Un rapport préconise de territorialiser les formations aux métiers de l'industrie

Territorialiser les outils de formation à l'industrie, mutualiser les plateaux techniques… Pour disposer des 110.000 employés par an nécessaires jusqu'en 2035 pour le secteur industriel, deux anciens pilotes de Territoires d'industrie, Guillaume Basset et Olivier Lluansi, estiment qu'il faut passer d'une stratégie traditionnelle de formation par public à une stratégie par territoire mélangeant les profils. Leur note pour La Fabrique de l'industrie, publiée le 25 juillet 2023, préconise ce "continuum attractif", du CAP au bac + 5. Ils constatent de grandes déperditions dans les formations actuelles (un jeune formé sur deux n'exercera pas dans le domaine industriel).

Pour deux jeunes formés à un métier industriel, un seul l'exercera. C'est ce qu'indique la note "Pénurie de compétences et réindustrialisation : un étonnant paradoxe", rédigée pour La Fabrique de l'industrie par Guillaume Basset, adjoint à la directrice générale déléguée investissements étrangers de Business France, chargé de l'implantation des projets industriels dans les territoires, et Olivier Lluansi, associé de PwC Strategy, et publiée le 25 juillet 2023.

Le constat de ces deux anciens délégués aux Territoires d'industrie
 est simple : face à la dynamique de réindustrialisation à l'œuvre, avec le Plan France 2030 notamment, le besoin de nouveaux profils formés aux métiers industriels s'élève à 110.000 par an en moyenne jusqu'en 2035. Si l'offre de formation actuelle permet de répondre à ce besoin, avec plus de 125.000 jeunes par an (hors ingénieurs) diplômés pour pouvoir exercer un métier industriel, une proportion importante d'entre eux ne se positionnera pas dans des métiers de ce secteur. Un "taux d'évaporation" de 50% environ selon les estimations : sur les 125.000 jeunes formés, seuls 66.000 vont entrer dans le secteur industriel chaque année entre 2019 et 2030. Résultat : quelque 60.000 emplois industriels sont vacants (chiffres 2023 Dares).

Lutter contre le "taux d'évaporation"

Pour les deux experts, il ne s'agit pas de créer de nouvelles places de formation, mais de lutter contre ce taux d'évaporation et "d'orienter les jeunes, en évitant les choix forcés ou par défaut, vers des formations aux métiers qui leur conviennent et qui recrutent dans les bons bassins d'emplois". Et le tout peut se faire selon eux à travers un diagnostic partagé territoire par territoire. Les auteurs estiment aussi qu'il faut rapprocher les formations des jeunes, la mobilité des Français étant en général très limitée, notamment pour des motifs professionnels. "Leur choix de domicile est largement indépendant du taux de chômage et, même lorsqu'ils déménagent, cet aspect est marginal dans leur décision", indique la note. Moins de la moitié des Français accepteraient une proposition professionnelle distante de plus de 30 km de leur habitation.

Les experts prônent une territorialisation des outils de formation avec l'élaboration d'une stratégie de formation aux métiers industriels sur chacun des territoires et la mutualisation des plateaux techniques pour tous les parcours. L'idée étant de passer d'une logique traditionnelle par public à une stratégie par territoire, mélangeant les profils (apprentis, statut scolaire, demandeurs d'emploi, salariés…) et donc les établissements (centres de formation des apprentis-CFA, lycées professionnels, écoles de production, Cnam, IUT, universités, écoles d'ingénieurs, etc.). Objectif : créer un "continuum attractif, du CAP jusqu'au bac + 5". Les plateaux pourraient aussi être ouverts aux entreprises dans une logique de Fab-Lab.

Des états généraux sur la formation et l'orientation aux métiers industriels

La note cite les exemples d'initiatives de ce type dans des territoires comme les Pays de la Loire avec la Fab'Academy, le pôle de formation de l'Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM) spécialisé dans les technologies de pointe, la performance industrielle et le management, ou Chalon-sur-Saône, avec le pôle d'innovation et de digitalisation L'Usinerie. On pourrait également citer les campus des métiers et des qualifications développés depuis 2018 par les ministères de l'Éducation nationale et de la Jeunesse, de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation, et de l'Économie. Des campus qui regroupent des acteurs de la formation professionnelle autour d'une filière économique. Cette idée de territorialiser les formations est partagée par différents acteurs dans le cadre des formations aux métiers de la transition écologique (voir notre article du 4 juillet 2023).

Au-delà de ces recommandations, les deux auteurs proposent la mise en place d'états généraux sur la formation et l'orientation aux métiers industriels pour poser un diagnostic partagé et réunir toutes les bonnes volontés.