Transition démographique : le Conseil de l’âge demande "un effort de priorisation de la politique d’autonomie"

Dans un récent rapport, le Conseil de l’âge estime que la France n’est pas suffisamment préparée face au défi du vieillissement de la population et juge nécessaire la définition d’un "cap" plus clair pour les acteurs. Il préconise une refonte de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), pour intensifier l’accompagnement des personnes âgées à domicile.

"Face à l’évidence démographique, les enjeux en matière d’accompagnement du vieillissement sont insuffisamment anticipés." Dans un rapport intitulé "Bien vivre et vieillir dans l’autonomie à domicile", adopté le 20 février, le Conseil de l’âge (l’un des trois conseils du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge, HCFEA) analyse les "conditions pour permettre aux personnes âgées, vulnérables ou non, de bénéficier de réponses adaptées à leurs besoins et aspirations". Il rappelle les grandes tendances du vieillissement de la population : les plus de 60 ans représenteront 33% de la population d’ici 2050 (+ 7 points par rapport à 2020) et, à cet horizon, la part des plus de 75 ans va presque doubler (pour atteindre 16%, soit 11 millions de personnes). Côté aspirations, "autour de 85% des seniors interrogés sur le sujet souhaitent vieillir à domicile", avec une "réticence à l’institutionnalisation [qui] s’accentue au fil des générations", indique le Conseil. 

"Donner de la lisibilité et de la confiance aux acteurs"

À l’issue de ses travaux, le Conseil de l’âge exprime, par la voix de son président, Jean-Philippe Vinquant, son "inquiétude" face à ce qui est perçu comme "un défaut de préparation" au défi posé par la transition démographique. Le 27 février lors d’une présentation du rapport, il a estimé nécessaire de "donner une nouvelle impulsion à cette politique publique", de "fixer un cap et de grandes orientations" et "de donner de la lisibilité et de la confiance aux acteurs". Cela dans le cadre de la branche Autonomie de la sécurité sociale, mais également dans la "mise à contribution" de toutes les politiques publiques (aménagement du territoire, logement, mobilité, loisirs, culture, sport, maintien du lien social…).

"Le domicile doit devenir le soutien de projets de vie au cœur d’une cité attentionnée pour les seniors", peut-on lire dans le rapport. Des propositions sont formulées pour améliorer la coordination, pour "fluidifier les parcours", par exemple par la généralisation de l’"aller-vers" (repérage des personnes fragiles sur la base de données administratives, prise de contact systématique, préévaluation et orientation).

APA : une sous-consommation du fait des restes à charge ou des tensions sur les recrutements

Le rapport appelle aussi à une refonte de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). "Alors même qu’on peut estimer que certains plans d’aides sont insuffisants ab initio du fait des plafonds fixés de montant mensuel d’APA, près d’un allocataire sur deux ne consomme pas l’intégralité du montant d’aide humaine qui lui a été notifiée, à hauteur en moyenne d’un tiers de celui-ci", déplore le Conseil de l’âge. "Cela n’est pas admissible", commente-t-il, tout en indiquant que cette sous-consommation peut être liée au souhait des personnes de limiter les interventions et "plus fréquemment à des questions de reste à charge ou de tensions sur les recrutements des professionnels salariés".

Le Conseil préconise de s’orienter vers le remplacement de l’APA "par une prestation plus universelle, puissante et englobante, de soutien à l’autonomie". Il s’agirait notamment "d’adopter une règle d’éligibilité plus simple et lisible" pour l’APA à domicile, dont les critères actuels fondés sur le classement en GIR ne permettraient pas d’aider suffisamment les personnes atteintes de maladies neurodégénératives, de troubles cognitifs ou du comportement. Le Conseil de l’âge plaide également pour une revalorisation de l’APA à la hauteur des hausses salariales et pour un déplafonnement des différentes composantes financées par les plans d’aide. "Il juge nécessaire et urgent de contrer le mouvement de déconnexion entre les tarifs arrêtés par les autorités – tarif plancher national, tarifs horaires départemental ou tarification des services habilités – et les charges et coûts supportés par les structures prestataires, qui a pour conséquence de peser sur l’équilibre de ces dernières et/ou de diffuser largement les restes à charge extralégaux", est-il détaillé. Une piste pour cela : "l’octroi plus généralisé de la dotation complémentaire de 3 € par heure"

La branche Autonomie : encore "un petit arbre" de la sécurité sociale qui "doit trouver sa place"

"Tout cela a un coût", admet Jean-Philippe Vinquant, mais ce coût est selon lui préférable au "coût caché de l’insécurisation des personnes". Il rappelle les 10.000 chutes mortelles ou très graves par an. En 2020, le Conseil de l’âge avait chiffré l’effort nécessaire à 13 milliards d’euros supplémentaires d’ici 2030. La rallonge prévue par le gouvernement étant de l’ordre de 10 milliards d’ici 2030, il manquerait 3 milliards d’euros, dont une partie à consacrer au domicile pour "remédier aux fortes tensions actuelles, alors même que l’impact de la transition démographique est encore faible".  Le président du Conseil de l’âge insiste sur la nécessité d’un "effort de priorisation de la politique d’autonomie" et d’une loi de programmation pour "programmer ces actions dans le temps". Par rapport aux branches Maladie et Retraite, la branche Autonomie est encore "un petit arbre" de la sécurité sociale et "doit trouver sa place en termes de priorité", ajoute Jean-Philippe Vinquant.

Le Conseil de l’âge est composé de représentants de l’État, du Parlement, de trois associations d’élus (Régions de France, Départements de France, Association des maires de France), des organismes de protection sociale, d’organisations syndicales et d’associations, d’acteurs divers du domaine de l’âge et de personnalités qualifiées.