Aménagement numérique du territoire - Trip 2011 : l'Etat veut renforcer le dialogue opérateur collectivités au niveau régional
Les rencontres "Territoires et réseaux d'initative publique" (Trip 2011), organisées à Paris par l'Avicca les 22 et 23 novembre, ont alterné entre débats politiques et échanges sur le "comment faire" (lire notre article du 23 novembre). Alors que les chantiers réglementaires, financiers et partenariaux sont en voie d'achèvement, les opérateurs, l'Etat et l'autorité de régulation, présents dans les tables rondes, ont enrichi la vision du déploiement. Plusieurs territoires comme le Vaucluse ou la communauté d'agglomération de Lille ont également présenté leur projet et leurs premiers résultats. "Que l'on soit satisfaits ou non du cadre, a rappelé le sénateur Yves Rome, président de l'Avicca, le programme "très haut débit" existe, il met en oeuvre des choix politiques et dégage des budgets. Il est important pour nous, porteurs de projets, de le connaître et de le comprendre pour l'utiliser au mieux".
Les opérateurs devront écrire leurs engagements et les rendre publics
Des incertitudes, et des zones d'ombres subsistent. Le représentant de l'Etat était attendu sur la méthode, sur les mécanismes retenus et sur les modalités de financement. Benoît Loutrel, directeur du programme THD au Commissariat général à l'investissement, a reconnu le faible rythme de déploiement de la phase actuelle - 300.000 prises par an- mais pour souligner une vitesse de croisière attendue, nettement supérieure. Il a reconnu ne pas faire "d'angélisme" sur les propositions des opérateurs, et s'en tenir plutôt a des garanties vérifiables. Et, considérant les 900 millions d'euros consacrés au soutien des projets des collectivités, il a rappelé leur vocation d'amorçage "pour accompagner l'investissement sur les trois ou quatre prochaines années". Le message s'est voulu rassurant, d'abord sur la suite à donner aux intentions manifestées par les opérateurs "ils devront à un moment donné, écrire leurs engagements et les rendre publics, car ni l'Etat ni les collectivités territoriales n'accepteront un processus fermé sans transparence". L'essentiel des négociations va s'organiser localement, en présence du préfet et au sein des commissions consultatives régionales pour l'aménagement numérique des territoires (Crant) "le but de ces commissions est d'obtenir des engagements écrits à partir de clarifications menées au cas par cas".
La montée en débit reste une des faiblesses du plan national
Benoît Loutrel est aussi revenu sur la relation entre les schémas directeurs et les projets en rappelant les attentes de l'Etat vis à vis des collectivités : "nous ne demandons pas un engagement sur 10 ou 15 ans mais un éclairage sur vos intentions et la manière dont vous allez enchaîner les phases de déploiement. L'engagement financier se rapporte aux premières phases de démarrage". Il a évoqué un second point "stratégique" relatif à la montée en débit. Rappelant l'évolution sensible des positions de l'Etat au cours des derniers mois il confirme la possibilité dans les projets de mixer investissements haut débit et très haut débit "selon un dosage laissé à l'appréciation du porteur de projet ". Toutefois "les deux objectifs devront être adressés dans les projets", autrement dit, les projets de montée en débit seront éligibles s'ils intègrent aussi un volet FTTH fiber to the home). Il a également mis en garde devant des solutions de montée en débit inconsidérées "elles sont incompatibles et risqueraient de tuer les investissements en très haut débit même dans les zones de RIP". Dans les zones concernées la négociation avec l'opérateur est plutôt conseillée "pour avancer le calendrier de déploiement sur quelques points noirs identifiés". Que deviendront les autres territoires situés dans ces zones "de précaution"? Ils seront sans doute contraints d'attendre l'arrivée – hypothétique ou lointaine- du THD. Le risque de pénaliser durablement des territoires urbains et des territoires ruraux situés à la périphérie des agglomérations est réel. C'est à l'évidence une des faiblesses du plan national.
Remettre l'initiative publique au centre
A l'enseigne des principales associations d'élus, l'Avicca maintient son opposition. Yves Rome propose d'opérer une révolution copernicienne "en remettant l'initiative publique au centre". Pour appuyer cette idée l'Avicca a présenté une motion rappelant les initiatives engagées depuis la rentrée de septembre, notamment la saisine de l'autorité de la concurrence sur la question du financement public et les deux propositions de loi déposées au Sénat et à l'Assemblee Nationale. Elle demande la mise en place d'un cadre d'action "permettant de sécuriser les investissements et de pérenniser l'action des collectivités territoriales au profit de l'intérêt général", sur la base de sept propositions stratégiques (Voir encadré).
Le RIP des Hauts de Seine une autre voie possible….
La présentation du programme intégré THD, porté par le conseil général des Hauts-de-Seine, lors de la dernière table ronde, a opportunément servi de faire-valoir. Le projet des Hauts-de-Seine prévoit en effet le déploiement sur six ans de 800.000 prises FTTH, dans le cadre d'un RIP couvrant l'ensemble du territoire. Il représente un investissement de 420 millions dont 59 millions sur fonds publics, validés pas Bruxelles fin 2009. "Ce projet est porteur d'espérance, a souligné Yves Rome, car il confirme la capacité du mélange public privé couvrir rapidement un territoire dans son intégralité en choisissant son mode de péréquation, sans pour autant contrevenir aux règles de la libre concurrence". Certes le département des Hauts-de-Seine est un des plus riches de France, mais les avancées du programme dont les délais sont tenus ou encore les 50.000 logements déjà équipés sur les 120.000 sous convention du délégataire, donnent à réfléchir sur la justification économique des choix nationaux actuels. N'y avait il pas d'autres voies plus performantes à explorer pour promouvoir une couverture équitable du territoire? C'est bien la question sensible du moment, formulée par une majorité d'élus locaux impliqués dans le très haut débit, au-delà de leurs orientations politiques.
Philippe Parmantier / EVS
Sept propositions stratégiques à retenir
La motion adoptée par l'Avicca formule sept propositions stratégiques concernant les collectivités territoriales
1. Reconnaître le statut d'opérateur d'opérateurs, indépendant et neutre, de manière à sécuriser leurs investissements.
2. Utiliser tous les leviers de la péréquation de manière à permettre une intervention dans les zones rentables et non rentables tout en respectant les règles nationales et communautaires
3. Imposer des obligations identiques aux opérateurs et aux collectivités, afin de simplifier notamment celles qui permettent d'accéder aux aides du FSN
4. Faire des RIP les garants de la Net neutralité à un moment ou les opérateurs manifestent leur intention de limiter les services transitant par leurs réseaux
5. Remettre en cause le dogme de la concurrence par les seules infrastructures et instituer une régulation élargie à la concurrence par les services
6. Rendre les SDTAN obligatoires et opposables aux opérateurs privés
7. Créer un véritable fonds de péréquation tel que prévu par la loi et alimenté dès 2012