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Transports - Territoires périurbains et ruraux : comment freiner la dépendance à la voiture ?

Un rapport du Centre d'analyse stratégique publié ce 7 février propose des solutions alternatives à la voiture individuelle pour les déplacements dans les zones rurales et périurbaines. Ces propositions s'inspirent toutes d'expériences locales qui ont fait leurs preuves.

Pour les 40% de Français vivant dans les zones rurales et périurbaines, il est très difficile de se passer de voiture individuelle pour effectuer ses déplacements quotidiens. L'éloignement des pôles commerciaux, la faible disponibilité des services de proximité et l'absence de transports collectifs adaptés rendent la plupart du temps la possession d'un véhicule indispensable. Vingt millions d'automobiles circulent ainsi chaque jour dans ces zones, occasionnant des problèmes de pollution – avec 40 millions de tonnes de CO2, elles génèrent 8% des émissions totales de gaz à effet de serre en France – mais aussi des difficultés économiques pour les ménages. Dans un rapport publié ce 7 février, le Centre d'analyse stratégique (CAS) propose une nouvelle approche de la mobilité dans ces territoires pour réduire cette dépendance automobile qui pèse surtout sur les foyers les plus modestes. "Ces populations étant majoritairement équipées de véhicules d'occasion, leur budget automobile (en moyenne 12,3% de leur budget annuel) est principalement constitué par l'achat de carburant", explique le CAS, pour qui une hausse du prix des carburants "viendrait fragiliser leur situation financière".
Le groupe de travail du CAS, dirigé par Olivier Paul-Dubois-Taine, ingénieur général honoraire des Ponts et Chaussées, a retenu une dizaine d'expériences pour freiner cette dépendance, inspirées d'initiatives locales mises en place par des collectivités, des entreprises ou des associations. Parmi celles-ci, certaines consistent à fournir aux usagers une information en temps réel sur l'offre des réseaux de transport public. Le Syndicat mixte des transports collectifs de l'Oise (SMTCO), qui coordonne les services des treize autorités organisatrices de transport collectif du département, a ainsi mis en place une centrale de mobilité permettant aux voyageurs de connaître, via internet, les horaires des différents modes de transport dans son département (train, bus, car, covoiturage...), les tarifs, les points d'arrêt ou les correspondances. Depuis septembre, le dispositif s'est enrichi d'une billetique intermodale par carte à puce.

Regrouper les services pour limiter les déplacements

Faciliter l'accès aux pôles de proximité à vélo est aussi une solution à valoriser, juge le CAS. A Jacou, à la périphérie de Montpellier, la moitié des élèves d'un collège peuvent aller en cours à vélo grâce à un réseau de douze kilomètres de pistes cyclables éclairées et un parking pour bicyclettes de 225 places dont 105 couvertes. Le covoiturage est également un procédé à développer. Le CAS donne l'exemple des Côtes-d'Armor, où un site internet regroupe et met en relation 2.000 personnes (conducteurs et passagers) se déplaçant dans une même direction et désireux de partager un véhicule. Voisin du covoiturage, l'autopartage ("location" de voitures entre propriétaires) peut lui aussi être adapté aux territoires peu denses, estime le CAS, qui évoque les sites Buzzcar, CityzenCar ou CityzenBox.
Autres pistes jugées intéressantes selon le CAS : le regroupement des services à la personne afin de limiter les distances ou la fréquence des déplacements et le déploiement de services sociaux d'accès à la mobilité pour les personnes sans voiture. Dans la communauté de communes de Monein (Pyrénées-Atlantiques), 27 professionnels de santé (médecins généralistes, infirmières, dentistes, etc.) sont ainsi réunis au sein d'un pôle médical afin que les patients disposent de l'ensemble des prestations en un même lieu. Le CAS cite aussi l'exemple de l'association Aide à la mobilité vers l'emploi, de Château-Arnoux (Alpes-de-Haute-Provence), qui propose plusieurs services nécessaires à l'insertion sociale et professionnelle (auto-école sociale, mise à disposition de véhicules de deux et quatre roues, covoiturage et transport microcollectif, etc.). Le rapport du CAS s'intéresse aussi à des expériences étrangères comme celle de la Suisse où il est possible de passer commande des médicaments prescrits par son médecin sans se déplacer à la pharmacie et de se les faire livrer par la poste. La ville de Lund (90.000 habitants), au sud de la Suède, est aussi citée en modèle pour la politique qu'elle mène depuis quarante ans pour encourager les nouvelles pratiques de mobilité : voirie, transports et foncier ont été aménagés de façon à rendre accessibles toutes les activités et tous les emplois à pied, en vélo ou en transport collectif.

Définir des stratégies de mobilité

Ces expériences pourraient, si elles étaient multipliées, proposer des solutions aux personnes qui n'ont pas accès à l'automobile, "une meilleure résistance des territoires aux risques de crises", et des réductions de l'ordre de 30% des émissions de C02 des automobiles dans ces zones, estime le CAS. Pour cela, il formule dans son rapport cinq recommandations principales. La première consiste à "aider les communautés de communes et les agglomérations ainsi que les pôles d'activité qui le souhaitent (universités, centres commerciaux…) à définir des stratégies de mobilité adaptées à leur territoire, en partant de la compréhension locale des flux de déplacement et en s'intégrant dans le cadre du schéma départemental de transport et de ses liaisons avec les pôles urbains voisins". Les collectivités territoriales pourraient ainsi s'inspirer des plans de déplacement mis en place par certaines entreprises pour définir des stratégies de mobilité et s'appuyer sur les initiatives locales pour les mettre en oeuvre. La deuxième proposition du rapport consiste à apporter à l'usager une information en temps réel pour qu'il puisse organiser ses déplacements en combinant les transports collectifs et individuels (marche, deux-roues, voiture personnelle ou partagée). Le CAS préconise aussi de s'appuyer sur l'information numérique pour développer le partage de la voiture et notamment des solutions de covoiturage sécurisées reposant sur un tiers de confiance - les collectivités territoriales pourraient jouer ce rôle - et un suivi géolocalisé du déplacement. Autre proposition : "Coordonner les services de transports collectifs entre eux avec des rabattements performants vers des stations de transports collectifs (itinéraires cyclables, parkings de covoiturage) pour une chaîne de transport porte à porte efficace." 10% des dépenses annuelles de voirie devraient être affectés à ces rabattements, ajoute le CAS. Enfin, il juge possible de limiter les distances parcourues par les professionnels des services à la personne (commerces, santé, loisirs, etc.) en les incitant à coordonner leurs déplacements, leurs livraisons ou le transport des personnes qui les sollicitent.