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Aménagement numérique - Gouvernement et collectivités appellent à une nouvelle gouvernance du déploiement de la fibre

Le ministre chargé de l'industrie et de l'économie numérique, Eric Besson, a annoncé, ce 9 juin, la création de commissions régionales d'aménagement numérique du territoire lors des cinquièmes Assises du très haut débit, réunies à l'Assemblée nationale sur l'initiative de la députée d'Eure-et-Loir, Laure de La Raudière. "Je sais que de nombreuses collectivités s'interrogent sur la réalité des engagements des opérateurs et sur l'articulation entre les réseaux des opérateurs et les réseaux d'initiative publique", a justifié le ministre en référence aux manifestations d'intentions d'investissements des opérateurs, présentées par lui-même et ses collègues du gouvernement, ce 27 avril.
Seul département à avoir précisément chiffré l'étude du déploiement de la fibre sur tout son territoire, le conseil général de Seine-et-Marne avait en effet demandé des garanties en ce sens au gouvernement, dès fin avril. De même, l'Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel (Avicca) appelait déjà à passer "du guichet B [ndlr : qui finance les initiatives des collectivités] au plan B".
Pour garantir une complémentarité entre les initiatives privées et les initiatives publiques et faciliter l'élaboration des schémas directeurs d'aménagement numérique (SDTAN) institués par la loi du 17 décembre 2009 relative à la fracture numérique (dite loi Pintat), le ministre joue donc maintenant, après le niveau départemental, l'échelon régional.
Les futures commissions devront ainsi réunir les opérateurs, les collectivités "ainsi que l'ensemble des administrations concernées". Elles accompagneront les collectivités sur trois points : l'élaboration de leurs SDTAN ; l'articulation entre investissements publics et privés ; la conformité avec le programme national très haut débit. "Cela marque l'engagement de l'Etat aux côtés des collectivités dans un effort commun d'aménagement du territoire", a conclu le ministre.

Il faut "libérer l'investissement public"

De leurs côtés, les associations représentatives des différents niveaux de collectivités territoriales ne semblent guère convaincu face à un Etat qui s'apprête, selon une célèbre formule, "à privatiser les bénéfices et socialiser les pertes", a cité Bertrand Caparroy, premier vice-président de Seine-et-Marne, chargé des réseaux numériques et du développement des nouveaux usages.  "Aujourd'hui, il convient de parler d'une carence organisée, où contrairement au programme de couverture en haut débit, les problèmes auront été créés par les opérateurs privés", a-t-il souligné. Il faut se souvenir, qu'à l'époque du haut débit, l'intervention des collectivités dans le secteur des télécommunications était conditionnée à l'établissement d'un tel constat de carence de l'initiative privée. Ce serait donc bien un retour en arrière, mais pratiquement coordonné par l'Etat, qui se mettrait en place pour le déploiement de la nouvelle boucle locale de fibre optique : les opérateurs se positionnent sur les zones les plus rentables où les collectivités ont l'interdiction d'intervenir et appellent ensuite, après écrémage du marché, la puissance publique à mettre la main au portefeuille. Inutile de préciser que les élus locaux, plus sensibilisés notamment par les questions de leurs administrés, auront vite fait de comprendre qu'une fois écrémés les territoires les plus peuplés et les plus facilement accessibles, la facture pour les finances publiques sera beaucoup plus élevée pour aller fibrer le reste des zones intermédiaires ou moins denses ! En fin de la table-ronde intitulée "peut-on encourager l'investissement privé sans décourager l'initiative publique ?", Yves Krattinger, président de la commission TIC de l'Assemblée des départements de France (ADF), a donc annoncé qu'avec l'Avicca, l'Association des régions de France (ARF) et celle des maires de France (AMF), il se prépare "dans les prochaines semaines", voire dans les prochains jours, à adresser une lettre ouverte au Premier ministre sur le sujet. "Nous ne sommes pas tout à fait rassurés sur le modèle économique que l'Etat nous propose, ni sur le montage financier avancé et pas davantage sur le cadre réglementaire", a-t-il lancé. "Nous voulons une concurrence sur les services et pas sur les infrastructures. Nous sommes d'accord sur la montée en débit car nous ne serons pas capables de financer la fibre partout tout de suite. Il nous semble qu'une instance nationale reste à construire et qu'elle ne peut pas avoir en son sein que des opérateurs privés [ndlr : en référence au conseil national du numérique, par exemple]", a-t-il conclu.