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Personnes âgées - Suivi et assistance électronique : les bons conseils de la Cnil

Longtemps réservée sur l'utilisation de dispositifs électroniques de géolocalisation pour le suivi des personnes âgées désorientées, la Cnil, face au développement des "gérontotechnologies" en tout genre, fait aujourd'hui le choix d'encadrer leur utilisation, plutôt que de tenter de s'y opposer.

Pendant plusieurs années, la Cnil (Commission nationale de l'informatique et des libertés) s'est montrée réservée sur l'utilisation de dispositifs électroniques de géolocalisation pour le suivi des personnes âgées désorientées, notamment au sein des maisons de retraite (voir notre article ci-contre du 7 juillet 2010).
Mais ceci n'a pas empêché ces systèmes de se multiplier et de se perfectionner au même rythme que l'ensemble des "gérontotechnologies". A côté des classiques bracelets électroniques, existent désormais des capteurs de mouvement ou de température placés au domicile d'une personne ou sur elle-même, des boîtiers de géolocalisation, des dispositifs de reconnaissance biométrique, des systèmes de monitoring à distance par internet... En outre, la plupart de ces dispositifs ont fait leur preuve en matière de prévention des risques, tandis que plusieurs affaires de personnes âgées désorientées décédées avant d'avoir été retrouvées ont - a contrario - mis en évidence leur utilité.

Encadrer plutôt qu'interdire

La Cnil - et les pouvoirs publics - ont donc choisi d'encadrer leur utilisation, plutôt que de tenter de s'y opposer. Une position qui était d'ailleurs déjà celle de l'Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médicosociaux (Anesm) dans une recommandation publiée il y a plus de quatre ans. Celle-ci acceptait le principe de ces dispositifs, tout en demandant qu'une éventuelle surveillance par bracelet électronique fasse "l'objet d'une discussion éthique en équipe, avec la personne et ses proches, au regard du seul intérêt de cette dernière", avec possibilité d'un refus de sa part (voir notre article ci-contre du 13 mars 2009).
Cet été, la Cnil a donc publié une recommandation sur "les systèmes de suivi et d'assistance électroniques des personnes âgées ou désorientées". Elle reconnaît que "ces dispositifs apparaissent comme des outils de suivi, de prévention et d'assistance efficaces et sont, ainsi, susceptibles de favoriser l'autonomie des personnes, leur maintien à domicile et leur liberté d'aller et venir". Mais ils ne sauraient, pour autant, "porter une atteinte excessive aux droits et libertés des personnes, en particulier leur dignité" et "des garanties appropriées en fonction de l'état de la personne doivent être prévues". Au-delà de ces possibles atteintes aux libertés, la Cnil s'inquiète aussi de la tendance à "la substitution de réponses technologiques aux comportements humains de vigilance" et du risque possible de déresponsabilisation des acteurs concernés.
La Cnil formule donc cinq "conseils pratiques" pour un bon usage de ces dispositifs. Le premier, déjà avancé par l'Anesm en 2009, réside dans la nécessité de recueillir l'accord de la personne concernée ou - si elle n'est pas en mesure de le donner - de ses proches (avec, dans ce cas, l'obligation d'informer la personne concernée). Ensuite, ces dispositifs doivent pouvoir être activés ou désactivés à tout moment par les personnes concernées, dès lors qu'elles sont en possession de leurs moyens.
Troisième conseil : la procédure de gestion des alertes doit être formalisée dans un protocole destiné à promouvoir le bon usage et l'efficacité du système. La Cnil rappelle en effet que ces dispositifs ne sont pas infaillibles et que leur efficacité repose aussi sur la qualité de la gestion humaine des alertes. Le quatrième conseil porte sur le recours aux caméras vidéo. Lorsqu'elles sont utilisées, celles-ci "ne doivent pas être placées dans des lieux où le respect de l'intimité s'impose (toilettes...)".

Non à la généralisation des dispositifs

Enfin, la Cnil pose le principe d'un refus de la généralisation de la surveillance, au profit d'une logique de prévention individuelle du risque. La recommandation précise ainsi qu'"il ne saurait être institué de recours systématique à ce type de dispositif pour l'ensemble des pensionnaires d'une maison de retraite ou l'ensemble des personnes présentant un trouble du discernement". Ces dispositifs doivent "être limités à la surveillance de personnes effectivement sujettes à des fugues ou à des difficultés de repérage géographique, ou justifiés par la proximité d'un danger lié à la localisation de l'établissement où la personne est prise en charge".
Cette recommandation - qui vise manifestement à parer au plus pressé face au développement de ces systèmes - n'épuise pas la question. La Cnil indique en effet qu'elle a inscrit ce sujet au programme de ses réflexions sur la thématique "Santé et bien-être dans le monde numérique" et qu'elle "travaille à l'élaboration de nouvelles recommandations en la matière, en concertation avec les acteurs concernés".
De leur côté, les pouvoirs publics et les professionnels ne sont pas restés inactifs, puisque le Comité national pour la bientraitance et les droits des personnes âgées et des personnes handicapées (CNBD) a présenté, dans sa séance du 25 juin, la première version d'une "charte sur les bonnes pratiques relatives à l'emploi des dispositifs de géolocalisation en gérontologie au bénéfice de personnes présentant des troubles des fonctions intellectuelles" (voir notre article ci-contre du 28 juin 2013). Ce document s'inspire d'ailleurs assez largement des conseils de la Cnil, qui avait été associée à son élaboration.

 

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