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Environnement - Transition énergétique : les députés rétablissent en commission leur version du projet de loi

La commission spéciale de l'Assemblée nationale chargée de réexaminer le projet de loi sur la transition énergétique, après l'échec de la commission mixte paritaire, a adopté le 16 avril la nouvelle version du texte en rétablissant la plupart des dispositions que le Sénat avait supprimées.

Entamée le 14 avril au soir, la nouvelle lecture du projet de loi sur la transition énergétique par la commission spéciale de l'Assemblée chargée de réexaminer le texte après l'échec de la commission mixte paritaire s'est achevée le 16 avril en fin de matinée par l'adoption d'une nouvelle version du texte qui rétablit de nombreuses mesures qui avaient été supprimées par les sénateurs. Sur les grands objectifs de consommation et de production d'énergie (titre I), la majorité sénatoriale de droite avait notamment refusé de fixer une date-butoir à la réduction de 50% de la production d'électricité nucléaire. Sur proposition des socialistes, les députés ont rétabli en commission "l'horizon 2025" pour cet objectif. Un sous-amendement de la rapporteure Marie-Noëlle Battistel a aussi été adopté afin de préserver l'objectif de 40% d'électricité renouvelable en 2030 introduit par le Sénat et pour que l'objectif de 50% d'énergies renouvelables soit atteint "à l'horizon 2030" à Mayotte, à la Réunion, en Martinique, en Guadeloupe et "à l'horizon 2020" en Guyane. Les députés ont également réaffirmé la visée d'une réduction de 50% de la consommation énergétique finale en 2050. Un amendement de Marie-Noëlle Battistel a aussi revu la définition des territoires à énergie positive. Ces territoires ne doivent plus "au moins" atteindre l'équilibre entre la consommation et la production d'énergie à l'échelle locale comme formulé initialement. Il s'agit d'acter le fait que la plupart des territoires à énergie positive retenus dans le récent appel à projets gouvernemental ne correspondent pas à cette définition. "Développer des moyens de production qui ne répondraient à aucune demande locale est source d'inefficacités et génère des surcoûts", a expliqué la rapporteure dans l'exposé des motifs.

