Environnement - Stockage de déchets radioactifs : l'Andra tire les leçons du débat public
Le 6 mai, l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) a dévoilé à la presse et aux élus locaux les nouvelles orientations prises dans le projet de création d'un Centre industriel de stockage géologique de déchets radioactifs (Cigéo). Une étape qui fait suite au bilan dressé en février dernier du débat public portant sur le projet et qui, pour rappel, s'est déroulé dans des conditions particulièrement difficiles. En effet, boycotté par les associations, ses réunions publiques n'ont pu être tenues, ce que la Commission nationale du débat public (CNDP) a vivement dénoncé à l'époque. En guise de rattrapage, cette instance a su investir un champ de participation relativement nouveau, celui du "forum citoyen relayé par des réseaux sociaux". "En cours de débat, la CNDP a changé de direction et un nouvel élan a été impulsé pour explorer de nouveaux outils de concertation - cette dynamique est d'ailleurs toujours en cours", se souvient Marie-Claude Dupuis, directrice générale de l'Andra. Le bilan des comptes reste honorable : 76.000 visites sur le site internet du débat public, 500 avis et 154 cahiers d'acteurs. "Dont des avis émanant de collectivités, de chambres d'agriculture, du conseil économique et social régional, qui font suite à de réelles délibérations prises en leur sein". Autre exercice réussi : une "conférence de citoyens", procédé de concertation d'origine nordique et encore expérimental en France, auquel la CNDP a eu seulement deux fois recours et qui s'appuie sur un panel de citoyens choisis interrogeant des experts et rédigeant à partir de là un avis porté à la connaissance des pouvoirs publics et du maître d'ouvrage, en plus donc du bilan du débat public publié en début d'année.
Nouvelles orientations : la concertation
L'Andra a fait évoluer son projet à la suite et en lien avec ce débat public. "Suite aux attentes et avis exprimés, la première décision consiste à répondre à la forte demande de réalisation d'une phase de tests grandeur nature", précise ainsi sa directrice générale. Sous réserve d'autorisation, une installation industrielle pilote va donc être créée d'ici à 2025, en vue de conforter en conditions réelles nos moyens de maîtrise des risques, de surveillance du stockage, les techniques de scellement des alvéoles dans lesquelles seront stockés les colis de déchets… "Nous procéderons d'abord avec de petits colis de déchets non radioactifs puis radioactifs, avec jusqu'à 3.000 colis par an lors de la montée en puissance". Deuxième décision : un plan directeur pour l'exploitation du stockage va être mis en place. Lequel, pour devenir un réel outil de pilotage, sera régulièrement révisé et ouvert aux parties prenantes (élus, Clis). Un rapprochement s'opère aussi avec le comité local d'information et de suivi (Clis) du Laboratoire souterrain (créé par un décret de 2007 et doté de moyens) "en vue de trouver ensemble de nouvelles modalités d'échanges adaptées au stade d'avancement du projet". A ces parties prenantes locales, l'Andra s'apprête aussi à ouvrir les portes de l'"Observatoire pérenne de l'environnement", qu'elle a créé dès 2007 pour le projet Cigéo.
Progressivité synonyme de réversibilité
Si la question de la réversibilité du stockage Cigéo est de l'ordre politique, dans le cadre de modalités que seul le Parlement pourra fixer, l'Andra s'adapte et poursuit donc son projet tout en sachant qu'il pourra lui être imposé sur son site la possibilité de récupérer les colis de déchets pendant au moins un siècle. Ce qui impacte évidemment bien à l'avance sa conception même. La phase industrielle pilote servira donc à tester des retraits et différents scénarios de réversibilité possibles. "On n'est pas à un an près, sur un tel projet il faut prendre le temps de la réflexion, étudier toutes les pistes. Il s'agit ici de possibilités laissées à des générations futures. Un dossier sur les options techniques permettant d'assurer la récupération des colis de déchets stockés sera remis en 2015 à l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN)", indique Marie-Claude Dupuis.
A cet horizon, un autre dossier détaillant les options prises en matière de sûreté et de maîtrise des risques sera remis à l'ASN. Ces étapes conditionnent l'obtention de l'autorisation du projet, ce qui sera long et débutera en 2015 pour finir en 2020. "Ce qui n'empêche pas localement de préparer des aménagements préalables qui seront nécessaires. Car pour le futur site il faudra aménager des routes, et donc voir avec les départements, un poste électrique de 400.000 volts, une alimentation en eau à réviser et un raccordement ferroviaire, autre option qui se dégage du débat public et qui fait également consensus parmi les producteurs (EDF, Areva, CEA)", ajoute Marie-Claude Dupuis. Dès lors, c'est une "nouvelle étape du dialogue local qui s'ouvre", avec plus d'entrées dans le concret et dans la longue liste des autorisations et financements encore nécessaires à obtenir pour que ce projet d'accueil en sous-sol de quelque 100.000 m3 de déchets radioactifs puisse un jour aboutir.