Réforme du secteur Hlm - Un décret et deux arrêtés mettent en place la réduction du loyer de solidarité (RLS)
Un décret et deux arrêtés du 27 février mettent en place le mécanisme de réduction du loyer de solidarité (RLS) concomitant à la baisse des aides personnelles au logement (APL). Un mécanisme hyper complexe clé de voûte de la réforme du secteur Hlm. Un troisième arrêté du même jour instaure le dispositif de maintien dérogatoire de l'APL accession pour les logements anciens dans certaines communes (encadré).
Petit rappel. Le mécanisme de la réduction du loyer de solidarité (RLS) vise à permettre de réduire le montant des APL - versées par les CAF mais financées par le budget de l'Etat - de 800 millions d'euros en 2018 et 2019, puis de 1,5 milliard en 2020. Le tout sans impact pour les locataires du parc social, puisque cette baisse des APL s'accompagne de la réduction du loyer de solidarité (RLS). De leur côté, les organismes de logement social, qui subissent directement l'impact de la RLS, bénéficieront d'un certain nombre de compensations, comme la récente mise en place du dispositif "Allongement de dette" par la Caisse des Dépôts (voir notre article ci-dessous du 7 février 2018). Des compensations qui n'empêchent pas les organismes Hlm de s'inquiéter des conséquences de cette réforme sur leurs investissements et sur la production de logements sociaux (voir nos articles ci-dessous du 6 et du 19 février 2018).
Un mécanisme mis en place par la loi de finances pour 2018
Le mécanisme très complexe de la RLS est issu de l'article 126 de la loi de finances pour 2018* (voir notre article ci-dessous du 9 janvier 2018). Celui-ci prévoit notamment que, pour les logements Hlm ouvrant droit à l'APL (à l'exception des logements-foyers conventionnés), "une réduction de loyer de solidarité est appliquée par les bailleurs aux locataires dont les ressources sont inférieures à un plafond, fonction de la composition du foyer et de la zone géographique".
Il prévoit également que le montant mensuel de la réduction de loyer de solidarité est fixé chaque année par arrêté, dans la limite des montants maximaux fixés par l'article 126 lui-même, allant de 41 euros par mois pour un bénéficiaire isolé en zone III à 69 euros pour un bénéficiaire isolé ou un couple avec une personne à charge en zone I (et une majoration de 8 à 10 euros par personne à charge supplémentaire, selon la zone).
Les APL réduites à hauteur de 98% de la RLS
Pour les locataires, l'article 126 de la loi de finances prévoit que le montant de l'APL est réduit "à hauteur d'une fraction fixée par décret, comprise entre 90% et 98%, de la réduction de loyer de solidarité".
Le décret du 27 février 2018 se résume donc à un article disposant que le montant mensuel de l'APL "est diminué d'un montant égal à 98% de la réduction de loyer de solidarité dont bénéficient les locataires [...]". Ce taux de 98% est conforme à celui qui figurait dans le projet de décret soumis au Conseil national de l'habitat le 29 janvier.
Si le mécanisme protège effectivement les locataires concernés des effets de la baisse de leur APL - comme le gouvernement s'y était engagé -, le gain final pour les locataires est des plus modestes, du fait du choix du haut de la fourchette prévue par l'article 126 de la loi de finances (voir ci-dessous).
Une baisse de l'APL de 25 à 42 euros par mois, compensée par la RLS
Pour sa part, l'arrêté du 27 février relatif à la réduction du loyer de solidarité fixe les plafonds de ressources mensuelles ouvrant droit à la RLS. Ces plafonds pour 2018 correspondent à 70% des limites fixées par l'article 126 de la loi de finances pour 2018. Ils vont ainsi de 820 euros par mois pour un bénéficiaire isolé en zone III (pour un maximum légal fixé par la LFI 2018 de 1.171 euros) à 2.876 euros pour un bénéficiaire isolé ou un couple en zone I avec six personnes à charge (pour un maximum légal de 4.109 euros). Une majoration de 245 à 280 euros - selon la zone - est prévue pour chaque personne supplémentaire à charge (pour un plafond légal de 350 à 400 euros)
Ce même arrêté du 27 février fixe également le montant mensuel de la réduction de loyer de solidarité pour 2018. Cette RLS va ainsi de 26 euros par mois pour un bénéficiaire isolé en zone III à 43,38 euros pour un bénéficiaire isolé ou un couple avec une personne à charge en zone I. S'y ajoute ensuite un montant mensuel de 5,06 à 6,29 euros par personne à charge supplémentaire, selon la zone d'implantation du logement. Il est précisé que, pour les colocataires, la RLS est fixée à 75% de ces montants.