Rénovation des logements

Dans le titre II du texte, dédié au bâtiment, les députés ont également rétabli un certain nombre de mesures supprimées par le Sénat en première lecture. Un amendement de la rapporteure Sabine Buis (PS, Ardèche), sous-amendé par Cécile Duflot (EELV, Paris), reporte de 2020 à 2025 l'obligation de rénover les logements privés. Cette obligation de rénovation concerne désormais "tous les bâtiments privés résidentiels dont la consommation en énergie primaire est supérieure à 330 kilowattheures d'énergie primaire par mètre carré et par an", et plus seulement "les logements locatifs du parc privé" comme prévu par le Sénat. L'amendement de Sabine Buis supprime aussi "l'objectif d'atteindre a minima une étiquette C" (150 kWh/m2/an). Les nouvelles constructions publiques sont "chaque fois que possible, à énergie positive ET à haute performance environnementale" selon un autre amendement de la rapporteure. Le Sénat avait opté pour le "ou", rendant l'une des deux dispositions optionnelles (art. 4). "Elles doivent contenir un minimum de matériaux issus de ressources renouvelables ou recyclées, définis par décret en Conseil d'Etat. Chaque projet de construction doit mentionner l'empreinte carbone des bâtiments", prévoit un amendement de Bertrand Pancher (UDI, Meuse) au même article.
Le carnet numérique de suivi et d'entretien du logement créé par le projet de loi (art. 4 bis) est obligatoire pour tous les logements, y compris les logements sociaux alors que ces derniers en avaient été exonérés au Sénat. Un amendement de Sabine Buis a aussi réintroduit la réalisation d'un rapport gouvernemental remis au Parlement un an après la promulgation de la loi sur l'extension du carnet numérique de suivi et d'entretien aux bâtiments tertiaires, en particulier publics. Les députés ont en outre supprimé l'article 4 quater, introduit par le Sénat, qui voulait que les HLM mis à la vente soient BBC (bâtiments basse consommation), assimilés ou fassent l'objet d'une réhabilitation permettant d'atteindre la classe énergétique C. Selon les députés, "ce renforcement conduirait à exclure d'une possible vente HLM 67% du parc, soit 3.200.000 logements, alors même que le patrimoine qui resterait éligible est majoritairement composé de logements de moins de dix ans que la loi rend inaliénables". Ils ont aussi supprimé l'obligation (art. 5) d'installation de systèmes complémentaires de gestion active de l'énergie dans les logements, qui "ne paraît pas opportune" selon l'exposé des motifs de l'amendement des députés socialistes. Sans "remettre en cause la pertinence" de ces équipements, ils "restent à ce stade bien trop onéreux pour les ménages disposant de ressources modestes". Toujours à l'article 5, un amendement de la rapporteure et de Cécile Duflot supprime le fait que les opérations d'amélioration énergétique effectuées dans les copropriétés doivent démontrer "qu'elles étaient amortissables en moins de cinq ans et sous réserve que la baisse des consommations énergétiques soit garantie", rétablissant la version du texte issue de l'Assemblée nationale en première lecture.
Un amendement de Jean-Paul Chanteguet (PS, Indre) rétablit la demande faite au gouvernement de remettre au Parlement un rapport "sur les moyens de substituer à l'ensemble des aides fiscales attachées à l'installation de certains produits de la construction une aide globale dont l'octroi serait subordonné, pour chaque bâtiment, à la présentation d'un projet complet de rénovation". Ce rapport devra être remis six mois après la promulgation de la loi. Les députés ont également réinstauré l'obligation, dans le cadre d'une prestation d'amélioration de la performance énergétique, de faire figurer l'atteinte ou non d'un niveau de performance énergétique. Le non-respect de cette obligation est "puni d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3.000 euros pour une personne physique et 15.000 euros pour une personne morale" (art. 5 bis). Les prestations concernées doivent être précisées par décret.
Un amendement de la rapporteure a aussi rétabli la possibilité pour les conseils départementaux de moduler entre -3,10 et +4,5 % le taux de la taxe de publicité foncière ou du droit d'enregistrement exigible lors de la vente de tout logement satisfaisant à des critères de performance énergétique définis par décret ou de droits immobiliers portant sur des immeubles satisfaisant aux mêmes critères (art. 5 bis C). Cette modulation est "applicable aux acquisitions d'immeubles ou de droits immobiliers portant sur des immeubles réalisés entre le 1er juin 2015 et le 31 mai 2018. Un rapport d'évaluation de ce dispositif est transmis au Parlement, avant le 31 décembre 2018, conjointement par les ministres chargés du développement durable et du logement". Cette disposition avait été supprimée au Sénat, arguant que "le taux maximum de 4,50% a déjà été instauré dans 93 départements" et qu'"il est dès lors peu probable que les conseils généraux utilisent la possibilité de modulation offerte, qui reviendrait à une perte de recettes".
Autre disposition réintroduite par les députés : le remise par le gouvernement au Parlement d'un rapport sur l'opportunité d'aides fiscales à l'installation de filtres à particules sur l'installation de chauffage au bois pour particuliers "dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi" (art. 5 quinquies A).
Désormais, "un tiers" des économies d'énergie réalisables dans le cadre du dispositif des certificats d'économies d'énergie (CEE) doit être réalisé au bénéfice des ménages en situation de précarité énergétique, et non plus "une part" comme l'indiquait le Code de l'énergie de manière imprécise, selon un amendement de la rapporteure Sabine Buis. "Il est nécessaire de fixer une proportion minimale dans la loi, notamment afin de sécuriser le financement du programme 'Habiter mieux' conduit par l'Anah", a justifié la députée.

