comme semble l’accréditer un test capillaire réalisé sur 19 sapeurs-pompiers lors de leur manifestation du 16 mai dernier.

En progrès, mais doit beaucoup mieux faire. Tel est, hâtivement résumée, l’appréciation que donnent les sénatrices Anne-Marie Nédélec (Haute-Marne, LR) et Émilienne Poumirol (Haute-Garonne, SER) de l’action conduite par les pouvoirs publics sur les cancers imputables à l’activité de sapeur-pompier, dans un rapport d’information rendu public ce 29 mai. 

Un bilan très contrasté

À l’actif, les parlementaires observent d’abord "qu’en dépit du manque de données officielles", le caractère cancérogène de l’activité de sapeur-pompier est "désormais reconnu à l’échelle internationale" (par le Centre international de recherche sur le cancer - Circ). Elles relèvent ensuite que des efforts ont été accomplis en France "en matière de simplification de la reconnaissance des maladies professionnelles et de prévention des risques dans la fonction publique en général". 

Au passif, elles estiment que "le manque de volonté politique, la complexité des procédures et l’insuffisance des moyens font obstacles à la réalisation de projets concrets" et que "l’effort de prévention et de réparation […] est encore trop limité". Elles déplorent notamment que "la présomption d’imputabilité au service ne concernent que trop peu de cancers" (deux), ceux-ci faisant en outre selon elles "vraisemblablement l’objet d’une sous-déclaration". Et ce, d’autant plus que "des lacunes majeures fragilisent le suivi de l’exposition des sapeurs-pompiers aux facteurs de risque cancérogènes". Elles regrettent de même que "le développement d’équipements de protection individuelle adaptés aux risques se fasse toujours attendre". 

Dix mesures d’urgence

Les sénatrices proposent en conséquence "dix mesures d’urgence" pour "mieux protéger ceux qui nous protègent". Parmi elles, l’élaboration d’un "modèle national de fiche d’exposition à des facteur de risques spécifique à l’activité de sapeur-pompier", fiche que les Sdis devraient obligatoirement remplir après chaque intervention "à risque sanitaire" – ou, à défaut, sur une base annuelle – et qui serait par ailleurs intégrée au dossier médical de chaque sapeur-pompier. Toujours afin de "dépister les pathologies le plus précocement possible", elles suggèrent que les Sdis soient par ailleurs tenus de proposer aux sapeurs-pompiers à la retraite une visite médicale de contrôle tous les cinq ans.

Les parlementaires préconisent encore le versement d’une dotation exceptionnelle aux Sdis afin qu’ils puissent acquérir des équipements de protection individuelle, dont le nouveau modèle de cagoule filtrant particules fines et composés chimiques, les parlementaires jugeant à défaut "peu crédible que les sapeurs-pompiers en soient massivement équipés dans les années à venir compte tenu des contraintes pesant sur les finances des collectivités territoriales". Rappelant que son rapport, la mission Falco (voir notre article du 21 juin 2023) avait également préconisé de renforcer les moyens de protection des voies respiratoires des sapeurs-pompiers, "y compris dans le cadre des feux d’espaces naturels".

Plus largement, elles recommandent encore de procéder systématiquement à l’évaluation des droits à l’allocation temporaire d’invalidité des agents des collectivités au terme d’un congé pour invalidité temporaire imputable au service.

› Des sapeurs-pompiers exposés aux Pfas

Profitant de la manifestation parisienne des sapeurs-pompiers le 16 mai dernier (voir notre article du 18 avril), des tests ont été organisés par neuf organisations syndicales de la profession sur les cheveux de 19 des leurs afin de détecter la présence de polluants éternels (Pfas). Avec un bilan "positif" pour l’ensemble des testés. Si 1 à 2 Pfas ont été détectés sur neuf d’entre eux, "soit la moyenne de la base de données du laboratoire", 3 Pfas ont été détectés sur 5 sapeurs-pompiers, qui font ainsi partie "des 25% de personnes les plus contaminées de la base de données du laboratoire". Et 4 Pfas ou plus ont été détectés sur les 5 derniers cobayes, soit un quart de l’échantillon, les plaçant ainsi dans les "10% les plus contaminées de la base de données du laboratoire". Les tests révèlent également que sur tous les pompiers testés a été détecté le PFOA, "interdit depuis 2020 et classé comme cancérogène par le Circ".