Les montants de la réduction prévus par l'arrêté du 27 février 2018 se situent loin des plafonds fixés par l'article 126 de la loi de finances pour 2018 (respectivement 41 euros et 69 euros pour les deux extrêmes évoqués ci-dessus). Mais cet écart est logique dans la mesure où les valeurs plafonds devraient être approchées ou atteintes en 2020, lorsque l'économie réalisée sur les APL sera d'environ 1,5 milliard d'euros, au lieu des 800 millions attendus en 2018 et 2019.
Conséquence : la réduction de l'APL en 2018 sera de 25,48 euros par mois (98% de 26 euros) pour un bénéficiaire isolé en zone III et de 42,51 euros par mois pour un couple avec une personne à charge en zone I. Le gain final pour les locataires sera donc très modeste : 0,52 euros par mois (26 moins 25,48) et 6,24 euros par an dans le premier cas de figure et 0,87 euros par mois et 10,44 euros par an dans le second cas.
Le seuil de non-versement ramené de 15 à 10 euros
Enfin, le second arrêté du 27 février, relatif à la prise en compte de la RLS dans le calcul de l'APL, se contente d'introduire le nouveau dispositif dans l'arrêté du 3 juillet 1978 relatif au calcul de l'APL.
Il précise également que "lorsque le montant de l'aide personnalisée au logement est inférieur à 10 euros par mois, il n'est pas procédé à son versement", alors que le seuil minimum de versement était jusqu'alors de 15 euros par mois. Cette baisse figurait déjà dans le décret et les deux arrêtés du 28 septembre 2017, qui mettaient en place la baisse transitoire et forfaitaire des APL de cinq euros par mois (voir notre article ci-dessous du 29 septembre 2017). Cette baisse du seuil de versement devrait protéger les locataires. En effet, elle limite le nombre de locataires qui risquent de passer sous le seuil de versement du fait de la réduction des APL.
Une entrée en vigueur - théorique - dès le 1er mars
Au final la seule véritable surprise de ce décret et de ces deux arrêtés, qui finalisent la réforme des APL, vient de la date d'entrée en vigueur du nouveau dispositif. En effet, en l'absence de disposition spécifique dans le décret, celui-ci entre en vigueur le lendemain de sa publication, soit le 1er mars 2018. Face aux difficultés techniques et informatiques pour les bailleurs sociaux et pour les CAF qui versent l'APL (notamment dans le cas des ménages susceptibles de bénéficier de la RLS mais qui ne touchent pas l'APL), il semblait pourtant admis que la réforme - prévue par la LFI 2018 pour le 1er février - entrerait en vigueur le 1er avril, avec effet rétroactif au 1er février (voir notre article ci-dessous du 25 janvier 2018).
Un groupe de travail, réunissant le ministère, l'USH, les diverses fédérations Hlm et la Cnaf, a d'ailleurs été mis en place dès le vote de la loi de finances. De son côté, l'USH a réuni un groupe de travail avec quelques grands bailleurs sociaux pour tester la mise en œuvre de la mesure. En tout état de cause, celle-ci ne s'appliquera, dans les faits, qu'une fois levés les obstacles techniques et informatiques.
*Ex-"article 52" du projet de loi de finances.
Mise en place du maintien dérogatoire de l'APL accession
Un troisième arrêté du 27 février 2018 concerne le maintien dérogatoire de l'aide personnalisée au logement destinée à l'accession à la propriété (APL accession) pour les logements anciens et dans certaines communes. Il s'agit en l'occurrence de mettre en œuvre une concession du gouvernement lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2018. En effet, la LFI 2018 supprime l'APL accession, régulièrement critiquée par la Cour des comptes et qui concerne de 30.000 à 50.000 ménages (contre 6,3 millions de bénéficiaires pour les APL "location"). Mais les parlementaires et les acteurs de la construction et du logement avaient obtenu le maintien de l'APL accession pour une période de deux ans (jusqu'au 1er janvier 2020), uniquement pour l'accession dans l'ancien et dans les communes classées en zone III, autrement dit dans les communes les moins tendues, "ne se caractérisant pas par un déséquilibre important entre l'offre et la demande de logement". L'arrêté du 27 février se contente donc de mettre en œuvre cette disposition temporaire et dérogatoire, qui s'appliquera aux prêts et contrats de location accession conclus entre le 1er janvier 2018 et le 31 décembre 2019).
Références : décret n°2018-136 du 27 février 2018 relatif à la baisse de l'aide personnalisée au logement dans le cadre du dispositif de réduction de loyer de solidarité ; arrêté du 27 février 2018 relatif à la réduction de loyer de solidarité ; arrêté du 27 février 2018 relatif à la prise en compte de la réduction de loyer de solidarité dans le calcul de l'aide personnalisée au logement ; arrêté du 27 février 2018 relatif au maintien dérogatoire de l'aide personnalisée au logement destinée à l'accession à la propriété pour les logements anciens et dans certaines communes (Journal officiel du 28 février 2018).