Transports propres

Les députés ont achevé l'examen du titre III sur les transports du projet de loi sur la transition énergétique le 15 avril au matin. Un amendement du rapporteur Philippe Plisson (PS, Gironde) à l'article 9 a avancé de 2018 à 2017 l'objectif pour l'Etat et les établissements publics d'acquérir au moins 50% de véhicules "propres" lorsqu'ils renouvellent leur parc de véhicules lourds (plus de 3,5 tonnes). Le Sénat avait reporté l'entrée en vigueur de cette mesure à 2018, initialement fixée à 2016. La "stratégie pour le développement de la mobilité propre" que doit définir l'Etat (art. 9 bis) doit évaluer l'opportunité de pratiquer des tarifs de péage favorables au covoiturage et aux véhicules "propres", selon un amendement de Philippe Vigier (UDI, Eure-et-Loir).
Un autre amendement de Philippe Plisson, à l'article 10, reporte de 2016 à 2017 l'entrée en vigueur des nouvelles obligations réglementaires pour le déploiement des véhicules électriques et de stationnement de vélos dans les bâtiments. "La date du 1er janvier 2016 est trop proche" et "aurait ainsi pour conséquence de retarder les projets de construction de plusieurs mois et d'en renchérir le coût", a justifié le rapporteur.
Selon un amendement à l'article 11, porté par Brigitte Allain (EELV, Dordogne), la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) fixe "un objectif d'incorporation de biocarburants avancés dans la consommation finale d'énergie dans le secteur des transports". Le Sénat avait inclus dans la PPE les agrocarburants "conventionnels" de première génération, qui "montrent un bilan énergétique très controversé" selon l'exposé des motifs de l'amendement. Ils en sont donc désormais exclus.
Le député Denis Baupin (EELV, Paris) a fait adopter un amendement à l'article 13 qui stipule qu'"au plus tard fin 2015, la réglementation encadrant les mesures d'urgence possibles en cas de pic de pollution sera modifiée afin de permettre aux pouvoirs publics d'être plus réactifs pour réduire les sources de pollution et protéger la santé des populations exposées, en particulier les plus fragiles".
Un amendement de Philippe Plisson rétablit l'obligation, pour les entreprises d'au moins 100 salariés, d'élaborer un plan de mobilité au 1er janvier 2018 (art. 13 ter). Ce caractère obligatoire avait été supprimé au Sénat. A l'article 14 quater, le rapport réclamé au gouvernement par le Parlement sur la possibilité de réserver, sur les autoroutes et les routes nationales comportant au moins trois voies et traversant ou menant vers une métropole, une de ces voies aux transports en commun, aux taxis, à l'autopartage et au covoiturage a été complété par deux amendements du rapporteur. Le premier demande que soient présentées "des propositions sur les modalités du contrôle du caractère effectif du covoiturage". Le second supprime l'étude de "l'opportunité d'autoriser la circulation des transports en commun sur les bandes d'arrêt d'urgence aux heures de pointe" réclamée par le Sénat. Cette demande "ne paraît guère conforme aux exigences de la sécurité routière", a jugé l'élu.

Economie circulaire

Au titre IV concernant la lutte contre les gaspillages et la promotion de l'économie circulaire, les députés ont réintroduit le 15 avril des mesures de lutte contre "l'obsolescence programmée" des produits, avec une amende pouvant aller jusqu'à 10% du chiffre d'affaires moyen annuel des entreprises jouant de cette pratique. Ils ont aussi rétabli l'interdiction de la vaisselle jetable en plastique à partir de 2020. Par un amendement EELV, les députés ont en outre disposé qu'au plus tard en 2020, l'Etat et les collectivités territoriales devront s'assurer qu'au moins 70% des matières et déchets produits sur les chantiers de construction ou d'entretiens routiers dont ils sont maîtres d'ouvrage seront réemployés ou recyclés. Comme suggéré par un député socialiste et les écologistes a été ajouté l'objectif d'une augmentation de 5% en 2020 de la quantité de déchets faisant l'objet de réemploi et de préparation à la réutilisation notamment des équipements électriques et électroniques, des textiles et des éléments d'ameublement.

