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Aménagement numérique - Le Commissariat général à l'investissement chiffre l'apport des RIP pour les territoires

Le Commissariat général à l'investissement (CGI) s'est employé à chiffrer les bénéfices socio-économiques des projets de réseaux d'initiative publique (RIP), objectivant dans le même temps l'acception généralement admise que la fibre est bonne pour les territoires. Chargé d'organiser la contre-expertise des projets alsacien et nord-pas-de-calaisien, le CGI a construit un nouveau modèle d'évaluation socio-économique des RIP, qui pourrait être repris sur l'ensemble du territoire.

Déployer de la fibre optique dans les territoires, notamment grâce à l'investissement public, est généralement considéré comme une bonne chose. Si les raisons d'y croire sont nombreuses, et d'en douter plus rares, le tout restait encore peu ou mal quantifié. Chargé de contre-expertiser les projets de réseaux d'initiative publique (RIP) portés par l'Alsace et le Nord-Pas-de-Calais (1), le Commissariat général à l'investissement (CGI) "confirme la valeur ajoutée de l'investissement consenti pour les territoires". Et tente de le chiffrer. Mobilisé pour évaluer les projets dès que les aides de l'Etat dépassent 100 millions d'euros, le CGI a construit un cadre méthodologique et offre un outil fonctionnel d'évaluation socio-économique d'un projet THD. L'étude du CGI vient d'être mise en ligne par l'Avicca.

Un nouvel outil amené à être repris

La contre-expertise du Commissariat général à l'investissement est présentée comme une "analyse coûts-bénéfices" visant à évaluer les "effets du projet du point de vue de la société, et non du point de vue de l'investisseur". Elle doit "déterminer la valeur socio-économique du projet sur toute sa durée de vie". Autrement dit, son "utilité sociale". Cependant, ne disposant pas de modèle prêt à l'emploi, le CGI s'est inspiré des outils spécialement conçus pour les projets THD par l'organe européen Jaspers, rattaché à la Banque européenne d'investissement (BEI). Ainsi, le CIG a élaboré un "scénario de référence" fondé sur des éléments de contextes sociaux et macroéconomiques indépendants de l'exécution ou non du projet, ainsi que deux "options" (avec ou sans le projet). Puis s'est employé à définir différents paramètres : coût du projet, bénéfices, taux d'actualisation (qui permet la comparaison dans le temps) ou encore le coût d'opportunité des fonds publics (où 1 euro de financement public doit compter pour 1,27 euro).

Les RIP, socio-économiquement bons pour les territoires

Pour le Commissariat général à l'investissement le verdict semble sans appel : "La couverture de l'ensemble du territoire national en très haut débit […] est rentable d'un point de vue socio-économique, prenant en compte l'ensemble des bénéfices pour la société". En délaissant le point de vue des opérateurs privés (pour lesquels il admet un manque de rentabilité) – mais plus largement des investisseurs –, le CGI a pu se concentrer sur les bénéfices qu'en retiraient les usagers : consommateurs, entreprises et administrations publiques. Ces bénéfices sont calculés sur une durée de 30 ans, qui correspond à la durée de vie minimale estimée de la fibre optique. A noter que ces bénéfices n'ont été calculés que pour le Nord-Pas-de-Calais.
Par ailleurs, le CGI précise que si "l'évaluation socio-économique concerne des gains pour la société dans son ensemble", par la nature même d'internet, "il est clair qu'une partie des bénéfices échappera à la nation". Par exemple, si la valeur industrielle du génie civil et de la fabrication de la fibre est localisée en France, celle des équipements électroniques ou la valeur produite par les usages seront plus internationales, avec des retombées fiscales locales "très limitées". Pour le CGI, ces gains devront tout de même être comptabilisés, avant d'être affinés dans un second temps, grâce à un "bilan par acteur".

Les bénéfices socio-économiques chiffrés pour le Nord-Pas-de-Calais

Le premier bénéfice, le "surplus des utilisateurs", est le "gain d'utilité que retirent les utilisateurs" connectés en THD. Il est mesuré sur la base de la "propension à payer pour un tel service". Pour le Nord-Pas-de-Calais, le CGI évalue à 3,8 euros en moyenne par ligne et par mois le gain du passage au THD (18 euros en l'absence totale de connexion à 1,5 euro pour des débits inférieurs à 100 Mo/s).
Pour évaluer les externalités sur l'activité économique (l'amélioration de la production), le CGI mesure les gains de productivité grâce au THD. Ils vont de 6,5% s'il n'y a initialement aucun débit à 0,5% si le débit est déjà supérieur à 30 Mo/s. Quant au passage du haut (0,5 à 3 Mo/s) au très haut débit (+100 Mo/s), il équivaut à un gain de 2%. Toujours dans le Nord-Pas-de-Calais, le CGI estime l'effet moyen par ligne à 1,2%. Soit un bénéfice de 495 euros par ligne et par an pour les entreprises.
Enfin, le "surplus pour la production des services publics" mesure "l'amélioration de l'efficacité de la production des services publics". Fondé sur les mêmes indicateurs que celui des entreprises, il est chiffré pour le Nord-Pas-de-Calais à 132 euros par ligne et par an.
Au total, le CGI estime à 3,456 milliards d'euros les bénéfices socio-économiques du RIP de la région Nord-Pas-de-Calais à 30 ans (pour un coût initial de 731,6 millions d'euros, dont 65% à 75% de fonds publics). Les bénéfices les plus importants sont imputés aux entreprises (73%, soit 2,543 milliards d'euros). Viennent ensuite les administrations (20%, 679 millions d'euros) et les consommateurs (7%, 233 millions d'euros). Quant au RIP, il devrait redevenir "socialement rentable" vers 2027.

Ivan Eve / EVS

(1) Le projet Alsace est porté par l'ancienne région Alsace, en accord avec les départements du Haut-Rhin et Bas-Rhin ainsi que de plusieurs EPCI alsaciens. 400.000 prises devraient être construites d'ici 2022, pour un investissement représentant 600 à 620 millions d'euros (dont 406 millions de fonds publics). Le projet Nord-Pas-de-Calais est géré par un syndicat mixte regroupant notamment l'ancienne région et ses deux départements. 530.000 prises devraient être construites, pour un investissement total de 731 millions d'euros.

 

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