Environnement - Stockage de déchets radioactifs : l'Etat appelé à prendre toutes ses responsabilités
Le Haut Comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire vient de rendre public le rapport de son groupe de travail chargé de tirer les conséquences de l'échec du processus de recherche d'un site français de stockage de déchets radioactifs de faible activité à vie longue (FAVL). Lancé en juin 2008 par le ministère de l'Ecologie et mis en oeuvre par l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), l'appel à candidatures visait les 3.115 communes situées dans les cantons dont la géologie était "potentiellement favorable" à l'implantation du centre de stockage. Sur la quarantaine de communes qui s'étaient portées candidates, dix avaient été présélectionnées et deux d'entre elles, Auxon et Pars-lès-Chavanges, situées dans le département de l'Aube qui accueille déjà les deux premiers centres de stockage de déchets radioactifs de l'Andra, avaient été retenues pour faire l'objet d'investigations approfondies. Mais face à l'hostilité de la population, les élus de ces deux communes ont décidé de jeter l'éponge au cours de l'été 2009.
Après avoir auditionné les organismes, associations et élus impliqués dans le processus de sélection de site, le groupe de travail du Haut Comité a d'abord analysé les raisons qui ont conduit à l'échec du processus. Du côté des acteurs locaux, notamment, le nombre initial de communes (3.115) a été jugé trop important pour pouvoir mener une démarche d'information préalable auprès des populations avant l'appel à candidatures. "Il rendait impossible toute action permettant d'impliquer les territoires dans le processus de sélection de site, or, l'accompagnement des territoires candidats dans ce processus est nécessaire dès le début", souligne-t-il. Autre difficulté pointée dans le rapport : une durée du processus "trop restreinte" et "trop contrainte", d'où "un temps insuffisant pour permettre la mise en place d'un dialogue structuré".
Des maires sous pression
"L'absence d'implication de l'Etat, aussi bien au niveau central qu'au niveau local", a a aussi été considérée comme "manifeste et néfaste". Du fait de cette carence, la responsabilité de mise en oeuvre du processus a été transférée à l'Andra et aux communes candidates. Les six mois de latence entre janvier et juin 2009 ont aussi bloqué la concertation et rendu les affrontements possibles, souligne le rapport. "Au cours de cette période, la progression du projet était floue du point de vue local et la consigne avait été donnée de ne pas communiquer sur le choix des communes retenues. Pendant ce temps, l'opposition s'est développée", relève-t-il. Il juge aussi que l'échelon communal n'était pas adapté. "Ce choix a notamment fait peser une pression trop forte sur des maires de très petites communes, confrontés à des jeux d'acteurs, politiques et autres, locaux et nationaux, qui les dépassent", souligne-t-il. Autres défauts du processus : "le territoire et le contexte local ont été mal appréhendés - entre autres, les problèmes économiques potentiels (enjeux fonciers, appellations d'origine contrôlée, etc.) ont été sous-estimés" ; "l'information aux populations n'a pas été suffisante, à la fois sur le dossier technique du projet de stockage (nature des déchets, quantité, type de stockage, risques induits, etc.) et sur le déroulement du processus de sélection de site"; "le dialogue avec la population concernée a été inexistant", la communication médiatique a été "mal maîtrisée"; "la manne financière accompagnant ce type de projet a été perçue de façon négative" et - "les maires menacés ne se sont pas sentis suffisamment protégés".
Le rapport fournit ensuite un certain nombre de recommandations. A propos de la sélection des sites, "la sûreté doit être le facteur premier de choix (...). La géologie en est un élément important" et "le choix de territoires accueillant déjà des installations nucléaires doit être privilégié, notamment pour des raisons sociologiques", souligne le Haut Comité. Il faut selon lui établir "un calendrier réaliste". "Pour faire en sorte que le projet avance, il est nécessaire de prévoir un certain nombre d'étapes et de points de rendez-vous permettant l'évaluation du projet et une révision éventuelle du calendrier", conseille-t-il. Il appelle aussi l'Etat à "s'engager et exercer ses responsabilités dans la définition, l'exécution et la continuité du processus". "Cette responsabilité première ne peut ni ne doit être transférée", insiste-t-il. L'interlocuteur privilégié au niveau local doit être "a minima intercommunal, avec le soutien de l'Etat et des grandes collectivités (conseil général et conseil régional aujourd'hui, conseil territorial demain)", poursuit-il. L'information sur le projet doit être donnée au public concerné par l'implantation du site bien avant que les communes décident ou non de se porter candidates, recommande encore le rapport qui vante l'efficacité d'une information "proactive" (réunions d'information régulières, lettres d'information, site internet actualisé, twitter, Facebook, etc.). Une large place doit aussi être accordée à la concertation au niveau local. Enfin, note le Haut Comité, le projet de stockage doit être accompagné d'"un certain nombre d'avantages réels sur le plan économique et du développement territorial (...), ce qui suppose de discuter avec les territoires et de réaliser avec eux le développement de leurs propres projets industriels, culturels ou autres".