Emploi - Travailleurs détachés : les mesures de la loi "Savary" précisées par décret
Dans un décret publié le 31 mars 2015 au Journal officiel sont précisées les obligations des employeurs établis hors de France qui détachent des salariés en France. Le gouvernement se bat sur le sujet depuis plusieurs mois. A l'heure actuelle, selon les estimations, le nombre de travailleurs détachés en France varie entre 220.000 et 300.000. Le décret concrétise les mesures prises dans le cadre de la loi du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale, dite loi "Savary" et de la transposition de la directive européenne du 15 mai 2014, qui vise elle-même à l'exécution de la directive européenne précédente, de 1996.
Premier point : le décret instaure le principe de responsabilité des maîtres d'ouvrage et des donneurs d'ordre vis-à-vis de leurs sous-traitants et cocontractants. Jusqu'à maintenant, cette responsabilité solidaire obligatoire du donneur d'ordre était réservée au bâtiment. Dans le cadre de ce principe, un donneur d'ordres peut être poursuivi pour des fraudes relevant d'un de ses sous-traitants. Ainsi "le maître d'ouvrage ou le donneur d'ordre qui n'a pas enjoint l'employeur de faire cesser la situation ou qui n'a pas informé l'agent de contrôle auteur du signalement de l'absence de réponse de l'employeur est tenu solidairement avec celui-ci au paiement des rémunérations et indemnités dues à chaque salarié et des cotisations et contributions sociales y afférentes," détaille le décret.
Le décret précise les documents que doivent conserver et pouvoir présenter à tout moment à l'inspection du travail les employeurs qui détachent des salariés en France : l'autorisation de travail du salarié détaché, le document attestant d'un examen médical dans le pays d'origine, les bulletins de paie, si la durée du détachement est supérieure ou égale à un mois, et tout document apportant la preuve du respect de la rémunération minimale, pour les durées de détachement inférieures à un mois. Les employeurs doivent aussi avoir à disposition tout document attestant du paiement effectif du salaire, un relevé d'heures indiquant le début, la fin et la durée du temps de travail journalier de chaque salarié, ainsi que la copie de désignation du représentant qu'il doit nommer. Ce représentant est chargé d'accomplir au nom de l'employeur les obligations qui lui incombent.
L'employeur doit pouvoir présenter les documents permettant de s'assurer de l'exercice de son activité dans son pays d'établissement : document attestant la régularité de sa situation sociale, contrat de travail attestant du lieu de recrutement du salarié, document attestant du nombre de contrats exécutés et du montant du chiffre d'affaires réalisé par l'employeur dans son pays d'établissement et sur le territoire national.
Le maître d'ouvrage ou le donneur d'ordre français est également mis à contribution. Il doit demander à son cocontractant, avant le début de chaque détachement d'un ou plusieurs salariés, une copie de la déclaration de détachement, qui a été transmise à l'unité territoriale de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation du travail et de l'emploi (Direccte), et une copie du document désignant le représentant de l'employeur.
Des sanctions administratives sont prévues dans le cas où l'employeur, ou le maître d'ouvrage, ne remplit pas ses obligations. L'autorité administrative peut ainsi envisager des amendes, voire, en fonction de la répétition des infractions ou de la gravité des faits constatés, des démarches pour faire fermer (au plus trois mois) l'établissement relevant de l'entreprise où a été constatée l'infraction. "Le préfet tient compte pour déterminer la durée de fermeture d'au plus trois mois de l'établissement de la nature, du nombre, de la durée de la ou des infractions relevées, du nombre de salariés concernés ainsi que de la situation économique, sociale et financière de l'entreprise ou de l'établissement," précise le décret.
Le gouvernement souhaite aller encore plus loin, en augmentant le montant des amendes notamment. Des mesures ont ainsi été ajoutées par amendement par les députés en première lecture du projet de loi "Economie : croissance, activité et égalité des chances économiques" en février. Le montant maximal des sanctions faisant suite à des infractions constatées notamment dans le domaine du bâtiment et des travaux publics qui impliquent un grand nombre de travailleurs est porté de 150.000 à 500.000 euros.
Emilie Zapalski
Référence : décret n° 2015-364 du 30 mars 2015 relatif à la lutte contre les fraudes au détachement de travailleurs et à la lutte contre le travail illégal.