Aménagement numérique - France Très Haut Débit : le bon plan
La valeur ajoutée est dans les détails. Peu d'annonces réellement nouvelles lors de la première conférence annuelle du Plan France Très Haut Débit organisée à Bercy le 6 février. Plutôt des précisions sur l'état des lieux du déploiement et sur la poursuite des ajustements, le tout en présence d'Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, de Fleur Pellerin, ministre déléguée en charge de l'Economie numérique, de Louis Gallois, Commissaire général à l'investissement, d'Antoine Darodes, directeur de la Mission très haut débit, et de nombreux représentants de l'écosystème du numérique : élus, industriels, opérateurs et consultants.
"Nous avons une longue histoire de succès dans les équipements. Les TGV, les autoroutes, le 'Plan téléphone' dans les années 70, sont aujourd'hui un des atouts de notre pays dans la compétition mondiale. Il en est désormais de même pour ce grand chantier du très haut débit que nous avons à mener", a d'emblée rappelé Arnaud Montebourg dans son discours d'ouverture. Un optimisme de mise qui ne doit toutefois pas faire oublier l'une des difficultés françaises : organiser un maillage performant des réseaux au niveau local.
Dans le cas du très haut débit, le défi réside bien dans le niveau de capillarité qui sera obtenu au final. On sait, depuis le bouclage du cahier des charges du Fonds pour la société de l'information (FSN), que celui-ci s'effectuera dans le cadre d'un mix technologique afin d'éviter de trop alourdir la facture. Le gouvernement prévoit ainsi une couverture FTTH du territoire à hauteur de 80% pour 2022, tandis que les zones les plus enclavées seront sans doute desservies par des solutions satellitaires de bonne qualité mais évidemment moins performantes que celles obtenues avec la fibre.
Un volet industriel stratégique et créateur d'emplois
Dans le panorama général qui a d'abord été présenté, et à côté des questions de déploiement, les dimensions industrielles et de l'emploi figurent également en bonne place des préoccupations gouvernementales.
Louis Gallois l'a rappelé. "Nous sommes très attachés à développer l'appareil industriel qui va permettre d'équiper le pays en très haut débit", a-t-il insisté, en mettant notamment l'accent sur les grands instituts de recherche technologique axés sur ce marché (1), sur une offre satellitaire performante (il a salué à cette occasion la signature d'un nouveau volet de 30 millions d'euros pour le développement du projet THD-Sat entre la Caisse des Dépôts et le Cnes) et sur des déploiements nouveaux en matière d'usages.
D'autres intervenants, comme Jacques de Heere, président directeur général d'Acome, l'un des principaux industriels de la fibre, ont confirmé l'arrivée de signaux rassurants de reprise d'activité : "Nos indicateurs industriels confirment l'envolée, puisqu'à la fin 2013, nous avions déjà rattrapé le niveau d'avant la crise de 2008". Une tendance qui ouvre de nouvelles perspectives d'activité en France, confirmées par les dernières études prévoyant la création de plus de 20.000 emplois pendant la durée du Plan (voir ci-contre notre article du 8 janvier 2014).
Les RIP déjà engagés sur un investissement de 3,5 millions de lignes
Côté bilan, d'autres indicateurs positifs ont été signalés, notamment le nombre de foyers raccordés au très haut débit, toutes technologies confondues. On dépasserait les dix millions de foyers au 31 décembre 2013. "Désormais, les opérateurs enregistrent une moyenne de 10.000 abonnements supplémentaires chaque semaine. Cette appétence des Français est une bonne nouvelle, car à ce rythme, les objectifs ambitieux du Plan semblent désormais atteignables…".
Une étude réalisée par le cabinet Arhur D. Little a établi qu'un investissement de 1 euro dans les réseaux très haut débit produisait un effet levier de 6 euros sur le PIB. Les collectivités territoriales sont elles aussi engagées dans une spirale ascendante. Après avoir rappelé que 10% de la population des zones denses ne bénéficiaient toujours pas d'un bon débit et pointé les faiblesses du déploiement du très haut débit dans les zones d'intervention des collectivités locales, Antoine Darodes a confirmé la forte appétence des départements depuis l'ouverture du guichet du FSN à la mi 2013. Aujourd'hui, 56 départements ont déposé un dossier pour une première tranche d'investissement de cinq ans, "ce qui porte le nombre de lignes programmées d'ici 2018 à 3,5 millions".
Coopération renforcée de la BEI et de la Caisse des Dépôts
Le dispositif de financement retenu constitue l'un des principaux carburants à cette dynamique. L'accroissement de la part des subventions du Fonds pour la société de l'information mobilise déjà un montant prévisionnel de 940 millions. Il correspond aux seuls dossiers finalisés en attente de la signature du Premier ministre, qui représentent au total un engagement de 4 milliards d'euros. Les subventions publiques sont également complétées par un système de prêts principalement opérés par la Caisse des Dépôts (sur fonds d'épargne) et par la Banque européenne d'investissement (BEI).
