Commerce - Plus de 500 communes touristiques visées par le travail dominical
La nouvelle mouture de la proposition de loi UMP sur le travail dominical est discutée à partir de mardi 7 juillet à l'Assemblée nationale. Si le texte comporte de nombreux garde-fous par rapport à sa précédente version - ce qui a permis de rallier d'anciens opposants au texte comme Jean-Pierre Raffarin - les débats n'en promettent pas moins d'être houleux. Cinq jours ont d'ailleurs été fixés sur l'agenda de l'Assemblée. Pour l'opposition, c'est la porte ouverte à une généralisation du travail le dimanche. Le texte réaffirme "le principe du repos dominical" et vise à "adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires". Un titre à rallonge qui en dit long sur les précautions prises pour ne pas répéter l'amère expérience de 2008 où une première proposition du député Richard Mallié avait été retirée en raison des remous qu'elle suscitait jusque dans les rangs de la majorité.
Zones touristiques ou thermales
Le principal sujet de friction tient à la définition des zones touristiques. "La situation est incompréhensible pour les visiteurs, notamment étrangers", souligne le rapport. Tout le monde a pourtant déjà vu des magasins ouverts le dimanche, à la mer ou à la montagne, mais il ne pouvait s'agir jusqu'ici que des commerces vendant des biens et services destinés à "faciliter l'accueil" du public ou "des activités de détente ou de loisirs d'ordre sportif, récréatif ou culturel". Désormais, tous pourront ouvrir, à l'exception des grandes surfaces alimentaires. Mais le sujet a été l'objet d'une vive controverse en commission des affaires culturelles, familiales et sociales, le 24 juin dernier. Selon les auteurs du texte, la mesure ne concernerait qu'environ 500 communes classées, essentiellement dans les zones côtières ou les zones de montagne. Mais pour le député socialiste Christian Eckert, "il faudrait rajouter les 3.481 communes qui ont perçu la dotation pour communes touristiques". "Il existe un potentiel d'environ 6.000 communes à vocation touristique en France", a-t-il indiqué.
Légalisation de situations existantes
Le texte vise également à légaliser des situations existant dans les zones frontalières ou les grandes agglomérations de plus d'un million d'habitants marquées par des "usages de consommation" le samedi et le dimanche. C'est par exemple le cas de Plan-de-campagne dans les Bouches-du-Rhône, qui emploie des salariés le dimanche depuis une quarantaine d'années, ou du centre commercial Art de Vivre, à Eragny (Val-d'Oise), ouvert depuis vingt ans. Ces zones bénéficiaient jusqu'ici d'arrêtés préfectoraux. Désormais, le préfet pourra, sur demande du conseil municipal, délimiter un périmètre d'usage de consommation exceptionnel (Puce). "Dans la pratique, ne seraient concernées que les agglomérations de Paris, Aix-Marseille et Lille (au titre des zones frontalières, ndlr). En effet, il n'existe pas d'usage de consommation le samedi et le dimanche dans l'agglomération lyonnaise", précisent les motifs de la proposition. Pris à partie sur cette exclusion de Lyon, Richard Mallié a répondu en commission que "ce n'est pas au préfet d'en décider seul : c'est au conseil municipal qu'en revient l'initiative et c'est lui qui saisira le préfet pour déterminer s'il y a lieu ou non de créer un Puce". Au total une vingtaine de Puce devraient voir le jour.
Garde-fous
Par rapport à sa précédente version, le texte contient des garde-fous. Plus question de faire passer de cinq à huit le nombre des journées pour lesquelles le maire pouvait donner une autorisation d'ouverture, comme le réclamait la grande distribution. Mais surtout, la proposition apporte des garanties pour les salariés travaillant dans un Puce. L'entreprise ne pourra demander une dérogation préfectorale qu'après avoir négocié avec les partenaires sociaux un accord fixant les contreparties pour les salariés. "A défaut d'accord, un référendum sera organisé, et les contreparties seront nécessairement un doublement de salaire et un repos compensateur", avertissent les auteurs. Le texte affirme par ailleurs le principe du volontariat : "L'inscription du droit de refus dans la loi rendra illégale toute sanction ou mesure discriminatoire contre un salarié qui en userait." Toutefois, ces garanties ne s'appliquent pas plus aux zones touristiques et thermales qu'aux 180 dérogations prévues pour certaines professions (restaurants, hôpitaux, stations-service, cinémas, etc.).
Après l'échec du premier texte, les auteurs ont fourbi un nouvel argument : l'emploi. "Tout doit être fait en cette période de crise pour sauvegarder l'emploi", estime le rapporteur qui souligne qu'à Plan-de-Campagne, "1.000 emplois sur les 6.000 sont directement liés au dimanche", ou qu'à Thiais-Village, dans le Val-de-Marne, "plus de 35% du chiffre d'affaires de la semaine du centre commercial est réalisé sur la seule journée du dimanche".
Michel Tendil
L'Europe laisse la question à la discrétion des Etats
La question du travail le dimanche a disparu du droit européen depuis 2003. Si globalement le nombre de travailleurs du dimanche augmente, chaque pays, à l'exception de la France, a adopté ses propres règles répondant à des considérations historiques, religieuses, sociales, culturelles, touristiques, etc.
Ainsi, certains Etats européens ont opté pour une libéralisation pure et simple, comme la Suède, la République tchèque ou encore la Hongrie.
D'autres, tout en faisant le choix de la libéralisation, ont décidé d'imposer de légères restrictions. C'est le cas de la Grande-Bretagne et de l'Espagne qui autorisent seulement l'ouverture des commerces dont la surface est inférieure respectivement à 300 et 280 m2. Le Luxembourg, quant à lui, n'autorise le travail que le dimanche matin.
Les Etats les plus réfractaires au travail le dimanche l'interdisent complètement ou l'autorisent dans le cadre de dérogations. C'est le cas de l'Italie, de la Belgique, des Pays-Bas, de l'Allemagne ou de l'Autriche. A noter que ces restrictions n'empêchent aucunement l'Autriche de voir 17.4% de ses actifs travailler habituellement le dimanche. Par ailleurs, il faut noter que la libéralisation ne va pas de pair avec l'obligation de travailler le dimanche : en Suède, à peine 11.9% des salariés se rendent au travail le dimanche. A titre de comparaison, la France affiche d'ores et déjà un taux de travailleurs dominicaux de 13,6% !
Nicolas Gourdy / Welcomeurope