Energies renouvelables

Au titre V, sur les énergies renouvelables, l'Assemblée nationale est revenue à une distance minimale de 500 mètres entre une éolienne et des habitations, contre 1.000 mètres votés au Sénat, mais a prévu un accord au cas par cas. S'ils ont jugé que l'initiative des sénateurs "fait écho aux fortes préoccupations, tout à fait légitimes, de riverains d'installations éoliennes", inquiets pour leur santé et pour les paysages, le président PS de la commission des affaires économiques, François Brottes, et la rapporteure Ericka Bareigts (groupe PS) ont considéré dans l'exposé de leur amendement que le relèvement du seuil minimal de 500 à 1.000 mètres "ne peut constituer une solution proportionnée au problème". A leurs yeux, "cette règle 'aveugle' ne prend pas en compte les spécificités de chaque territoire et réduit considérablement le potentiel de développement de l'éolien en France", car elle ramènerait par exemple de 33% à 3% la surface pouvant accueillir un projet éolien en région Centre. "A l'inverse d'une telle automaticité", les deux députés ont fait inscrire le principe d'une distance minimale de 500 mètres accordée au cas par cas, par arrêté préfectoral, sur la base de l'étude d'impact. L'auteur de l'amendement voté au Sénat pour relever la distance à 1.000 mètres était le socialiste Jean Germain, qui s'est suicidé depuis, au premier jour d'un procès l'impliquant. "Allez donc vous promener près d'une éolienne géante : le bruit est infernal", avait dit l'élu d'Indre-et-Loire, plaidant pour concentrer les éoliennes "dans des zones inhabitées" et expliquant que "le monde rural ne veut pas passer par pertes et profits". Mais la Fédération énergie éolienne (FEE), qui regroupe la quasi-totalité des acteurs du secteur en France, avait affirmé que cette disposition "serait catastrophique" et "neutraliserait" toutes les autres mesures favorables à l'éolien dans ce texte. Les députés ont également supprimé l'allongement à 30 jours du délai laissé à un propriétaire foncier pour exercer son droit de rétractation après la signature d'un bail avec un promoteur éolien, que les sénateurs avaient introduit lors de la première lecture du projet de loi.

Interdiction généralisée des coupures d'eau

Par ailleurs, les députés ont rétabli le 16 avril l'interdiction généralisée des coupures d'eau, mais ont donné aux distributeurs d'eau la possibilité de réduire le débit, comme c'est le cas pour l'électricité, via un amendement socialiste au projet de loi. La loi Brottes du 15 avril 2013, dont le décret d'application date du 27 février 2014, a interdit à un distributeur de couper l'alimentation en eau dans une résidence principale même en cas d'impayé et cela tout au long de l'année. C'est la même loi qui instituait le principe de trêve hivernale pour l'électricité et le gaz et pour tous les consommateurs sans distinction de revenus. Mais lors de l'examen du projet de loi sur la transition énergétique en première lecture, le Sénat avait adopté un amendement pour supprimer l'interdiction générale des coupures d'eau et la limiter aux personnes ou familles précaires. Des associations avaient protesté après le vote au Sénat et la ministre de l'Energie, Ségolène Royal, après avoir soutenu l'amendement lors de son adoption, avait annoncé son intention de le faire retirer lors du nouveau passage du texte devant l'Assemblée. Premier signataire de l'amendement voté le 16 avril, le président PS de la commission des affaires économiques a proposé de revenir au droit en vigueur, en rétablissant l'interdiction généralisée des coupures d'eau, et de ne pas "prendre le risque de procéder à des coupures d'eau qui ne se justifiaient pas" aux dépens de ménages en grande difficulté. "Si l'article introduit par le Sénat se justifie sur le plan théorique (pourquoi permettre à des ménages aisés 'mauvais payeurs' d'éviter les coupures ?), l'interdiction de coupure d'eau sans condition de ressources répond à la nécessité d'être pragmatique. Les personnes confrontées au risque d'une coupure d'eau sont dans une situation d'urgence, la plupart du temps non prévisible", selon l'exposé de l'amendement. Néanmoins, pour "un strict parallélisme" avec les dispositions sur l'électricité, l'amendement donne aux distributeurs d'eau la possibilité de procéder à une réduction de débit.
Parmi les 71 amendements votés le 16 avril avant l'adoption de l'ensemble du projet de loi en commission, les députés ont aussi rétabli le texte adopté par l'Assemblée nationale pour plafonner la capacité totale autorisée de production d'électricité d'origine nucléaire à 63,2 gigawatts. Ils ont aussi autorisé l'Etat à expérimenter l'élargissement de l'utilisation du chèque énergie pour permettre le remplacement ou l'achat d'équipements performants en matière énergétique, via un amendement de l'écologiste Denis Baupin.
Le projet de loi, adopté à l'automne en première lecture par l'Assemblée puis en mars par le Sénat dans une version remaniée, reviendra dans l'hémicycle de l'Assemblée le 19 mai en nouvelle lecture. C'est la version du projet de loi issue des travaux de la commission spéciale qui sera examinée dans l'hémicycle.

 

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