Financement des Sdis : renforcer les moyens des départements et geler la contribution du bloc communal

Aux termes d’une "mission flash", les députés Xavier Batut et Jocelyn Dessigny plaident pour donner de nouveaux moyens financiers aux départements afin de réaffirmer leur rôle de principal financeur des Sdis – dont l’accroissement des ressources est qualifié d’"impérieuse nécessité". Ils préconisent de réallouer une fraction de la TSCA et d’instaurer une taxe additionnelle à la taxe de séjour en faveur des départements, et de recentrer les missions des Sdis afin de maîtriser leurs dépenses. Les élus écartent en revanche la piste de la "valeur du sauvé", jugée insuffisamment mûre, et se prononcent pour un gel de la contribution du bloc communal.

Alors que, dans le cadre du Beauvau de la sécurité civile, le chantier du financement des Sdis doit être ouvert ces tout prochains jours (voir notre article du 23 avril), la mission flash de l’Assemblée nationale consacrée à ce sujet vient mettre sa bûche dans la chaudière en publiant ce 22 mai le rapport des députés Xavier Batut (Seine-Maritime, Horizons) et Jocelyn Dessigny (Aisne, RN).

Des constats (quasi) unanimement partagés

Inutile de s’appesantir sur le constat qu’ils dressent de la situation. Comme d’autres, les parlementaires jugent le système actuel "de plus en plus à bout de souffle en raison de l’incapacité croissante des collectivités territoriales à couvrir des besoins opérationnels en constante augmentation". Comme d’autres, ils relèvent que les "Sdis ont profité de la départementalisation pour se mettre à niveau", mais que "le rythme actuel des dépenses est tel que [les départements] ont de plus en plus de mal à suivre la dynamique", bien que ne ménageant pas leurs efforts. Ils observent ainsi que "contrairement à ce que l’on aurait pu penser, la quasi-totalité des départements versent aux Sdis des dotations bien supérieures à ce qu’ils perçoivent au titre de la TSCA" (taxe spéciale sur les conventions d’assurance). Battant sans doute cette fois définitivement en brèche l’analyse controversée du ministre Gérald Darmanin selon laquelle les départements ne reverseraient aux Sdis que "40 à 60% du produit de cette taxe" (voir notre article du 6 septembre 2022). Comme d’autres, ils observent encore que "le poids élevé des dépenses de personnel […] diminue les marges de manœuvre des Sdis alors même que se profile le risque d’une ‘'ur-sollicitation' liée aux effets du changement climatique et de la désertification médicale". Bref, l’édifice menace ruine et "l’accroissement des ressources des Sdis apparaît donc comme une nécessité impérieuse".

La fausse piste, en l’état, de la "valeur du sauvé"

C’est surtout pour l’originalité de certaines de ses recommandations que ce rapport retiendra l’attention, les députés n’hésitant pas à rebrousser chemin sur des pistes par ailleurs vantées.

Ainsi de celle, en vogue, visant "la valorisation du sauvé", notamment promue par la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (voir notre article du 17 juin 2022), un rapport sénatorial de 2022 (voir notre article du 31 août 2022), Départements de France (voir notre article du 14 octobre 2022 et celui du 23 mars 2023), la mission Falco (voir notre article du 21 juin 2023) ou tout récemment encore par le député Didier Lemaire (voir notre article du 12 avril). Une voie qui prend pour les deux élus des allures d’impasse, cette "valeur" ne leur paraissant pas, "en l’état des réflexions sur le sujet, suffisamment robuste pour être utilisée comme une nouvelle source de financement".

Geler la contribution du bloc communal

Plus encore, alors que Départements de France ou l’inspection générale de l’administration (voir notre article du 1er février 2023) plaident pour une participation accrue du bloc communal au financement des Sdis, aujourd’hui plafonnée, les deux députés non seulement ne préconisent pas de "déverrouiller" ses contributions, mais proposent même d’alléger son effort, lequel serait "'gelé' à son niveau de 2024 sans possibilité de réévaluation". Dans ce cadre, les conseils d’administration des Sdis seraient alors invités à revoir la répartition des contributions entre communes et intercommunalités afin d’alléger la contribution des communes rurales et des petites communautés de communes.

