Troubles de voisinage : la loi visant à limiter les contentieux est publiée
La loi "visant à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels" est parue au Journal officiel du 16 avril 2024. Le texte, qui entend limiter les conflits de voisinage, notamment à la campagne et les plaintes de plus en plus nombreuses des néoruraux contre les agriculteurs, consacre dans le code civil le principe de responsabilité fondée sur les troubles anormaux du voisinage, posé par la jurisprudence, tout en prévoyant des limites.
Publiée au Journal officiel ce 16 avril, la loi "visant à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels" s'inscrit dans le sillage de la loi dite "Maurice" du 29 janvier 2021 relative au patrimoine sensoriel des campagnes françaises et au rapport du gouvernement sur la problématique des troubles anormaux de voisinage remis discrètement fin 2021. Le texte, qui comporte un article unique, entend limiter les conflits de plus en plus fréquents entre néoruraux et agriculteurs mais doit aussi permettre de régler les différends de voisinage en milieu urbain, en particulier entre les dark stores et leurs riverains.
Il crée un nouvel article 1253 dans le code civil reprenant le principe de responsabilité fondée sur les troubles anormaux du voisinage, consacré par la jurisprudence de la Cour de cassation qui, dans un arrêt du 19 novembre 1986 a posé un principe général du droit selon lequel "nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage". Ce dernier entraîne la responsabilité de plein droit de son auteur, à condition qu'il excède les inconvénients ordinaires du voisinage. Ainsi, stipule la loi, "le propriétaire, le locataire, l'occupant sans titre, le bénéficiaire d'un titre ayant pour objet principal de l'autoriser à occuper ou à exploiter un fonds, le maître d'ouvrage ou celui qui en exerce les pouvoirs qui est à l'origine d'un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage est responsable de plein droit du dommage qui en résulte".
Mais elle pose une exception à ce principe. "Sous réserve de l’article L. 311-1-1 du code rural et de la pêche maritime, cette responsabilité n’est pas engagée lorsque le trouble anormal provient d’activités, quelle qu’en soit la nature, existant antérieurement à l’acte transférant la propriété ou octroyant la jouissance du bien ou, à défaut d’acte, à la date d’entrée en possession du bien par la personne lésée, prévoit-elle. Ces activités doivent être conformes aux lois et aux règlements et s’être poursuivies dans les mêmes conditions ou dans des conditions nouvelles qui ne sont pas à l’origine d’une aggravation du trouble anormal."
Le texte reprend ainsi la "théorie de la pré-occupation" qui figurait à l'article 113-8 du code de la construction et de l'habitation, créé en 1976 et qui est abrogé. Cette exception au principe de responsabilité est néanmoins étendue à toutes types d'activités, alors que l'article 113-8 ne visait que certains types d'activités (agricoles, industrielles, artisanales, commerciales, touristiques...).
Sur initiative du Sénat, un article L.311-1-1 a été ajouté au code rural pour prévoir des exonérations supplémentaires spécifiques pour les activités agricoles. La responsabilité d'un agriculteur qui modifierait les conditions d’exercice de son activité pour les mettre en conformité avec la réglementation ne pourra pas être recherchée pour trouble anormal de voisinage. De la même manière, sa responsabilité ne pourra pas être engagée dès lors qu'il n'a pas "substantiellement" modifié la nature ou l'intensité de son activité agricole. Ce cas vise les évolutions "naturelles" de la vie d'une exploitation (accroissement, diversification...). Il appartiendra dès lors au juge de déterminer ce qui relève ou non d'une modification substantielle.
Référence : loi n° 2024-346 du 15 avril 2024 visant à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels, J.O. du 16 avril 2024, texte n°4. |