Culture - Un jeu de grattage au secours du patrimoine
Si l'archéologie n'est pas à la fête avec la mise en place de nouvelles contraintes sur les délais de réalisation des chantiers préventifs (voir notre article ci-contre), le patrimoine connaît en revanche une période faste. En décembre dernier, les monuments historiques obtenaient une rallonge budgétaire de 100 millions d'euros dans la loi de finances pour 2009, tandis que la déduction en faveur des travaux d'entretien du patrimoine échappait à l'écrêtement des niches fiscales. Cette dotation supplémentaire de 100 millions d'euros porte à 400 millions d'euros le montant des crédits budgétaires consacrés au patrimoine. Le 13 janvier, à l'occasion de ses voeux au monde culturel, Nicolas Sarkozy annonçait que cette enveloppe supplémentaire serait pérennisée pour toute la durée de son mandat et que l'accent serait mis sur "nos grands monuments emblématiques, nos cathédrales et nos abbayes, et le patrimoine des petites communes".
Le 14 janvier, la ministre de la Culture a annoncé à son tour la prochaine mise en place d'une autre ressource supplémentaire pour le patrimoine : un jeu de grattage organisé par la Française des jeux. Si le support choisi détonne un peu dans le monde policé du patrimoine, cette annonce n'est pas véritablement une surprise. Dans son discours de présentation des Journées européennes du patrimoine, le 9 septembre dernier, Christine Albanel avait en effet indiqué qu'"il y a d'autres pistes de financement pour le patrimoine" et précisé que ses services étaient en train de les étudier (voir notre article ci-contre). A l'époque, le ministère penchait plutôt pour des taxes affectées assises sur la Française des jeux, le produit des casinos ou les hôtels de luxe. La crise économique se révélant peu compatible avec une augmentation de la pression fiscale, le gouvernement a finalement retenu une solution basée sur "l'impôt volontaire" des jeux de loterie. Ce nouveau jeu pourrait voir le jour au début de l'été. Ses modalités "restent à inventer", Christine Albanel s'étant contentée d'évoquer, dans une interview à France Info, "peut-être des questions, des choses à gratter sur le patrimoine local". Côté recettes, la ministre se veut prudente, indiquant "que ça serait moins de 50 millions d'euros" et sans doute plutôt "la moitié de ça". Il reste par ailleurs une ambiguïté - que les propos de la ministre n'ont pas éclaircie - sur le statut de cette nouvelle recette : viendra-t-elle abonder l'enveloppe supplémentaire de 400 millions ou contribuera-t-elle au contraire à la financer ?
Dans son rapport sur "l'état du parc monumental français", remis au Parlement en décembre 2007, Christine Albanel évaluait à quelque 10 milliards d'euros le besoin total de financement. Sur les 14.897 monuments classés, ce rapport en recensait notamment 629 en "situation de péril" et 2.805 en "état sanitaire défectueux". Près des deux tiers (63%) des monuments en péril total ou partiel sont la propriété de collectivités territoriales et 65% d'entre eux appartiennent à des communes de moins de 2.000 habitants. Les seuls travaux sur les monuments classés en péril représenteraient à eux seuls un coût de 5,24 milliards d'euros.
Jean-Noël Escudié / PCA