Reverser une plus grande part de la TSCA

Les parlementaires entendent en effet réaffirmer le département "comme le principal financeur des Sdis". "Ce qui suppose de renforcer ses recettes fiscales de manière significative", concèdent-ils. Ce qu’ils s’efforcent de faire, en rejoignant cette fois les propositions de Départements de France (voir notre article du 19 avril).

Principalement en jouant sur la TSCA, piste proposée de longue date par la Conférence nationale des services d’incendie et de secours (voir notre article du 30 janvier 2020), notamment. En l’espèce, les deux parlementaires proposent de revenir sur l’affectation à la Caisse nationale d’allocations familiales (Cnaf) d’une fraction de cette taxe, transfert dont les élus estiment qu’il a aujourd’hui "perdu sa justification". Cette réallocation devrait selon eux générer environ 1,1 milliard d’euros par an pour les Sdis. Dans la même optique, ils suggèrent de ne pas prolonger au-delà de cette année le régime d’exonération de cette taxe dont bénéficient les véhicules électriques – "concrétisation d’une proposition de la Convention citoyenne pour le climat", est-il relevé. –, qui se traduirait en 2024 par 57 millions d’euros de perte de recettes pour les départements. 

Par ailleurs, afin que les départements les plus sujets à des "sur-sollicitations" puissent bénéficier de la dynamique d’évolution des produits de la TSCA, les élus proposent la création d’un fonds de péréquation dont les crédits, issus de la hausse du produit de la taxe à compter de cette année, seraient répartis "selon des critères objectifs de nature financière et opérationnelle", et non plus en fonction du nombre d’immatriculations de véhicules comme c’est le cas actuellement.

Taxer les touristes

Autre proposition, "faire contribuer les touristes, en particulier étrangers, au financement de services dont ils profitent sans payer", en instaurant une taxe additionnelle départementale à la taxe de séjour. Les élus estiment qu’un taux de 20% permettrait de dégager 50 millions d’euros supplémentaires par an en faveur des départements. Une piste qu’avait également suggérée la mission Falco ou, parmi d’autres, Christian Pinaudeau, ancien secrétaire général du syndicat des sylviculteurs du Sud-Ouest (voir notre article du 17 juin 2022).

Recentrer les Sdis sur leur cœur de métier

Là encore de manière classique, le rapport plaide par ailleurs pour un effort concomitant de maîtrise des dépenses des Sdis. 

D’une part en recentrant ces derniers sur leur cœur de métier, en les déchargeant singulièrement "d’une part importante des transports sanitaires urgents". Les élus recommandent à cette fin de pénaliser financièrement le recours aux Sdis pour carence ambulancière, via le doublement du forfait de prise en charge pour les établissements de santé qui sont le siège de services d’aide médicale d’urgence et en "réhaussant sensiblement" l’indemnité horaire de substitution en cas d’absence de couverture de certains créneaux horaires par une garde ambulancière. 

D’autre part avec "la mutualisation des moyens et la coordination opérationnelle, [qui] offrent des pistes d’économies intéressantes". Parmi différentes propositions, les élus suggèrent "d’étendre à un large éventail de tâches administratives, en particulier la gestion du personnel et l’ingénierie juridique, le champ de compétences des établissements publics interdépartementaux d’incendie et de secours […], sans pour autant rendre ces établissements obligatoires". Ils invitent encore le gouvernement à "sauter le pas" en direction d’un numéro unique d’urgence (le 112), "et ainsi promouvoir auprès des Sdis l’intérêt des plateformes communes avec le Samu". En la matière, la réciproque est sans doute tout aussi nécessaire.

 

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