Transfert des compétences eau et assainissement : le Sénat rétablit sa version du texte
Maintenir l’eau et l’assainissement dans les compétences optionnelles des communautés, tel est le cap que s’est fixé le Sénat pour répondre aux inquiétudes des élus locaux ruraux en particulier. C’est à cette condition que la chambre haute a donné son feu vert - par 286 voix pour et 19 voix contre - à la proposition de loi LREM-Modem relative à la mise en oeuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes et aux communautés d’agglomération, examinée ce 17 avril selon la procédure accélérée. Le gouvernement a donc échoué à rétablir la version de l’Assemblée nationale adoptée en première lecture le 30 janvier dernier. "Entre les partisans d'un transfert obligatoire et ceux d'un transfert optionnel, un compromis équilibré a été trouvé", s’est défendue en séance la ministre Jacqueline Gourault : "Le gouvernement admet une clause de sauvegarde des libertés communales si 25% des communes, représentant 20% de la population de la communauté de communes, se prononcent contre un transfert au 1er juillet 2019 - les communautés d'agglomération ayant presque toutes acquis la compétence, la disposition n'est pas nécessaire en ce qui les concerne", a-t-elle justifié. Vaguement inspiré du dispositif de l’article 136 de la loi Alur, cet ajustement permettant de repousser le transfert à 2026 ne constitue en l’état qu’un "délai différé, pas une minorité de blocage", estime de son côté le rapporteur François Bonhomme. "Pourquoi ensuite, avoir réservé le report possible aux communautés de communes ?", s’interroge le sénateur LR du Tarn-et-Garonne, "certaines communautés d'agglomération regroupent des communes totalement rurales. Et si 70% des communes d'agglomération ont reçu ces compétences, cela justifie-t-il de ne rien faire pour les 30% restantes ?".
Régime de sécabilité des compétences
Même discorde sur le rattachement de la gestion des eaux pluviales et de ruissellement à la compétence assainissement. La commission des lois a donc réintroduit un régime de sécabilité, autorisant les communes membres d’une communauté de communes ou d’une communauté d’agglomération à continuer à prendre en charge la gestion des eaux pluviales en cas de transfert de la compétence "assainissement".
En séance, les sénateurs ont par ailleurs adopté un article additionnel (1er bis) permettant aux communes qui conservent la compétence eau et/ou assainissement de demeurer éligibles "à l’ensemble des subventions et aides des divers organismes, dont les agences de l’eau, dans le cadre des travaux ou investissements à venir". Un autre (1er ter) exonère de l’obligation d’établir un budget annexe, les services de distribution d'eau potable et d'assainissement gérés sous la forme d'une régie.
Autre apport : le texte (art. 1er quater) relève le plafond sous lequel les missions "eau" et "assainissement" peuvent être financées par le budget général de la commune. Pour rappel, cette exception au principe d'équilibre des services publics industriels et commerciaux (Spic) concerne actuellement les communes de moins de 3.000 habitants ou les EPCI dont aucune commune ne compte plus de 3.000 habitants. Le texte fixe dorénavant ces plafonds à 5.000 habitants.
Par dérogation, l’EPCI bénéficiaire du transfert de compétence et la commune antérieurement compétente pourront également, par le biais d’une convention, "procéder à la rétrocession de tout ou partie des fruits et produits perçus au titre des redevances d’occupation du domaine public des biens et équipements mis à disposition de l'EPCI, mais dont la commune demeure propriétaire" (art 1er quinquies). Le cas a par exemple était évoqué d'une commune tirant une redevance de l'installation d'antennes-relais de téléphonie mobile installées sur des châteaux d’eau.
Le but de l’article 1er sexies est en outre d’assurer un transfert automatique des soldes de budgets annexes eau et assainissement des communes aux EPCI au moment du transfert de compétence.
Plus consensuel l’article 3 - qui tend à assouplir le mécanisme de représentation-substitution au sein des syndicats compétents en matière d'eau et d'assainissement - est simplement complété pour embrasser le cas des métropoles.
Compte tenu des faibles chances de parvenir à une commission mixte paritaire conclusive, le texte devrait à présent poursuivre son parcours devant l’Assemblée en deuxième lecture.