Le vice-président de la BEI, Philippe de Fontaine Vive, a souligné le caractère exceptionnel du dispositif : "Des prêts de 20 ans à moins de 3%, seules la Caisse des Dépôts et la BEI sont capables de le faire", a-t-il affirmé en évoquant la mise à disposition d'une première enveloppe de prêts supérieure à 1 milliard d'euros. Dans l'éventualité d'une consommation rapide de ces crédits, il s'est voulu rassurant : "L'aspect financier ne sera pas un frein", a-t-il confirmé, et les démarches de demandes de prêts seront bientôt simplifiées.
A la suite d'une première opération pilote réalisée avec le Syndicat des énergies et de l'aménagement numérique de la Haute-Savoie (Syane), la BEI et la Caisse des Dépôts ont fortement renforcé leur coopération. Un accord sera prochainement conclu afin de simplifier les démarches des collectivités qui pourront solliciter la BEI, via le guichet des délégations régionales de la Caisse des Dépôts.
Plan de raccordement haut débit des écoles primaires
Si le dispositif d'ensemble est à peu près bouclé, des dispositions d'ajustement ont été annoncées. Antoine Darodes prépare pour la rentrée de septembre un premier bilan détaillé du Plan en concertation avec les acteurs impliqués afin de remettre un rapport définitif au gouvernement en fin d'année. Il a par ailleurs détaillé les chantiers qui restent à finaliser ou à améliorer (voir encadré ci-dessous).
De son côté Fleur Pellerin, qui assurait la clôture de la conférence, a annoncé deux initiatives "structurantes". D'abord, le lancement d'un vaste plan de raccordement aux établissements scolaires afin de "permettre à toutes les écoles françaises de disposer d'un raccordement haut débit d'ici la rentrée 2014, donc sans attendre l'arrivée du très haut débit". Les technologies satellitaires seront utilisées dans le prolongement de l'opération Connect'Ecoles pour équiper les établissements "en bon débit". Les porteurs de projets des réseaux publics pourront accéder à un guichet unique dédié au raccordement des écoles avec les mêmes modalités de financement que celles qui prévalent pour le plan très haut débit, "à condition qu'elles ne disposent pas déjà d'un bon débit", a complété la ministre. Cette disposition pourrait concerner près d'un tiers des 55.000 écoles recensées sur le territoire national.
La seconde annonce concerne la création d'ici quelques mois de l'Agence numérique. Celle-ci regroupera la Mission France très haut débit, les équipes chargées du développement des usages numériques et celles qui ont la responsabilité du développement des écosystèmes numériques de la French Tech. "La future Agence sera notre bras armé pour accompagner le développement numérique des territoires dans toutes ses dimensions, des infrastructures aux usages, et sera à la disposition de l'économie numérique", a-t-elle conclu.
(1) SystemX développe de nouvelles architectures de réseaux, NanoElec travaille sur les technologies photoniques nécessaires à l'élaboration de composants capables de gérer des débits extrêmement élevés et B-com intervient sur les réseaux et infrastructures numériques.
Philippe Parmantier / EVS
Les chantiers techniques à venir, annoncés par le directeur de la Mission
La mission va poursuivre ses travaux d'amélioration du Plan THD, comme l'a précisé Antoine Darodes. Ces travaux porteront principalement sur les points suivants :
- Amélioration de la collecte et du raccordement des entreprises et des sites prioritaires. La Mission réfléchit aux modalités qui permettraient d'accompagner plus efficacement les collectivités pour raccorder les sites prioritaires, "le tout dans un cadre contraint par Bruxelles".
- Poursuite du chantier d'harmonisation technique et de standardisation des architectures et des systèmes d'information : "Il faudra sans doute aller plus loin que le consensus pour obtenir un maximum d'efficacité", a t il indiqué.
- Définition des lignes directrices tarifaires en liaison très étroite avec le régulateur : "Nous allons engager le chantier d'analyse des tarifs de gros, indispensable pour assurer une certaine homogénéité des tarifs sur l'ensemble du territoire et éviter qu'on ne paie la fibre dans une zone enclavée deux fois plus cher qu'a Paris".
- Poursuite du chantier de la continuité numérique des territoires ultra marins dans une perspective d'aménagement à long terme.
- Création d'un portail permettant d'accéder aux informations sur le déploiement du très haut débit : "Nous allons mettre en ligne dès le mois d'avril un observatoire du déploiement du très haut débit. Celui-ci permettra d'identifier les zones en phase avec leur agenda, en avance ou en retard, de manière transparente".
PhP