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Ehpad - La Cnil réservée sur les bracelets électroniques pour personnes désorientées

Depuis quelques années, un nombre croissant d'établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) fait appel à des bracelets électroniques pour assurer le suivi des pensionnaires, et plus particulièrement des personnes désorientées. Proposés par plusieurs fabricants, ces bracelets se présentent sous la forme d'une montre digitale classique dotée d'un bouton-poussoir sur la face avant. A l'origine, ce dispositif se veut une sorte de téléalarme miniaturisée. En appuyant sur le bouton, la personne âgée alerte un membre du personnel disposant d'un récepteur qui indique le nom de l'appelant. Mais le progrès technologique permet désormais d'aller plus loin : ces bracelets peuvent en effet enregistrer les mouvements des résidents et émettre une alerte en cas de malaise ou d'agitation inhabituelle. Enfin, grâce à la géolocalisation, ils sont aussi de plus en plus utilisés pour retrouver les personnes désorientées, à l'intérieur ou à l'extérieur de l'établissement (en cas de fugue).

Devant le développement rapide de ces dispositifs, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) a décidé de lancer plusieurs enquêtes sur place "afin de constater en pratique comment ils sont utilisés". Ce n'est pas la première fois que la Cnil s'inquiète de possibles dérives en ce domaine. Dans un entretien au quotidien La Croix du 21 août 2008, Alex Türk, son président, estimait ainsi que cette technique constituait "en matière de liberté individuelle, l'une des évolutions les plus dangereuses de nos sociétés", en raison du "double traçage dans l'espace et dans le temps" qu'elle permet.

Même si elle porte sur un nombre limité de sites, l'enquête menée en juin 2010 ne devrait pas le faire changer d'avis. Si la Cnil semble admettre l'utilisation du bracelet pour la sécurité des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer ou de troubles apparentés, les résultats de ses investigations sur place laissent apparaître d'autres dangers. Dans les établissements visités, tous les résidents se voient ainsi attribuer systématiquement un bracelet-montre, mais seuls ceux des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer (et non accueillies dans l'espace fermé Alzheimer) comportent en outre, sur prescription médicale, le dispositif "anti-fugue". La Cnil relève aussi que le perfectionnement de ces bracelets permet désormais "la collecte de données relatives aux mouvements corporels de résidents - fonction monitoring - dans un but de déterminer les phases de repos ou d'agitation suspecte". Les enquêteurs ont également trouvé trace, dans la base active du système, de fiches de personnes décédées, conservées sans limite depuis la mise en oeuvre de l'outil.

Curieusement, les principaux dangers pointés par la Cnil ne concernent pas les résidents, mais les salariés. Ces systèmes permettent en effet - même si ce n'est pas leur finalité officielle - la surveillance et le contrôle de l'activité du personnel soignant. Ils permettent ainsi de mesurer le délai qui s'écoule entre l'alerte et l'intervention, et les historiques - qui assurent une traçabilité totale des interventions - peuvent également être utilisés en cas de contentieux avec le salarié et/ou la famille. La Cnil a même relevé un cas de sanction disciplinaire "à l'encontre d'un salarié ayant commis une faute grave révélée grâce à l'enregistrement des horodatages". Autre point faible : le manque d'information des intéressés. Les enquêteurs ont en effet constaté des "défauts d'information sur les droits des personnes, tant à l'adresse des résidents et/ou de leur famille que des salariés et de leurs instances représentatives", ainsi qu'un manque de sécurisation des postes informatiques sur lesquels est installé l'applicatif.

Dans son communiqué, la Cnil annonce qu'elle délibérera "prochainement", en formation contentieuse, sur les suites à donner à ces enquêtes. Elle entend également veiller "à ce que ces dispositifs de surveillance se développent en conformité à la loi informatique et libertés".

 

Jean-Noël Escudié / PCA

 

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