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Emploi - Travail le dimanche : l'OIT demande à la France de s'expliquer

Dans un rapport qui doit être soumis à la Conférence internationale du travail qui se tient à Genève jusqu'au 18 juin 2010, l'Organisation internationale du travail (OIT) demande au gouvernement français et aux syndicats de lui communiquer des informations complémentaires concernant le travail le dimanche. Elle vise les nouvelles dispositions prises dans le cadre de la loi du 10 août 2009 "réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales, ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires". C'est la Confédération générale du travail – Force ouvrière (CGT-FO) qui a initié le mouvement vers l'OIT, faisant passer ses arguments contre la loi à une commission d'experts lors de rencontres organisées les 4 juin, 20 août et 7 septembre 2009. Comme les experts de l'OIT l'indiquent dans leur rapport, le syndicat dénonçait alors "l'extension progressive des dérogations au repos hebdomadaire dominical, notamment dans le secteur du commerce", estimant que les amendements successifs au régime du repos dominical ouvraient "la voie à la généralisation du travail du dimanche et au contournement de la consultation des organisations des travailleurs à ce sujet." Des critiques que le gouvernement français a cherché à contrer dans une réponse transmise le 4 septembre 2009 à l'OIT, précisant notamment que la loi de 2009 avait été adoptée pour faire suite aux recommandations du Conseil économique, social et environnemental (Cese), qui a considéré que le dimanche n'était plus seulement un jour de repos collectif, mais aussi une occasion de profiter de la vie culturelle ou des loisirs, et de faire des achats en famille ou individuellement. Autres arguments avancés par le gouvernement pour défendre ses mouvements en faveur du travail le dimanche : "La nouvelle dérogation concernant les communes et les zones touristiques est fondée sur la dérogation existante en ce qu'elle élargit simplement le champ d'application de ladite dérogation, dans l'objectif de promouvoir le tourisme, et concernera environ 15.000 personnes au maximum, sur les 6,5 millions à qui il est demandé habituellement ou occasionnellement de travailler le dimanche." Concernant les nouveaux Puce (périmètres d'usage de consommation exceptionnelle), le gouvernement français a précisé que "les autorisations d'ouverture le dimanche sont limitées à cinq ans, ce qui démontre le caractère exceptionnel de ces nouvelles dispositions."

 

"Les ouvertures illégales continuent"

Des arguments que l'OIT juge insuffisants. Elle demande notamment les résultats de toute enquête d’opinion conduite auprès des travailleurs concernés et des précisions sur les mesures prises pour garantir le caractère volontaire du travail dominical, les compensations... L'OIT insiste sur trois critères énoncés en 1964 pour justifier l'ouverture des magasins le dimanche : la nécessité de faire face à certains besoins quotidiens de la population, la nécessité de maintenir certains établissements en activité et la nécessité de prévoir des conditions de repos spéciales pour des localités ou des régions particulières. L'organisation souligne également que les dérogations ne se justifient que lorsqu'elles répondent réellement à des besoins de première nécessité...

La CFTC, qui est partie prenante dans la démarche engagée par la CGT-FO pour impliquer l'OIT dans le débat, se satisfait du rapport des experts. "L'OIT suit les syndicats sur deux points, explique Joseph Thouvenel, secrétaire général adjoint de la CFTC. Elle a rappelé au gouvernement qu'il peut y avoir une dérogation quand il s'agit de répondre à un besoin essentiel et je ne suis pas sûr que la vente des petites culottes le dimanche soit un besoin essentiel pour l'économie de notre pays... L'OIT demande aussi au gouvernement comment il met en place le volontariat et comment il protège les salariés." Des informations concernant les mesures prises pour garantir le caractère volontaire du travail dominical et les mesures compensatoires prises pour les salariés qui travaillent le dimanche en application des nouvelles dispositions législatives sont en effet demandées par l'OIT au gouvernement français. Pour le syndicaliste, le doublement du salaire et le volontariat doivent être inscrits dans la loi puisque "les ouvertures illégales continuent", comme il l'assure, citant un exemple précis : le cas du centre de thalassothérapie de Carnac, pour lequel l'employeur a dénoncé les accords précédents des salariés et renégocié à la baisse les compensations financières. "Ce sont des éléments de régression sociale que l'on va faire remonter à l'OIT", assure Joseph Thouvenel. Le gouvernement et les partenaires sociaux ont jusqu'au 31 août pour faire parvenir leurs nouveaux arguments à l'OIT.

 

Emilie Zapalski

 

Référence : loi n°2009-974 du 10 août 2009 réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires.