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Aménagement numérique - Troisième conférence du plan FTHD : "Nous avons tenu la première partie du pari"

La troisième conférence du plan France Très Haut Débit réunissait le 28 juin industriels, collectivités et agents de l'Etat à Bercy pour un point d'étape annuel. Face à l'accélération des déploiements, les opérateurs ont pu réaffirmer leur volonté d'aller sur la fibre. L'Etat et les collectivités espèrent avancer sur la commercialisation et les déploiements mobiles. Egalement l'occasion pour l'ARF, la Firip et l'Etat de signer une convention sur la formation.

Réuni à Bercy le 28 juin dernier pour la troisième conférence annuelle du plan France Très Haut débit (THD), le monde du THD français a distribué les bons et les mauvais points. Si l'année écoulée a de quoi donner le sourire côté déploiements, les zones Amii et la commercialisation des RIP restent des épines dans le pied des collectivités. Pour Emmanuel Macron, le plan France Très Haut Débit est un "chantier décisif, une des conditions fondamentales de notre développement économique". Tout en saluant le travail des collectivités, de l'Etat et des opérateurs, il a rappelé que face à l'"impatience" et au "sentiment d'injustice" des citoyens, il était nécessaire de "nous mobiliser, et constamment expliquer".

Trés haut débit fixe

Tous les territoires engagés, l'Etat au rendez-vous

Le plan France Très Haut Débit est devenu une réalité pour l'ensemble des territoires. Comme l'a relevé le président de l'Avicca, Patrick Chaize, "à une exception près, la totalités des régions, des départements et territoires d'outre-mer a un projet". Par projet, il fallait entendre non pas une "intention", mais bien un "accord signé entre de nombreuses collectivités", "un engagement public vis-à-vis de tout un territoire" et "un engagement financier de la nation pour l'accompagner". 100 départements portent aujourd'hui 87 projets de réseaux d'initiative publique, couvrant 85% du territoire. 7,5 millions de prises FttH, 12 milliards d'euros d'investissements. Les chiffres parlent d'eux-mêmes et les territoires sont au rendez-vous de ce qu'Etienne Dugas, président de la Fédération des industriels des réseaux d'initiative publique (Firip), a désigné comme le plus "grand projet d'infrastructures des dix prochaines années". La mobilisation des territoires "dépasse les espérances" du ministre de l'Economie mais trouve désormais un relais efficace au sein de l'Etat : sur les 18 projets ayant bénéficié d'une décision de financement définitive, 10 l'ont obtenue au cours du premier semestre 2016. Quant aux pré-accords de financement, 15 ont été signés au cours des six premiers mois de 2016, contre 16 sur toute l'année 2015. Au total, 67 dossiers étaient validés fin juin.

Les territoires, ces maîtres d'œuvre à l'honneur

Dans la zone d'initiative publique, le plan France Très Haut Débit repose à la fois sur l'Etat, qui joue un rôle de stratège et de coordinateur grâce à la mission France Très Haut Débit, et sur les territoires, qui ont la charge de construire les réseaux. Pour amener le très haut débit (30 Mo/s) partout, les collectivités ont fait des choix hétérogènes, allant du tout FttH à des opérations de montée en débit (fibre jusqu'au village), voire l'utilisation de technologies alternatives comme le RttH (radio). Un mix-technologique "normal" pour Patrick Chaize, alors que les territoires ont dû répondre parfois dans l'urgence aux besoins de connectivité de leurs entreprises, travailleurs et services publics à la place des opérateurs, absents des zones rurales. Emmanuel Macron a également tenu à saluer le travail des élus locaux, qui "ont souvent à subir la pression du terrain et l'impatience de nos concitoyens".
Fin juin 2016, 78 départements avaient engagé leur chantier. 52 départements déploient de la fibre jusqu'à l'abonné (FttH) pour 6,7 millions de locaux raccordés. Et 60 (dont 25 ayant également opté pour le tout FttH) ont fait le choix de la montée en débit et de la fibre jusqu'au village.

Des objectifs de couverture atteints

L'optimisme était de mise pour Emmanuel Macron : "Nous avons tenu la première partie du pari, nos engagements se concrétisent et l'ensemble des acteurs se sont mobilisés" aussi bien autour du plan FTHD que pour les programmes de couverture mobile. La "méthode", réunissant investissements publics et privés, est selon lui la bonne. Et l'Etat s'est déjà engagé à verser près de 2,5 milliards d'euros sur les 3,3 milliards d'euros prévus au titre du plan. Dans les faits, l'objectif de couvrir 50% du territoire en très haut débit d'ici fin 2017 sera atteint avant la fin de l'année. Ce qui fait dire au ministre que "cette France connectée, ce n'est plus un vœu pieu, c'est du concret". A la fin du premier trimestre 2016, 47,4% des locaux étaient couverts (contre 27% fin 2012). Cette accélération des déploiements repose sur trois facteurs : la modernisation des réseaux câblés (27,6% des locaux), les déploiements FttH (14,6% des locaux) et la modernisation du cuivre (21,9% des locaux). Enfin, on notera le dynamisme de la zone publique : +26,5 points (28% de la couverture totale) depuis 2013, légèrement supérieur à celui de la zone privée (+22 points, pour 63%).

