Environnement - Transition énergétique : les députés votent à l'unanimité des mesures anti-gaspillage alimentaire
Les députés ont achevé, vendredi 22 mai à 3h du matin, leur nouvelle lecture du projet de loi sur la transition énergétique en séance plénière. Sur le volet du texte dédié à l'économie circulaire, ils ont voté à l'unanimité des mesures visant à lutter contre le gaspillage alimentaire. Le député PS de la Mayenne Guillaume Garot, ancien ministre délégué à l'Agroalimentaire et auteur d'un rapport récent sur le sujet (lire ci-contre notre article du 16 avril 2015) avait déposé avec des collègues de la majorité comme de l'opposition des amendements à cette fin. Pour rappel, chaque Français jette en moyenne 20 à 30 kilos de nourriture par an, ce qui représente une somme de 12 à 20 milliards d'euros en un an et le gouvernement s'était fixé dès 2012 un objectif de division par deux du gaspillage alimentaire d'ici 2025.
Il sera donc désormais interdit aux distributeurs du secteur alimentaire de rendre leurs invendus impropres à la consommation. "Voir de l'eau de Javel déversée sur les poubelles des grandes surfaces avec des aliments consommables, ça scandalise", a souligné Guillaume Garot. Les distributeurs devront s'efforcer de prévenir tout gaspillage, ou à défaut d'utiliser leurs invendus, au travers de dons, ou pour l'alimentation animale ou encore à des fins de compost pour l'agriculture, valorisation énergétique... Les moyennes et grandes surfaces de plus de 400 mètres carrés auront d'ailleurs l'obligation de conclure une convention avec une association caritative, afin de faciliter les dons alimentaires. En outre, les produits sous marque de distributeur qui seraient retournés au fournisseur seront autorisés au don alors qu'ils sont détruits actuellement. La lutte contre le gaspillage alimentaire sera enfin intégrée à l'éducation à l'alimentation durant le parcours scolaire. En outre, elle figurera désormais dans les missions de l'Ademe en matière d'économie circulaire. Une fois ces mesures anti-gaspillage entrées en vigueur, "il restera néanmoins beaucoup à faire", a toutefois estimé Guillaume Garot, citant la mobilisation des collectivités locales, la formation des professionnels et la sensibilisation des consommateurs.
Pas d'interdiction de la vaisselle jetable
Les députés ont également amendé le volet économie circulaire du projet de loi sur plusieurs points. Ils sont ainsi revenus sur l'interdiction de la vaisselle jetable en plastique à partir de 2020, qu'ils avaient pourtant votée en commission lors de la seconde lecture du projet de loi. Contre l'avis de la rapporteure socialiste Sabine Buis, ils ont voté l'amendement de suppression de cette mesure qui était défendu par le député PS du Pas-de-Calais Serge Janquin dans la circonscription duquel un plasturgiste, Flo Europe, menaçait de renoncer à un projet d'agrandissement d'usine si cette interdiction était votée. Le 15 avril, en commission, les députés avaient rétabli, à l'initiative des écologistes, l'interdiction à partir de 2020, votée en première lecture puis supprimée par le Sénat, des "gobelets, verres et assiettes jetables de cuisine en matière plastique", sauf "ceux compostables et constitués, pour tout ou partie, de matières biosourcées". Pour Sabine Buis, par ce vote, "la majorité avait donné un signal fort en interdisant des ustensiles caractéristiques d'une économie linéaire fondée sur le triptyque produire/consommer/jeter". Mais, sur l'ensemble de la France, 650 emplois étaient menacés par cette interdiction, s'était indigné dans un communiqué le 24 avril Jean Martin, délégué général de la Fédération de la plasturgie et des composites. Les industriels dénonçaient "une mesure contreproductive en matière de valorisation des déchets et de lutte contre les déchets sauvages", qu'ils jugent "techniquement inadaptée". Ils estimaient que "le caractère compostable des gobelets et des assiettes n'est pas conciliable avec le contact des produits chauds".
Autres modifications apportées lors de la nouvelle lecture du texte sur le volet économie circulaire : la demande faite au gouvernement de réaliser tous les trois ans une étude pour déterminer la proportion de déchets organiques dans les déchets non dangereux faisant l'objet d'une valorisation énergétique, la fin des aides publiques à la très controversée technologie du tri mécano-biologique ou encore l'injonction faite aux services de l'Etat et aux collectivités territoriales de diminuer de 30% avant 2020 leur consommation de papier en mettant en place un plan de prévention en ce sens.
Maintien du plafonnement de la capacité du parc nucléaire
Par ailleurs, en matière d'énergie, les députés ont confirmé que la capacité du parc nucléaire serait plafonnée à 63,2 gigawatts, soit la puissance actuelle. Les sénateurs avaient décidé que la capacité maximale de la production d'électricité d'origine nucléaire serait 64,85 gigawatts, afin que la mise en service de l'EPR de Flamanville (Manche) ne se traduise pas, dès 2017, par l'arrêt de deux réacteurs supplémentaires. L'UMP Julien Aubert comme le MRC (chevènementiste) Jean-Luc Laurent ont tenté en vain de défendre la suppression de ce seuil au nom de la défense de "la filière d'excellence" de l'industrie nucléaire française. "Pareille limitation aurait pour effet d'affaiblir notablement notre indépendance énergétique et la compétitivité de nos centrales à l'exportation", a jugé Julien Aubert. La fermeture de Fessenheim, réaffirmée début mars par François Hollande pour la fin du quinquennat et qui permettrait de respecter ce plafond "sera une fermeture idéologique, pour l'exemple", a déploré Jean-Luc Laurent. L'objectif de ce seuil est "de réduire notre vulnérabilité à une seule technologie", leur a répondu l'écologiste Denis Baupin. Ce seuil est par ailleurs en cohérence avec l'objectif du projet de loi de réduction à 50% à l'horizon 2025 de la part du nucléaire dans la production d'électricité, a-t-il souligné.
Expérimentation du chèque énergie
Les députés ont en outre voté l'amendement gouvernemental prévoyant d'expérimenter par décret le chèque énergie "sur un ou plusieurs territoires, en remplacement des tarifs sociaux" en 2016-2017, "en vue d'une généralisation du dispositif en 2018". Ils ont aussi adopté l'amendement gouvernemental visant à supprimer la hausse de 20% à 30% du taux d'Ifer (imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux) perçu per les collectivités au motif que cette disposition relève d'une loi de finances. Ils ont également adopté un amendement de Denis Baupin qui prévoit une harmonisation à deux mois des délais de recours en justice contre les décisions concernant les installations de production d'énergie renouvelable.
Distance de 500 mètres entre une éolienne et des habitations
Enfin, ils ont confirmé la distance minimale de 500 mètres entre une éolienne et des habitations contre 1.000 mètres votés au Sénat, mais ont laissé au préfet la possibilité de relever cette distance sur la base de l'étude d'impact. Au cours du débat, plusieurs députés de gauche comme de droite ont tenté en vain de relever cette distance à 1.000 mètres pour protéger les riverains des nuisances visuelles ou sonores des éoliennes. "Une distance minimum de 1.000 mètres réduit de 90% les zones possibles d'installation d'éoliennes", a souligné Ségolène Royal. La ministre de l'Ecologie s'est cependant engagée à être "très vigilante sur la circulaire d'application", se disant "prête à faire démonter les éoliennes dans les endroits les plus conflictuels qui ne sont pas très nombreux".
Le projet de loi sera soumis au vote solennel des députés mardi 26 mai dans l'après-midi. Puis il sera transmis au Sénat avant une dernière lecture définitive à l'Assemblée.