Aménagement numérique - Le modèle des RIP s'exporte, l'Etat et la Firip s'engagent sur la formation et l'emploi
Réunis le 27 avril à Paris pour une nouvelle présentation des résultats de l'Observatoire des RIP, en présence des ministres Emmanuel Macron et Jean-Michel Baylet, les acteurs des réseaux d'initiative publique (RIP) ont insisté sur l'importance de ces réseaux pour l'aménagement numérique du pays. Une synergie public-privé au service de l'intérêt général qui se concrétise par des projets sur l'ensemble du territoire, une filière en forte croissance et une reconnaissance internationale du "French Model".
Les RIP, un modèle au service de l'intérêt général
Comme l'a rappelé le directeur général de la Caisse des Dépôts, Pierre-René Lemas, les réseaux d'initiative publique auront "été une longue marche contre la fracture numérique", menée de pair avec les collectivités territoriales. Appelant à "garder en tête" les exemples passés de réseaux essentiels comme l'électricité, Pierre-René Lemas a considéré que le très haut débit n'aurait "jamais été déployé jusqu'à l'abonné" s'il s'était appuyé sur la seule "concurrence par les infrastructures" à laquelle se livre les opérateurs dans les zones les plus denses. D'où la nécessité d'un "modèle différent", les RIP.
Malgré les doutes et les critiques faites aux RIP au début des années 2000, leur "bilan est sans appel" puisqu'ils ont favorisé "une meilleure affectation de l'investissement grâce à une organisation du marché qui évite les duplications inutiles", a résumé Gabrielle Gauthey, la directrice des investissements et du développement local de la Caisse des Dépôts confiant même qu'ils sont "parmi les meilleurs investissements territoriaux que la Caisse des Dépôts ait réalisés". Comme elle l'avait fait à Strasbourg le 21 avril dernier, elle a également tenu à dissocier "initiative publique" et "financements publics", rappelant que "les RIP ne sont pas un appel à la dépense publique" mais sont au contraire "essentiellement financés par de l'argent privé". Sachant que "l'intérêt général ne se résume pas à la somme des intérêts particuliers des opérateurs", il était devenu nécessaire d'"inventer un autre dispositif que la simple subvention des opérateurs".
Les RIP, reconnus comme des réseaux essentiels
Le modèle des réseaux d'initiative publique est désormais définitivement inscrit dans les agendas ministériels. Comme l'a souligné Jean-Michel Baylet, les RIP représentent une traduction concrète dans les territoires de "l'exigence numéro un, [qui] est d'avoir accès au numérique et au très haut débit". Pour le ministre de l'Aménagement du territoire, la lutte contre la fracture numérique territoriale est bien "une priorité absolue". Même son de cloche chez Emmanuel Macron, pour qui "rompre l'égalité d'accès au numérique", c'est "trahir la promesse républicaine". Accepter des inégalités de couverture serait pour lui "commettre une erreur économique profonde" qui équivaudrait à "sortir des territoires de l'accès à la croissance" liée à la transformation numérique. En ce sens, le très haut débit est pour lui "un élément essentiel de la dynamique de l'investissement, de la transformation de notre économie et de la crédibilité des politiques publiques".
Au-delà du politique et des industriels, les RIP séduisent également les fonds d'infrastructures privés, à l'image du Fonds Marguerite en Alsace. Cette "bagarre" entre investisseurs privés est le signe, pour Gabrielle Gauthey, que les RIP sont maintenant reconnus par tous comme des réseaux essentiels, au même titre que le téléphone ou l'électricité.
Accélérer les déploiements et la formation
Les ministres ont réitéré leur volonté d'accélérer l'ensemble des chantiers en matière de très haut débit. Pour Jean-Michel Baylet, la priorité est l'instruction de tous les dossiers de financements (dossiers FSN, Fonds pour la société numérique) portés par les collectivités et la notification de tous les accords de financements d'ici la fin de l'année. Emmanuel Macron souhaite "passer véritablement, au-delà de la phase de déploiement en masse, à la massification de la commercialisation des RIP". A nouveau, le ministre de l'Economie a évoqué la publication prochaine d'une grille tarifaire incitative et la constitution d'un groupement d'intérêt économique (GIE) afin de sortir de "l'impasse" provoquée par l'attitude des opérateurs nationaux vis-à-vis des RIP. Il a par ailleurs invité les collectivités à se rassembler au sein de projets plus larges, à l'image du projet alsacien Rosace (qui pourrait s'étendre prochainement à toute la grande région) pour gagner en efficacité. Pour rappel, des surprimes de financements de 10% et 15% sont prévues lorsque des départements se regroupent.
Elément moteur de l'écosystème des RIP, la Fédération des industriels des RIP (Firip) a reçu à cette occasion un engagement ferme d'Emmanuel Macron pour la signature d'un contrat de filière sur la formation. Par l'intermédiaire de son président, Etienne Dugas, la Firip s'est en effet engagée à former 30.000 personnes d'ici 3 ans, dont 10.000 pour pourvoir de nouveaux emplois. Et 20.000 en reconversion, venant principalement des travaux publics et des réseaux d'énergies.
Exporter le "French Model" des RIP
Depuis le début des années 2000 et la première version de l'article L.1425-1 du Code général des collectivités territoriales (qui date de 2004), le modèle des RIP n'a cessé de se développer pour devenir aujourd'hui une référence internationale, le "French Model". Théorisé par la Banque mondiale sur la base des expériences françaises alliant régulateur, industriels et collectivités, ce modèle est promu à travers le monde (Océanie, Amérique centrale et du Sud, Afrique…) par la Caisse des Dépôts et la Firip. Pour Etienne Dugas, "on a la chance d'avoir un modèle exportable", un "modèle qui fait école" et la "capacité d'aller chasser en meute à l'étranger", "pour le plus grand bien de notre économie". Un accompagnement de l'Etat, à l'instar de la French Tech avec les startups, serait toutefois bénéfique à la filière. Selon Emmanuel Macron, il s'agit de "donner des perspectives d'export à nos industriels" et de "mettre en place avec l'Agence du numérique, la Direction générale des entreprises et Business France la structure qui permettra d'accompagner l'ensemble des opérateurs".
Ivan Eve / EVS
Une ordonnance pour mieux partager les infrastructures
Emmanuel Macron a présenté le 27 avril en Conseil des ministres
une ordonnance visant à réduire les coûts des déploiements très haut débit. Alors que les coûts liés aux travaux de génie civil peuvent atteindre jusqu'à 80% du coût total des déploiements, l'objectif est d'inciter les acteurs à mieux partager les infrastructures. Fondée sur une directive européenne de mai 2014 (2014/61/UE), reprise dans l'article 115 de la "loi Macron" du 6 août dernier, elle entrera en vigueur à compter du 1er juillet 2016.
Concrètement, les opérateurs du très haut débit disposeront d'un droit à l'information des infrastructures existantes (transport, assainissement, eau…) et pourront y accéder pour établir les éléments de leurs propres réseaux. Le partage de l'information doit notamment permettre de mieux planifier les travaux et de "diminuer les atteintes potentielles à l'environnement" qu'ils pourraient causer. Par ailleurs, la mutualisation des infrastructures générera des revenus complémentaires pour leurs gestionnaires.
I.E.