Tenir le cap et accélérer : des dispositifs au service des déploiements

Mais comme l'a souligné le ministre de l'Economie, "notre défi est de tenir ce cap et d'accélérer", afin de "maintenir sur la lancée" les chantiers initiés. Un ensemble de facilitations réglementaires, comme l'obligation de pré-raccordement des logements neufs entrée en vigueur au 1er juillet, doivent permettre d'accélérer ces déploiements. Quant au projet de loi République numérique, il comprend un ensemble de dispositions (droit à la fibre, SMO de SMO…) potentiellement accélératrices. Enfin, les engagements pris sur la formation entre les régions, l'Etat et la Firip devraient répondre aux besoins de main-d'œuvre (voir l'encadré ci-dessous). Ces avancées, Patrick Chaize s'en est "réjoui". Si de nouveaux chantiers sont ouverts (BAN, IRU, modulation du tarif du cuivre…), le sénateur de l'Ain a tout de même mis en garde son auditoire : les sujets qui "n'avancent pas deviennent explosifs maintenant que nous sommes dans la réalisation". En creux, ce sont le marché entreprise, l'accès au génie civil d'Orange ou encore l'attente de la notification européenne qui sont visés.

La commercialisation, un vrai sujet

Autre sujet d'importance, la commercialisation des RIP et la venue des Ocen (opérateur de communication d'envergure nationale). Pour Patrick Chaize, "la vraie condition pour faire venir les plus grands opérateurs sur la fibre, c'est qu'ils aient suffisamment perdu d'abonnés sur le cuivre". Les opérateurs alternatifs se montrent de plus en plus incisifs dans les territoires nouvellement raccordés, et nul doute que la modulation du prix du cuivre et la mise en œuvre des "zones fibrées" auront un impact. Côté Ocen, tous ont tenu à affirmer leur engagement sur la fibre, et leur volonté de venir sur les RIP. Maxime Lombardini (directeur général d'Illiad/Free) a évoqué la menace de "disparition" qui pèse sur les opérateurs qui ne migreraient pas vers la fibre. Tout en se montrant, comme Didier Casas (secrétaire général de Bouygues Télécom), hostile à toute idée de modulation de la tarification du cuivre. Orange et SFR continuent de se dire intéressés par les RIP, mais louvoient encore et toujours dès qu'il s'agit de s'engager concrètement à venir sur tous les réseaux.
Par ailleurs, Emmanuel Macron a annoncé que la première réunion du comité de préfiguration de la plateforme commune d'interopérabilité (PCI), outil unique de commercialisation des RIP, s'était tenue le matin même. Demandée par Free, cette plateforme ôterait les derniers freins, selon Maxime Lombardini, qui a annoncé son "engagement très clair de devenir client [des RIP] dès lors que l'on aura une mécanique de commande simple et unifiée".

Des opérateurs pro-RIP, du flou dans la zone Amii

Interpellés sur les RIP, les opérateurs ont répondu par des déclarations d'intention et des chiffres pour prouver leur bonne foi. Michel Paulin (directeur général de SFR) a reconnu des "retards" - dont le constat de défaillance à Lille - tout en insistant fortement sur sa volonté d'investir (2,4 milliards d'euros au total cette année) et de "gagner des RIP". Pour le directeur général délégué d'Orange, l'"engagement" de l'opérateur historique "dans le déploiement de la fibre est total et universel". "Il n'y pas de région dans lesquelles on ne veut pas aller", a-t-il précisé. Tout en reconnaissant à demi-mots une stratégie longtemps défavorable aux RIP, sur lesquels Orange "n'avait pas décidé d'aller", "certainement l'héritage du cuivre", Pierre Louette a fait table rase du passé : "Aujourd'hui, l'engagement dans les zones RIP est total", a-t-il assuré, arguant d'un doublement des investissements pour 2016 (1 milliard d'euros).
Principal point noir, les zones Amii, où les chiffres de conventionnement divergent. Pour le ministre, 80% de la zone Amii est conventionnée et le reste devrait bientôt suivre, dans "les prochaines semaines". Côté Avicca, on fait le constat inverse : dans "la moitié des cas environ, il n'y a pas aujourd'hui de conventions avec les opérateurs". Comme l'a relevé Patrick Chaize, "au rythme de construction constaté depuis un an, Orange n'atteindra la complétude qu'au premier trimestre 2029", et SFR au "troisième trimestre 2097". Pointés du doigt, les opérateurs ont assuré que ces zones étaient devenues une priorité, comme pour Orange qui n'avait pas "pris conscience de l'impatience numérique" ou pour SFR qui entend être "avec vous [les collectivités] un partenaire [actif]", malgré ses retards.

