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Habitat - Trop pauvre pour un logement social ? Un rapport du CGEDD propose des solutions

Dans le cadre de la refondation du dispositif d'hébergement et d'accès au logement, Jean-Louis Borloo et Benoist Apparu confiaient à l'automne dernier au Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD, ex-Conseil général des ponts et chaussées) une mission sur les conditions d'accès au logement des publics prioritaires. Avec pour objectif de répondre à ces questions : pourquoi les commissions d'attribution des organismes HLM refusent-elles certaines personnes aux ressources très faibles ? Comment peut-on faire, sans augmenter les aides personnelles au logement, pour améliorer la solvabilisation des ménages en difficulté ? Bref, qu'est-ce qui freine l'accès des sans-abri et des mal-logés au logement social ? Le rapport du CGEDD, qui vient d'être rendu public, met en lumière les paradoxes des politiques du logement social aujourd'hui. Il établit une liste de 25 préconisations... parmi lesquelles le retour de l'Etat dans le financement du Fonds de solidarité pour le logement (FSL).

 

Les organismes HLM doivent pouvoir choisir leurs locataires… ce qui n'empêche pas d'agir pour les plus pauvres

Les inspecteurs généraux Isabelle Massin, Marc Prévot et Patrick Laporte ont donc étudié les processus d'attribution des logements sociaux. Ils constatent que c'est le bailleur social, beaucoup plus que les réservataires, qui fixe les règles du jeu. Le CGEDD estime cela naturel : dans la mesure où le bailleur social prend le risque de ne pas être payé, qu'il est responsable de son équilibre financier, il doit avoir le droit de choisir son locataire. Et ainsi par exemple de se donner pour règle que les ressources de la famille soient au moins égales au triple du loyer. Pour le CGEDD, fixer arbitrairement le taux d'effort à 40% ou abaisser le niveau du reste à vivre - ce qui reste pour vivre par unité de consommation par jour - à 10 euros, ne constitueraient pas des solutions adéquates : cela fragiliserait les familles et augmenterait les risques d'expulsion (p.17).
Cependant, si les organismes HLM peuvent conserver ce seuil de 30% et choisir librement leurs locataires, ils doivent "mieux évaluer les risques pris en accueillant les populations fragiles (ou) et aux ressources limitées". Et d'abord, est-ce vraiment les plus pauvres qui sont le plus souvent en impayé ? Ce n'est pas si simple : certes, le risque d'impayé augmente à mesure que le revenu des ménages baisse (p. 62). Mais pour un bailleur, explique le CGEDD, le véritable problème n'est pas le nombre d'impayés mais leur montant total. Or, en volume, les impayés les plus importants ne se trouvent pas dans la catégorie des locataires aux revenus les plus bas. Constatant que les organismes HLM ne calculent pas tous de la même manière les taux d'effort et le reste à vivre, le CGEDD préconise de définir réglementairement les formules de calcul. Mais les rapporteurs recommandent surtout de prendre en compte cet effet de seuil, et d'apporter à tous ceux dont les ressources sont insuffisantes, une aide sous la forme de garantie ou d'accompagnement social.

 

Transformer les PLS en PLAI ? 

Mais, définition ou pas, il n'y aura pas de miracle : "Les difficultés d'accès au logement social des ménages à faible revenu perdureront tant que l'offre de logements accessibles à typologie adaptée sera insuffisante." C'est pour cette raison que les inspecteurs généraux préconisent d'inclure dans tous les plans départementaux (PDALPD) et locaux de l'habitat (PLH) un objectif de production de "PLAI avec petits et grands logements dans chaque programme". Il est également proposé de loger des personnes à faibles ressources dans des logements PLS, en leur faisant payer un loyer PLAI, l'Etat prenant à sa charge la différence. La mission propose par ailleurs une fixation des plafonds de ressources au niveau régional et plus généralement leur baisse, afin que les logements PLUS et PLAI ne soient pas accessibles à plus de la moitié de la population de chaque région (p.30). Enfin, le rapport préconise de mettre en place des "PLAI glissants" : les locataires aux ressources modestes paieraient d'abord un faible loyer (PLAI), puis un loyer plus élevé (PLUS) quand leurs ressources augmentent. Le niveau de loyer ne serait donc plus lié au mode de financement initial du logement mais aux ressources des locataires.

 

"Renforcer l'accompagnement social", et le financer sur crédits d'Etat

En plus d'une offre accessible, les rapporteurs insistent sur la nécessité d'un accompagnement social pour ces publics : tout en soulignant que bailleurs et associations coopèrent bien sur le terrain - un point de vue que ne semblait pas partager le gouvernement il y a quelques mois puisque le plan de refondation visait précisément à améliorer cette coopération -, ils rappellent que les associations d'accompagnement social ont besoin de financements pérennes.
Sur ce volet, les rapporteurs estiment que le financement de ce travail social par l'Etat en centre d'hébergement et par les conseils généraux côté HLM pose un "problème de cohérence" (p.35). Avec un sens certain de la litote, le CGEDD indique que "le départ de l'Etat des FSL n'est généralement pas jugé pertinent". Plus directement : "L'Etat ne peut pas préconiser l'accès au logement de personnes hébergées sans s'associer au financement de cet accès" (p.41). Il propose un contrat Etat-conseil généraux "dans le cadre du FSL" assorti de crédits du programme 177 (prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables).
En conclusion, les rapporteurs attirent l'attention du gouvernement sur l'importance d'une révision des barèmes des aides personnelles au logement : "Cette question ne peut être éludée si on veut durablement traiter les problèmes d'accès au logement des publics prioritaires." Ils ajoutent que les organismes de contrôle du secteur (Miilos et Anpeec) pourraient procéder à un examen régulier des politiques des bailleurs en matière d'accueil des publics prioritaires. Une manière de rappeler que le secteur disposait déjà de structures de contrôle, avant les conventions d'utilité sociale.

 

Hélène Lemesle

 

A noter : à lire en annexe, les tableaux comparant les critères de sélection des dossiers et l'évaluation des risques d'impayés par les organismes HLM interrogés.