Téléphonie mobile

Avancées des programmes de couverture

Lors de son intervention, la secrétaire d'Etat au Numérique, Axelle Lemaire, a fait un état des lieux des programmes de couverture. Sur les 268 communes identifiées pour le programme "zones blanches centres-bourg", 55% (149) ont décidé de construire elles-mêmes leurs points hauts (pylônes). Porté par 23 collectivités ou groupements de collectivités, ces travaux feront prochainement l'objet de conventions de financements avec l'Etat, pour 14 millions d'euros. Les premiers versements devraient intervenir dès l'engagement des travaux. Quant aux 129 autres, elles sont toujours dans l'expectative. Une dernière campagne de recensement sera lancée, jusqu'en septembre prochain, pour repérer les dernières communes non-identifiées. "Face à l'urgence, il fallait colmater les brèches", a-t-elle précisé pour expliquer la multiplication des recensements. On a également appris que 600 communes sur les 2.200 restantes à couvrir en haut débit mobile d'ici mi-2017 l'avaient été.

Vers une nouvelle gouvernance sur le mobile ?

Axelle Lemaire espère par ailleurs relancer le dialogue entre l'Etat, les collectivités territoriales et les opérateurs sur le sujet de la couverture, en favorisant la remontée des problèmes. Les collectivités sont invitées à faire remonter tous les problèmes de couverture par le biais d'instances régionales de dialogue, dans le cadre de commissions régionales dédiées (Ccrant). Jean-Pierre Quignaux (Assemblée des départements de France) a demandé des "précisions sur les garanties des opérateurs", expliquant que "faire remonter les problèmes des territoires serait difficile s'il n'y avait pas de réponse de leur part", notamment vis-à-vis des citoyens. La ministre a également insisté sur l'identification des solutions les plus adaptées au contexte pour améliorer la couverture, qu'elles soient indoor, des constructions neuves ou des réaménagements.
Enfin, les collectivités semblent avoir été entendues sur le dispositif "800 sites stratégiques". Comme l'a expliqué Jean-Pierre Quignaux, ce dispositif faisait peser un reste-à-charge trop important sur les territoires (raccordement optique, électrique, achat du terrain…) et laissait de fait de nombreuses communes de côté. Destiné à couvrir des zones blanches, il ne prenait pas en compte le ressenti de populations mal couvertes, et ne donnait par ailleurs aucune garantie sur la qualité de service. Allant dans le sens de ces demandes, le gouvernement a décidé d'élargir les critères éligibilité des sites et d'en augmenter le nombre (1.300 d'ici 2020 désormais). Il prendra aussi en charge 50% du coût des pylônes, a priori sans plafond.

Ivan Eve / EVS

Une convention sur la formation
L'Etat, l'Association des régions de France (ARF) et la Fédération des industriels des réseaux d'initiative publique (Firip) ont profité de l'occasion pour signer une convention sur la mise en place de 40.000 formations afin de répondre à la demande du secteur. L'idée avait été lancée en avril, alors que les industriels des RIP estimaient que près 40.000 emplois seraient mobilisés pour déployer la fibre dans les prochaines années : 13.000 créations nettes et 27.000 reconversions, principalement des métiers du BTP et de l'électrification publique. A travers cette convention, les acteurs de la formation, l'Etat et les industriels entendent réorienter l'offre de formation pour répondre aux besoins du marché et tenir le rythme des déploiements. Le dispositif s'inscrira dans le plan d'urgence pour l'emploi, annoncé en janvier dernier par le président de la République. Comme l'a rappelé Philippe Richert, le président de l'ARF, "nous avons changé d'ère" et le plan France Très Haut Débit doit "permettre à notre pays de répondre à cette urgence du numérique" afin "d'offrir à tous ceux qui habitent dans les territoires ruraux les outils de ce nouveau monde". Cheffes de file sur l'aménagement du territoire et le développement économique, les régions le sont aussi sur la formation professionnelle, où elles sont, pour l'élu alsacien, "très fortement engagées" et animées par "une volonté d'aller de l'avant" pour "être à la hauteur des défis". Pour le président de la Firip, Etienne Dugas, la filière est prête à "répondre présent avec des emplois locaux et non délocalisables". "A nous d'être au rendez-vous", a-t-il lancé, "la Firip est un partenaire constructif mais exigeant", "entretenez la confiance et on se charge du reste".

I.E. / EVS